Stronger than yesterday
Pourtant, je me refuse à cette conclusion cynique et misérabiliste. Puisque j’ai oublié les paroles de ses chansons et que je suis incapable de suivre la chorégraphie de “Toxic”, je me tourne vers ceux qui savent. Ceux qui la regardent, ceux qui préfèrent écouter “Stronger” à “Crazy”, ceux qui ont lu entre les lignes et vu Britney comme une femme autonome plutôt qu’une Lolita passive.
Je me rends virtuellement à Vegas où vit Jordan Miller, un des premiers fans à parler de la tutelle en 2008. En 2004, alors que je tournais le dos à Britney Spears, il lançait la fanbase Breatheheavy.com, qui compte aujourd’hui 300 000 visiteurs par mois et un peu moins de 70 000 membres. Plus qu’un simple lieu de culte, Miller transforme le site en outil d’information sur la tutelle de Spears et dénonce les travers de la justice californienne. “Comment cette pop star iconique a-t-elle pu partir en tournée, sortir des albums, faire des interviews, élever ses enfants, mais être considérée par les tribunaux comme une personne incompétente ?”, s’interroge-t-il.
“Par ses clips et ses musiques, elle a révolutionné la vision de la sexualité des femmes et a sans doute permis à un grand nombre de femmes et d’hommes d’avoir confiance en eux et en leur sexualité… Les fans l’aiment pour cette force”, me racontent les fondateurs du compte Twitter FreeBritney-France.
Éternel piercing au nombril, ange gravé dans le bas du dos, bronzage doré, Britney, tu n’as pas arrêté de danser. Tu es libre, et non honteuse. Plus qu’un rappel de ton enfermement ou un signe de trouble mental, chaque nouvelle chorégraphie postée sur Instagram met en exergue l’étroitesse de notre conception du succès.
Le tien n’est pas celui d’une arriviste qui élide ses origines. Ce n’est pas non plus celui d’une féministe bannissant le corps sexualisé, signe supposé d’une inféodation au regard masculin. Je ne t’enfermerai plus dans un jargon universitaire. Je renonce à citer la féministe Barbara Kruger (“Your body is a battleground”), et te laisse danser librement, espérant un jour en faire autant.