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Musique

This hell is better with Rina Sawayama

From Ordinary Superstar to Pop Icon : Rina Sawayama se confie pour NYLON France. De sa recherche d’identité à son premier EP RINA dévoilant ses vraies couleurs, elle te dit tout.

Photographe : Alex de Mora
Styliste : Jordan Kelsey

Manteau et lunettes de soleil BALENCIAGA

Avec des sonorités empruntées à l’âge d’or des années 2000 et un regard affirmé sur le monde, Rina Sawayama s’impose comme une artiste à propos, déterminée à user de son art pour conter son récit et montrer au monde ce qu’il peinait à voir en elle : ni un cliché ni une « Asiatique de plus » mais le fruit d’une histoire complexe et d’un fabuleux « mélange de cultures ». Migration, héritage, traumas familiaux… Rina Sawayama épluche toutes ces thématiques sur ce premier album dans lequel elle déclare son amour à son autre famille : celle qu’elle s’est choisie. 

Paru en 2020, SAWAYAMA l’a propulsée du rang d’espoir à celui de pop star internationale. Une expérience que la jeune femme a vécue étrangement, tranquillement installée dans son salon au fil des confinements. Aujourd’hui, elle s’acclimate à cette nouvelle vie et prépare la suite de son épopée. Fin mai, elle dévoilait « This Hell », premier extrait d’un second album intitulé Hold the Girl. L’occasion de troquer sa signature pop-rock pour une ambiance country et de célébrer toute la résilience des communautés queers. L’occasion aussi de rendre hommage à la lignée de femmes dont elle est la digne héritière et sans lesquelles le monde ne serait pas tout à fait le même aujourd’hui : Britney Spears, Lady Di, Whitney Houston. 

Autant dire qu’il y avait matière à discuter avec Rina Sawayama. Depuis son salon londonien, la jeune femme a pris le temps de répondre à mes questions en toute sincérité. Un entretien à cœur ouvert dans lequel la diva du futur se confie sur ses inspirations, son récent succès, ce métissage qui la définit et sur ce que signifie, pour elle, le mot famille. 

Rina Sawayama pour NYLON France

Body et jupe SAINT LAURENT / Chapeau KEBURIA / Bottes vintage chez AMO VINTAGE

Avant de faire de la musique, tu étudiais les sciences politiques. Qu’avais-tu en tête
à l’époque ? 

Quand j’avais 17 ans, mes parents ont divorcé et j’ai commencé à m’intéresser à la psychologie. C’est devenu une obsession et j’ai travaillé dur pour être acceptée à Cambridge. J’y ai pris conscience de certaines réalités, et du lien qui existe entre psychologie, sociologie et politique. Surtout : aller à l’université, avoir un job alimentaire normal… Ces choses m’ont permis d’arriver dans le milieu musical avec un peu plus de perspective.

Après les sciences politiques, tu t’es lancée dans le mannequinat. Pourquoi ? 

Après Cambridge, j’ai réalisé que je ne voulais plus rien avoir à faire avec mon diplôme. J’ai éliminé un tas d’options – tous les débouchés traditionnels – et j’ai compris que je ne voulais rien faire d’autre que de la musique. C’était un moment difficile car mes parents ne me soutenaient pas dans ce projet, et je ne savais pas comment le financer. Le mannequinat a fait partie des nombreux petits jobs que j’ai eus pour pouvoir réaliser des clips et faire exister ma musique. 

En 2017, tu t’es exprimée contre les discriminations que tu subissais dans l’industrie de la mode.
Peux-tu m’en parler ?

Tu sais, j’ai grandi à Londres, entourée par une immense diversité qui m’a longtemps protégée du racisme. Avant d’entrer à Cambridge, je n’avais jamais eu l’impression d’être différente des autres. Là-bas, j’ai découvert un environnement très blanc, très riche… Puis je suis entrée dans l’industrie de la mode où tu ne peux être que ceci ou cela : petite ou grande, mince ou non… Tout ce que voulaient les marques, c’était cocher la case « minorités » de leur cahier des charges. Lorsque l’on m’engageait pour une campagne, j’étais souvent présentée comme « la touche asiatique » du projet. C’était déconcertant… Passer d’un milieu aussi cosmopolite à des sphères aussi exclusives a brisé l’utopie de mon enfance ; mais cela m’a montré à quoi ressemblait vraiment ce monde.

Aujourd’hui, tu travailles toujours avec certaines marques, et tu rendais hommage à des designers visionnaires dans ton titre « Comme des Garçons (Like the Boys) ». La mode, ça peut aussi être cool ? 

Heureusement, il y a de vrais changements aujourd’hui. J’ai grandi avec les shows de Victoria’s Secret, alors voir ce que Rihanna fait avec Savage x Fenty, par exemple… C’est fou ! Samuel Ross du label A-COLD-WALL* fait un travail incroyable autour de l’art et du streetwear… Il y a aussi des artistes comme Nicola Formichetti, qui a révolutionné l’industrie avec le clip de « Bad Romance » et tout son travail avec Lady Gaga… Cette diversité de visions et de corps représentés me touche et me fait croire en l’avenir.

Manteau et lunettes de soleil BALENCIAGA

Je n’ai pas grandi dans l’œil du public ; j’entre dans la trentaine et je pense avoir assez de perspective pour ne pas céder à la panique.

Tu as rencontré un immense succès ces dernières années. Comment gères-tu cette attention soudaine ? 

C’est une aventure folle que j’ai vécue de chez moi puisque beaucoup ont découvert ma musique pendant le confinement. Avant le Covid, peu de personnes me reconnaissaient dans la rue ; aujourd’hui, c’est un peu différent. Ce dont je me réjouis, c’est d’expérimenter cela à l’âge adulte. Je n’ai pas grandi dans l’œil du public ; j’entre dans la trentaine et je pense avoir assez de perspective pour ne pas céder à la panique. Au final, je me sens juste chanceuse de pouvoir toucher les gens et rencontrer mes fans. 

Dans ton premier EP paru en 2017, tu parlais des bons et mauvais aspects des réseaux sociaux. Quelle place occupent-ils aujourd’hui dans ta vie ? 

À l’époque où j’ai composé RINA, je n’étais pas consciente du poids que pouvait peser Internet sur les épaules d’un.e artiste. Aujourd’hui, je ne me sens plus vraiment
à l’aise à l’idée d’utiliser les réseaux sociaux… J’ai compris que je ne pourrais pas garder ma vision aussi claire que voulue si je continuais
à chercher mon nom sur Twitter.

Ta musique rend souvent hommage aux années 2000. Qu’est-ce qui te fascine autant dans cette esthétique ? 

C’est juste de la pure nostalgie ! Des souvenirs d’enfance… Quand je rêvais de porter des tenues Juicy Couture que je ne pouvais pas m’offrir. (Rire.) C’est aussi très lié à mon amie Arvida Byström. Elle est la première personne à m’avoir montré ce que signifie être un.e artiste. Elle a réalisé le clip de « Tunnel Vision »… C’est une de mes grandes influences.

Les médias t’ont parfois comparée à Britney Spears. Comment vis-tu
cette comparaison ? 

Syndrome de l’imposteur total ! J’ai beaucoup de mal à être comparée à des artistes que j’ai écoutées toute ma vie comme Britney ou Lady Gaga. Cela me paraît irrespectueux. Ces femmes sont là depuis si longtemps, et nous ont offert tant de moments historiques…

Quand on voit le combat qu’a dû mener Britney pour la levée de sa tutelle, les artistes semblent beaucoup plus libres aujourd’hui…
À l’époque, on méprisait la pop ; les gens pensaient que les artistes montaient juste sur scène pour chanter. Aujourd’hui, les gens réalisent qu’être une pop star est un art noble. Pourtant, je peux t’assurer que Britney, Christina, Aaliyah…, toutes ces femmes étaient bel et bien maîtresses de leur art. Elles avaient une opinion, une intention. Mais la presse s’évertuait à les présenter comme des pantins. Sans le combat de ces femmes, je ne pense pas que l’on aurait la même liberté aujourd’hui : celle de
dire ce que l’on pense et de faire ce
qui nous plaît. 

En 2020, tu as sorti SAWAYAMA, ton premier album. Il s’ouvre sur « Dynasty »,
une chanson sublime qui parle d’héritage et dans laquelle tu chantes : « The pain in my vein is hereditary. » Que signifie cette
phrase pour toi ? 

J’ai écrit ce morceau alors que je traversais un moment difficile avec ma famille, particulièrement avec ma mère qui ne comprenait pas pourquoi je voulais faire de la musique. Je sortais de Cambridge, et elle voulait que je trouve un job normal. Elle était juste inquiète pour moi, en vrai… À l’époque, je comprenais à quel point les parents transmettent leurs insécurités et les traumas qu’ils n’ont pas acceptés à leurs enfants. La culpabilité, la honte… Les parents transforment ces émotions en attente auprès de leurs enfants. Ecrire « Dynasty » était un moment très libérateur. Après coup, j’ai réalisé que la génération de nos parents n’avait peut-être pas le langage nécessaire pour parler de santé mentale et guérir de ses traumas. 

Rina Sawayama pour NYLON France

Débardeur CHRISTIAN DIOR VINTAGE chez AMO VINTAGE / Jupe JEAN PAUL GAULTIER / Chaussures YUME YUME

Rina Sawayama pour NYLON France

Aujourd’hui, les gens réalisent qu’être une pop star est un art noble. Pourtant, je peux t’assurer que Britney, Christina, Aaliyah…, toutes ces femmes étaient bel et bien maîtresses de leur art.

Dans cet album, tu nous en dis plus sur ta relation avec le Japon et la sensation de n’être vraiment chez soi nulle part. Pourquoi était-ce important d’aborder ces questions ? 

Écrire et faire entendre des morceaux aussi personnels, c’est un processus de guérison. À l’époque du mannequinat, j’ai dû me résigner à être dépeinte comme la Japonaise kawaï typique – et je détestais ça. Je devais accepter que le monde me perçoive d’abord comme un cliché, et non pour le mélange de cultures qui vit en moi. Écrire des morceaux comme « Akasaka Sad » m’a permis d’exprimer mon point de vue et de ne plus être emmerdée par ce qui m’emmerdait quand j’avais 19 ans. Maintenant que j’ai traité ces émotions, je suis plus détendue sur la question. J’ai pris conscience que le Japon suscite tant de fascination que des Européen.ne.s partent y étudier et apprennent à parler la langue. Et c’est cool.

En tant qu’immigré.e, où peut-on vraiment se sentir chez soi ? 

Je crois qu’en rencontrant suffisamment de personnes qui ressentent le même déracinement, on peut créer son propre chez-soi. La plupart de mes ami.e.s partagent ce sentiment d’être piégé.e entre deux endroits, que ce soit à propos de leur identité raciale ou de leur identité de genre. On se serre les coudes, on tente de se rendre heureux.ses les un.e.s les autres, on célèbre ensemble la confusion qui nous définit. J’en suis là aujourd’hui : heureuse d’avoir trouvé ma chosen family.

Ah, « Chosen Family », parlons-en ! C’est un des plus beaux tracks de l’album, dans lequel tu déclares ta flamme à la famille que tu t’es choisie. Que signifie le mot famille pour toi ?

Ah… C’est un mot qui a longtemps été synonyme de restrictions, de dramas, de traumas… Aujourd’hui, j’ai étendu la définition de ce que je considère comme ma famille. J’ai accepté qu’il ne s’agissait pas du sang qui coule dans nos veines et que mes meilleur.e.s ami.e.s pouvaient être ma famille. Ta famille, ce sont les personnes qui t’aident à te sentir enraciné.e, celles qui te comprennent le mieux.  La relation que j’entretiens avec mes ami.e.s n’a jamais été aussi forte qu’aujourd’hui. Celle que j’entretiens avec ma mère également. Maintenant que j’ai à peu près l’âge qu’elle avait lorsque je suis née, je réalise la pression qu’elle devait ressentir à l’idée d’élever un enfant dans un pays étranger dont elle maîtrisait à peine la langue. De mon côté, j’ai un chien et j’arriv à peine à m’en occuper… Je fais de plus en plus preuve d’empathie envers ma famille
de sang, c’est clair. Et ma mère soutient mes projets désormais, ce qui change clairement la donne.

Rina Sawayama pour NYLON France

Veste en cuir et jupe rose PRADA / Jupe orange JEAN PAUL GAULTIER VINTAGE chez AMO VINTAGE / Lunettes de soleil HUGO BOSS / Ceinture personnelle / Bottes STUDIO BAKOVIĆ / Bagues SPINELLI KILCOLLIN & HOT LIPS BY SOLANGE

Tu viens de dévoiler « This Hell », un premier extrait de ton premier album dans lequel tu troques ta signature pop-rock pour une ambiance country. C’est quoi le truc avec la country en ce moment ? 

D’abord, je dois mentionner Lil Nas X car il a profondément changé le game. Je n’aurais probablement pas fait ce disque s’il n’avait pas ouvert la voie en montrant que la barrière des genres musicaux pouvait être brisée. J’ai beaucoup de respect pour lui car il a dû faire face à beaucoup de haine pour ce choix. La country s’est imposée sur cet album parce que je passais mon temps à écouter Dolly Parton et Kacey Musgraves pendant le confinement. La musique country a ce truc très authentique, car les morceaux racontent de vraies histoires. Je crois aussi que c’est une musique qui parle de liberté et qui invite à l’évasion. 

Peux-tu nous parler de l’écriture de « This Hell » ? 

À la base, j’avais écrit : « This heaven is better with you. » Mais je trouvais ça ennuyeux alors j’ai chanté : « This hell is better with you. » C’était tout de suite beaucoup plus marrant.
Ça m’a fait penser à tout le poids des pensées religieuses fondamentalistes, les limites qu’elles imposent et les traumatismes qu’elles génèrent chez certaines personnes. Tous ces gens qui nous disent qu’on ira en enfer si l’on ne fait pas ceci ou cela… Vu comme ça, si l’on y va tous.tes ensemble, ce sera plutôt cool au final.

Allô Rina ?

Nos questions de fan à l’iconique Rina Sawayama.

par @pasienb & @ys.eu

Qu’est-ce que tu préfères dans ton métier ?

Me produire sur scène, rencontrer des gens du monde entier et entendre leurs histoires.

Pour toi, quelle est la plus grande différence entre Londres et le Japon ?

Au Royaume-Uni, on met l’emphase sur soi, au Japon, on parle plus du collectif.

Quel est ton groupe de rock préféré ?

À l’époque, j’aurais dit The Bravery mais aujourd’hui, je dirais Alanis Morissette.

Un message pour les jeunes Rina du monde entier ?

Le temps guérit tout.

Ceinture blanche BALENCIAGA / Ceinture noire CHRISTIAN DIOR VINTAGE chez AMO VINTAGE / Top bandeau en cuir DAVID KOMA / Jupe en cuir avec ceintures HODAKOVA / Bottes STUDIO BAKOVIĆ

Couverture Rina Sawayama pour NYLON France

Body avec gants à bijoux SCHIAPARELLI / Jupe et bottes RONALD VAN DER KEMP

Journaliste : Thémis Belkhadra-Boudraham
Photographe : Alex de Mora

Assistants Photographe : Harry Hawkes & Failip Skiba
Styliste : Jordan Kelsey
Coiffeur : Ernesto Montenovo

Maquilleuse : Mona Leanne
Manucure : Chiara Ballisai
Production : Ksenia Maximova chez DMB Represents & Helen Kim Amiri
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