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J’ai voulu glow up et me suis demandé si ça m’avait libérée

Dans une société de l’image, que raconte cette tendance à célébrer un avant/après certes conventionnel ? Injonction normative ou déconstruction empouvoirante de la culture de l’effortless ?

Ma première rencontre avec le termeglow upa eu lieu sur TikTok : boomeuse dans le placard que je suis, je tentais initialement de comprendre le fonctionnement de l’application au contenu qui matérialise les problématiques de toute une génération. Ce que j’y cherchais était, pour être parfaitement honnête, un tutorial capable de m’expliquer comment répliquer le vertigineux coup de liner embijouté d’Alexa Demie dans Euphoria. Et j’en suis ressortie avec toute une réflexion sur la vie.

 

De fil en aiguille, de vidéo en vidéo dédiée à la série, je découvre une passion massive vouée au glow up de Zendaya, soit l’écart assez remarquable en termes d’attractivité conventionnelle entre ses apparitions en tant que Rue dans Euphoria et celles sur les tapis rouges s’ensuivant. Voilà que l’on m’éveille à un tout un phénomène d’époque : le glow up est une tendance née tout d’abord sous forme de challenge, donnant lieu à 35 millions de résultats sur TikTok et 6,4 millions sur Instagram. Le principe est simple : documenter l’avant/après d’une transformation la plus frappante et extrême possible de son visage et de son apparence, allant dans le sens de, comme le nom l’indique, de “briller et s’améliorer”. On découvre donc des possibilités – ouvrez les guillemets – “d’améliorations” (nous y reviendrons tant le terme est chargé) totalement décomplexées, sans filtre ni tabou, et saluées par les Internets.

Soudain, je suis tentée. D’apprendre le contouring, à gommer mes pores dilatés, à me poser des faux cils, à jouer du trompe-l’œil sur mon propre faciès, à transcender le corps que j’ai toujours connu et appris à accepter. Pour donner un peu de contexte, le glow up arrive dans ma vie à point nommé : je viens d’arrêter les 35 clopes qui ponctuent mon quotidien ainsi que l’alcool, et je reprends doucement possession de mon corps. Je m’interroge de plus en plus sur la place de l’investissement dans son enveloppe corporelle et sa coquille externe dans un travail de santé mentale, de stabilité et de bien-être. Être de chair et d’image, me faudrait-il enfin repenser mon rapport au selfie que j’évitais jusque-là ?

Ce qui me plaît dans le glow up, c’est qu’il abolit toute notion de triche et de mensonge dans ce que serait un maquillage bien exécuté. Il se fait l’antithèse du culte si parisien de l’effortless, dans lequel notre corps serait une fatalité et non un point de départ, et un idéal chez une poignée de femmes correspondant à des normes brutalement étroites – jeunistes, opalines, cisgenres, grossophobes. L’effort comme philosophie rejoint la culture américaine du self-made-man – contraire de sa variante classiste française du “parvenu” dénigré – l’ascension est valorisée précisément car réalisée de ses propres mains, source de fierté et de revendication et jamais de honte ou d’illégitimité.

De revenge body à glow up : une revanche qui passe par le corps

L’origine du glow up est adjacente au concept du “revenge body” ou, avant ça, de la “revenge dress”, soit une prise de lumière par le biais de l’apparence après un coup dur.

Avant tout, citons la première, Lady Di et sa robe “off the shoulders” noire qu’elle porte au lendemain de son divorce avec le prince Charles et qui casse les règles de la bienséance de la royauté, asseyant ainsi un pouvoir de séduction et un manifeste non verbal de repossession de son corps. C’est aussi celle qu’arborera Julia Fox quelques jours après sa rupture médiatisée (et quelque peu humiliante, comme le suggère le New York Times) avec Ye sur le catwalk de LaQuan Smith en modèle aux découpes audacieuses, où ses fans l’applaudissent pour avoir “reclaim her narrative”.

Dans la pop culture, le show et le concept entier de Khloé Kardashian, Revenge Body, prend son inspiration dans sa propre évolution au lendemain d’une énième déception amoureuse et des moqueries reçues au fil de sa vie : avoir un revenge body est, selon elle, un pied de nez à “tous les gens qui ont douté de vous, vous ont rejeté… (montrez-leur) ce qu’ils ratent”. Dans l’histoire des chick flicks et du cinéma adolescent, les glow up s’apparentent à ce que l’on nomme le rituel culte du “makeover”. De Grease au Diable s’habille en Prada en passant par She’s All That, ces films font de la figure de la nerd typique une soudaine source d’admiration et d’envie, après quelques coups de ciseaux et une nouvelle garde-robe. Le glow up est-il le luxe d’une poignée qui peut se le permettre ?

Car ces exemples présentent des limitations indéniables. En s’inscrivant dans la mythologie américaine de l’amélioration personnelle, le glow up encourage une vision néolibérale apposée au corps, encourageant la maximisation de tout capital à des fins consuméristes. La célébration de la beauté comme idéal absolu (chez une clientèle féminine en grande majorité) fait des rituels autour de l’apparence un exercice de normativité, pesant et sans cesse réitéré. 

Le glow up est-il plus que la promesse – dénigrée par certains magazines – de devenir plus conventionnellement attractif.ve ? Dans quelle mesure cet exercice de pouvoir peut-il être retourné ?

L’origine du glow up est adjacente au concept du “revenge body” ou, avant ça, de la “revenge dress”, soit une prise de lumière par le biais de l’apparence après un coup dur.

Régulation ou transcendance de l’apparence ?

Parfois loup dans un costume d’agneau, le concept vient réguler l’apparence des célébrités : Adele, Rihanna, Selena Gomez et de nombreuses autres personnalités en ont d’ailleurs fait une expérience néfaste. Quand elles perdent du poids pour des raisons qui leur sont propres (et pas toujours positives), c’est tout Internet qui vient décider pour elles qu’il s’agit là d’un progrès. Les voilà complimentées d’avoir glow up – sous-tendant ainsi des idéaux grossophobes derrière l’apparence de louanges et ne portant que bien peu d’intérêt à leur morphologie et état de santé.

Néanmoins, Claude, mannequin mid-size et consultante dans le luxe, promeut “un glow up de vie, où l’arrivée dans un corps aligné avec qui l’on est à l’intérieur encourage une prise de pouvoir sur le monde qui nous entoure”.

Conjugué à un regard body positif et sex positif, le glow up permettrait-il d’allier corps et esprit et d’offrir une expérience transcendantale de son reflet dans le miroir, une validation visuelle, quantifiable, à des personnes luttant avec leur propre image ? 

Loin d’un point final, j’y ai trouvé un point de départ de dépassement généralisé de ce que je jugeais immuable, et non limité à l’apparence. Un glow up humain parfaitement résumé dans ce tweet que je trouve priceless : “Ça existe un glow up en personne moins problématique ?”

 

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