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Beauté

Comment TikTok nous réconcilie avec notre peau

L’application la plus cool du moment serait-elle aussi la plus bienveillante ? Cernes, taches de rousseur, acné… Sur TikTok, des voix s’élèvent contre l’illusion de la peau lisse, sans texture ni imperfections. Une prise de conscience initiée par la première génération biberonnée aux filtres “embellissants”. 

Depuis que le Covid-19 a décidé de venir gâcher nos vies, TikTok a infiltré notre quotidien et complètement ringardisé le reste des réseaux sociaux. Nouvel espace de communication, cette application ultra-ludique est notamment devenue une plateforme d’expression libre pour la Gen Z lassée de Twitter, Instagram (et n’évoquons même pas Facebook !). Dénonciation du harcèlement, tribunes féministes, luttes antiracistes : TikTok accueille davantage de messages politiques qu’on ne pourrait le croire ; et les injonctions de beauté ne sont évidemment pas épargnées par les débats.

Acné, cernes, taches de rousseurs, joues rouges, pores… On se maquille bien souvent depuis notre adolescence pour cacher ces “défauts” de notre peau. Mais pourquoi avoir honte de notre apparence au naturel ? De ce qui nous rend unique ? À grands coups de challenges ou vidéos sans filtres, de nombreux.ses tiktokeur.euse.s fans de make-up souhaitent bannir ce diktat de l’épiderme parfait. Une rébellion numérique nommée “Skin Positivity” qui incite même certain.e.s à accentuer ces particularités qu’on nous oblige à cacher.

La fin du diktat de la peau parfaite

“Le maquillage ressemblera toujours à du maquillage, pas à la véritable texture de notre peau. Nous avons toutes sortes de pores, de lignes, de petits boutons : ta peau transporte le souvenir d’où elle a été et le maquillage ne doit pas cacher cela.” Ce mantra de l’influenceuse et passionnée de maquillage @misspersephone a envahi les feeds de tout le “Beauty TikTok” et acte une nouvelle ère dans le monde du make-up : celle de la transparence, au littéral comme au figuré. En France, beaucoup ont été touchés par ce message – devenu une trend – grâce par exemple à la tiktokeuse @emohokage aka Alena Amsaleg, 19 ans, cumulant plus de 169 000 abonnés sur son compte.

Pour cette étudiante en droit et philosophie, reproduire ce challenge était une nécessité autant pour ses abonnés que pour elle. “J’ai trouvé très vrai ce qui était dit sur le fait qu’on avait appris à se maquiller en ayant une vision de la peau qui était altérée par les filtres et les réseaux sociaux. Je me suis dit que c’était une bonne manière de montrer aux autres mais aussi à moi-même que ce n’était tout simplement pas la réalité. […] C’était un message positif et libérateur.”

@emohokagemon audio favori qui fait beaucoup de bien <3 ne vous méprenez pas, personne n’a une peau parfaite sans le filtre beauté♬ original sound – 🌻 Bronte-Marie 🌾

Une déclaration qui résonne particulièrement sur cette plateforme où le filtre “beauté” règne en maître. “Je me suis rendu compte récemment que le filtre était mis automatiquement dès qu’on faisait une vidéo TikTok. Au début, je me trouvais super belle à la caméra, et une fois que je l’ai retiré, je me sentais horrible car je voyais mes cicatrices ou bien mon duvet. […] Mais ça m’a permis d’accepter ma peau et pour la première fois depuis super longtemps, je me suis trouvée jolie sans maquillage.”

Nour Benhamma, 21 ans, aka @nourbenh, est une des tiktokeuses beauté les plus connues en France avec ses plus de 600 000 abonnés. Comme Alena, elle n’hésite pas à montrer sa peau sans filtre avant de commencer ses tutos. “Dans la vraie vie, je ne me maquille pas spécialement quand je sors, alors pourquoi me cacher sur les réseaux sociaux ? Je préfère être honnête car j’ai une communauté assez jeune. Je veux leur montrer que ce qu’ils voient sur les réseaux n’est pas la réalité. Quand j’étais petite, j’avais des complexes en regardant les stars à la télévision. J’en ai souffert. Je veux montrer qu’avoir de l’acné, c’est normal, que ça fait partie du chemin de l’adolescence. 80 % des ados ont de l’acné ! Ne pas montrer ça, c’est mentir.” Résultats : ces tutos aux images réalistes proposent un rapport plus sain au maquillage et plus bienveillant vis-à-vis de nous-mêmes.

Du camouflage à l’exagération des imperfections

Longtemps utilisé pour cacher nos défauts, notre découverte du maquillage nous ramène aux sombres heures de notre adolescence. Le premier fond de teint acheté pour couvrir notre acné ne correspondait pas vraiment avec l’imaginaire fun qu’on pouvait se faire du make-up enfant, non ? Le mouvement “Skin Positivity” réconcilie justement notre peau avec les cosmétiques, peu importent nos “imperfections”. Le maquillage devient davantage un moyen d’expression de soi que d’aliénation de notre visage aux normes de beauté. Nour le martèle : “Si ça ne m’amusait pas, je ne me maquillerais pas. Je ne fais pas quelque chose dont je n’ai pas envie ! Il ne faut pas oublier qu’au début, le maquillage a été créé pour le cinéma : c’est quelque chose d’artistique.” Un point de vue que partage Cannelle aka @canfrgu (356k abonnés). Cette lycéenne de 17 ans se démarque par ses make-up ultra-originaux. Plus jeune, elle utilisait des produits pour le teint afin de camoufler ses taches noires causées par la mélanine. Ce n’est plus le cas depuis qu’elle est sur TikTok. “J’utilise du make-up pour m’embellir et jouer, pas pour cacher mes défauts.” Ne pas les cacher, voire les accentuer, ou bien même en créer ! Sur l’application, foncer ses cernes ou recréer des taches de rousseur est chose commune. “Ça donne toujours envie de s’accepter davantage quand des gens profitent de ton insécurité pour se rendre beaux, analyse Cannelle à propos de celleux qui s’affichent avec de faux cernes pour “avoir des airs de bad girl, bad boy”.

@nourbenhComment faire de fausses taches de rousseurs. #pourtoi♬ original sound – Nour

Alena constate aussi que certaines personnes qui ont souffert de moqueries pendant leur enfance ont tendance à mal réagir vis-à-vis de la valorisation des imperfections de la peau alors que ces “défauts” étaient souvent la cause primaire de leur harcèlement : “J’entends cette incompréhension mais je trouve que les mentalités évoluent tout de même, et ce qui était considéré comme un défaut avant ne l’est plus forcément aujourd’hui. Mais en effet, dans l’absolu, si je sors dans la rue sans maquillage et que j’ai d’énormes cernes, on continuera à me demander si je suis malade. Au final, ça reste du maquillage qui reproduit la partie jolie et esthétique de ce qui est considéré comme un défaut.”

Génération woke ou algorithme malin ?

“La particularité de TikTok, c’est que les gens interagissent énormément avec le contenu, ce qui leur permet de débattre et prendre la parole sur divers sujets, poursuit Alena. Il y a quelque chose de différent dans ce réseau social qui permet à tout mouvement d’avoir plus d’impact, surtout auprès des plus jeunes. C’est un moyen très efficace pour faire passer des messages militants.” Il est vrai que, depuis son arrivée, TikTok semble être une plateforme de solidarité et de bienveillance. Dénonciation de harcèlements sexuels, scolaires, soutien à des utilisateurs en détresse émotionnelle… L’application donne de l’écho à des messages positifs que l’on ne retrouve pas autant sur des réseaux comme Facebook ou Twitter, où les inscrits sont majoritairement des adultes.

Pour Gabrielle aka @lapetitegaby_yt (48k abonnés), 30 ans et influenceuse spécialisée dans la beauté bio, “TikTok est une application plus naturelle où, par exemple, tu peux réagir à une vidéo en faisant un duo sans make-up, contrairement à Instagram dont l’algorithme est basé sur le privilège du beau – d’où l’expression ‘c’est très instagrammable’. Il y a un côté sur le vif, sans filtre.”

@lapetitegaby_ytÇa fait plusieurs année que je me fait  »tailler » sur le grain de ma peau alors que j’ai tjs été honnête et mtn c’est une trend tiktok 🤷‍♀️ #pt #fyp♬ original sound – 🌻 Bronte-Marie 🌾

“Tout est une question d’algorithme”, nous rappelle Alena. En effet, si certains utilisateurs considérés comme “woke” par le réseau social se retrouvent avec des vidéos correspondant à leurs idéaux, la proposition de contenus est personnalisée à chaque personne inscrite. “Sur TikTok, il y a deux faces, détaille Cannelle. D’un côté, il y a de la positivité, on s’entraide, se complimente… Les gens parlent beaucoup de leurs différents complexes ou de leur santé mentale et ça peut les aider. Mais il y a une autre face où les gens complexent de ne pas ressembler à certaines personnes qui, en plus, retouchent leurs contenus. Il faut se rendre compte que c’est Internet et que c’est malsain de se comparer tout le temps !”

N’oublions pas que les plus grosses stars de la plateforme, comme les sœurs D’Amelio, Addison Rae ou encore Léa Élui en France, répondent aux standards de beauté de la femme mince et caucasienne. C’est cette image de TikTok qu’a eu Chad Monroe aka @thefrenchbeautyboy (97k abonnés) en s’inscrivant. Ce make-up artist de 30 ans a lui aussi poussé un coup de gueule pour dénoncer le manque d’honnêteté notamment dans la promotion de produits de beauté. “Je ne vois jamais de bouton, de texture… Personne ne connaît le mot imperfection ?”, s’étonne celui qui n’a aucun souci à afficher ses rougeurs et ses pores. “J’ai des abonnés qui peuvent être très jeunes. Il faut qu’ils soient au courant de la réalité.”

Le rapport aux filtres, de l’écran à “la vraie vie”

Ce rapport aux filtres et à la métamorphose numérique du visage est familier pour la Gen Z, qui a grandi avec cet outil. Au Royaume-Uni, il est désormais obligatoire de signaler cet artifice lorsqu’il est utilisé par des influenceur.euse.s qui font la publicité de cosmétiques ou de produits skincare.

“Cette génération a grandi avec les filtres lissants alors que nous n’en avions pas forcément conscience, car dans les magazines, on ne s’imaginait pas qu’il y avait autant de retouches au niveau de la peau. Ils sont moins naïfs et se rendent compte des capacités des applis type Facetune car elles sont tout simplement extrêmement faciles d’accès.”

Cette prise de conscience numérique de l’inaccessibilité de ces canons de beauté est finalement une bonne chose pour les adolescents, qui sont mieux armés. On le voit directement dans les tendances maquillage. “Aujourd’hui, les marques osent montrer des imperfections pour séduire cette génération, analyse Nour. Sur TikTok, la trend est au make-up naturel, contrairement au style Insta où le fond de teint couvre tellement qu’on ne voit plus rien sur la peau et qu’on change la structure de son visage avec un bronzer.”

Des tendances cosmétiques qui paraissent anodines à première vue mais en disent long sur ce qu’a changé TikTok “dans la vraie vie”. “Pour être honnête, j’ai vraiment l’impression que les mentalités ont changé, que les gens sont davantage bienveillants”, se réjouit Cannelle en pensant aux personnes de son lycée. “D’après ce que me racontait ma grande sœur qui a aujourd’hui 24 ans, avant, tu étais populaire en critiquant les autres, maintenant, ce n’est plus le cas. T’as pas à agresser les gens comme ça, c’est plus possible.” S’il faudra des années pour changer les mentalités, ces tiktokeur.euse.s prouvent que les réseaux sociaux peuvent aussi être des environnements sains et propices aux réflexions. Les messages diffusés ne sont plus exclusivement cantonnés au web et trouvent un important écho au-delà des écrans. Un constat bien loin des clichés superficiels véhiculés autour de TikTok et de ses jeunes utilisateur.rice.s.

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