Avant de faire de la musique, tu étudiais les sciences politiques. Qu’avais-tu en tête
à l’époque ?
Quand j’avais 17 ans, mes parents ont divorcé et j’ai commencé à m’intéresser à la psychologie. C’est devenu une obsession et j’ai travaillé dur pour être acceptée à Cambridge. J’y ai pris conscience de certaines réalités, et du lien qui existe entre psychologie, sociologie et politique. Surtout : aller à l’université, avoir un job alimentaire normal… Ces choses m’ont permis d’arriver dans le milieu musical avec un peu plus de perspective.
Après les sciences politiques, tu t’es lancée dans le mannequinat. Pourquoi ?
Après Cambridge, j’ai réalisé que je ne voulais plus rien avoir à faire avec mon diplôme. J’ai éliminé un tas d’options – tous les débouchés traditionnels – et j’ai compris que je ne voulais rien faire d’autre que de la musique. C’était un moment difficile car mes parents ne me soutenaient pas dans ce projet, et je ne savais pas comment le financer. Le mannequinat a fait partie des nombreux petits jobs que j’ai eus pour pouvoir réaliser des clips et faire exister ma musique.
En 2017, tu t’es exprimée contre les discriminations que tu subissais dans l’industrie de la mode.
Peux-tu m’en parler ?
Tu sais, j’ai grandi à Londres, entourée par une immense diversité qui m’a longtemps protégée du racisme. Avant d’entrer à Cambridge, je n’avais jamais eu l’impression d’être différente des autres. Là-bas, j’ai découvert un environnement très blanc, très riche… Puis je suis entrée dans l’industrie de la mode où tu ne peux être que ceci ou cela : petite ou grande, mince ou non… Tout ce que voulaient les marques, c’était cocher la case « minorités » de leur cahier des charges. Lorsque l’on m’engageait pour une campagne, j’étais souvent présentée comme « la touche asiatique » du projet. C’était déconcertant… Passer d’un milieu aussi cosmopolite à des sphères aussi exclusives a brisé l’utopie de mon enfance ; mais cela m’a montré à quoi ressemblait vraiment ce monde.
Aujourd’hui, tu travailles toujours avec certaines marques, et tu rendais hommage à des designers visionnaires dans ton titre « Comme des Garçons (Like the Boys) ». La mode, ça peut aussi être cool ?
Heureusement, il y a de vrais changements aujourd’hui. J’ai grandi avec les shows de Victoria’s Secret, alors voir ce que Rihanna fait avec Savage x Fenty, par exemple… C’est fou ! Samuel Ross du label A-COLD-WALL* fait un travail incroyable autour de l’art et du streetwear… Il y a aussi des artistes comme Nicola Formichetti, qui a révolutionné l’industrie avec le clip de « Bad Romance » et tout son travail avec Lady Gaga… Cette diversité de visions et de corps représentés me touche et me fait croire en l’avenir.