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Harry Styles, Miley Cyrus ou Beyoncé : ready for Celebrity Studies?

Tes stars favorites sont-elles tes meilleurs profs ? NYLON te raconte pourquoi la pop culture est peut-être ta best school ever.

Je suis à deux doigts de faire mes valises direction le Texas. Pas pour le côté redneck en santiags – même si j’aime bien les casquettes de camionneur.se –, mais parce que c’est là-bas, à la Texas State University, que le cours le plus excitant de la rentrée 2023 va se tenir : un cours entièrement dédié à Harry Styles. L’objectif ? Etudier la manière dont la carrière de l’ex-leader de One Direction, devenu icône défendant les communautés LGBTQI+, éclaire les évolutions du culte de la célébrité, de la masculinité ou de la fan culture.

Ce cours s’inscrit dans une longue liste de programmes anglo-saxons dédiés aux célébrités – Lady Gaga à l’université de Caroline du Sud, Beyoncé à l’université de Rutgers dans le New Jersey ou encore David Bowie en Australie et en Angleterre. Loin d’être réservée aux armées de fans, l’étude des stars – dite “celebrity studies” – est une clé indispensable pour quiconque souhaite comprendre la société de son époque.

Les stars – qu’on admire et déteste, qu’on rejette et imite – illustrent des luttes de pouvoir visant à définir le goût, mais aussi les normes de genre et de sexualité. Elles sont classées, en subissant racisme, classisme, âgisme ou encore validisme et sont à la fois le produit et le carburant d’une industrie culturelle et médiatique qui rapporte des millions. Elles sont des représentations tout en étant humaines. Elles se dévoilent tout en se masquant. Elles sont publiques et transparentes pour mieux rester privées. You get it, tu peux analyser une large palette de questions d’identité à travers les stars – dont notre propre soif de reconnaissance et les luttes sociales actuelles menées pour la visibilité. It’s a serious matter – c’est politique. Mais comme tu le constates, peu de cours existent en France sur le sujet…

 

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Un cursus encore trop ignoré en France

J’ai longtemps épluché les programmes, recherchant désespérément un cours m’expliquant pourquoi les gens adorent et détestent Kim Kardashian, pourquoi Britney Spears est figée dans le récit du come-back permanent ou une analyse de ce que la célébrité multitask de Rihanna raconte de l’époque, mais rien… à l’image des programmes français qui ont longtemps ignoré la culture populaire. Jusqu’aux années 2000, l’étude du populaire – soit la culture partagée par un grand nombre de personnes dont les stars sont les personnages centraux – a été pensée comme qualitativement “pauvre”. Et puis cette culture n’était perçue que comme un outil de domination visant à endormir les foules, méprisable et méprisée. 

Je ne peux oublier le regard horrifié de ma prof de cinéma de prépa alors que je me proposais d’analyser une scène de Twilight, ou du prof de littérature quand une camarade a cité Harry Potter dans sa copie. Pourtant, le tableau n’est pas si sombre et des îlots prenant au sérieux les stars et la pop culture commencent à apparaître dans les universités. Plus tard, à la Sorbonne Nouvelle, je découvrais un cours dédié aux tabloïds, un autre expliquant les performances de genre à travers les séries TV, et un ensemble de professeurs défendant l’étude des cultures – pas la culture avec un grand C qui s’arrêterait à l’analyse des textes classiques, du cinéma d’auteur et de l’art conceptuel (but we have nothing against that) MAIS toutes les formes de culture pensées sur un pied d’égalité. C’est ce qui définit en partie ce qu’on nomme l’approche “cultural studies”.

In fact, mon expérience de recherche de cours sur la célébrité a été un apprentissage en soi : cela m’a permis de comprendre qu’il existait différentes définitions de la culture, et de la culture qu’on choisit d’enseigner – reflet de rapport de pouvoirs. Aujourd’hui, les célébrités sont de plus en plus présentes dans les cours outre-Manche et arrivent lentement dans les facs de l’Hexagone. Il y a eu le sémiologue et philosophe Roland Barthes, qui évoquait l’actrice Greta Garbo dans ses Mythologies en 1957. La même année, le sociologue Edgar Morin allait plus loin avec son ouvrage clé, Les Stars. À l’intérieur, on croise Brigitte Bardot, Marilyn Monroe ou encore James Dean. On découvre les injonctions à la jeunesse éternelle qui s’exercent déjà sur les stars, le poids des standards de beauté dans lesquelles les actrices doivent se fondre – régime et chirurgie esthétique font already partie du game. On comprend aussi que la mise en scène de la vie privée est pensée comme le prolongement de la vie sur pellicule.

Mais ce sont les États-Unis qui donnent leur importance aux celebrity studies sous l’impulsion des départements de cinéma. L’historien Richard Dyer, pionnier dans l’histoire des représentations de l’homosexualité, analysera lui aussi Marilyn Monroe ou encore le culte queer autour de Judy Garland, l’actrice jouant Dorothy dans Le Magicien d’Oz. Aujourd’hui, les recherches sur les célébrités sont bien installées dans les pays anglo-saxons, entre l’analyse de la micro-célébrité et les nouvelles formes de reconnaissance dans un monde où les 15 minutes de fame ont été réduites à 15 secondes. 

Les stars à la fac

Au-delà de l’écriture d’ouvrages, les outils d’analyse se démocratisent à travers des cours. En 2000, l’université de Staffordshire, en Angleterre, faisait la une en consacrant un cours à David Beckham. Proposées par le professeur en sociologie Ellis Cashmore, les “Beckham classes” étaient décrites comme le moyen de comprendre la place du foot dans la culture britannique mais aussi d’analyser à travers David Beckham le concept de célébrité des années 2000 : “Il ne parle pas beaucoup, ne fait pas grand-chose, contrairement aux icônes du passé. Il ne s’engage pas en politique ou pour des causes sociales mais c’est peut-être ce dont le XXIe siècle a besoin. Une personne qui n’est que fantaisie”, analysait Cashmore à l’époque.

Dix ans plus tard, les stars sont plus engagées, et c’est sans doute ce qui a poussé l’université de Rutgers, l’une des plus anciennes et plus prestigieuses des Etats-Unis, à ouvrir un cours intitulé “Politicising Beyoncé”, directement intégré dans le programme d’études féministes. Le cursus permettait entre autres de retracer les grandes étapes de l’histoire du féminisme noir aux États-Unis. Dans son sillage, des universités en Californie, au Texas, en Arizona et à Copenhague ont décidé d’étudier les paroles et les chorégraphies de Queen B, à l’intersection de nombreuses questions de genre et race. 

Mais qu’est-ce qu’on apprend exactement dans ces cours ? On a demandé des détails aux profs derrière les cours sur Harry Styles et Miley Cyrus. 

@ayoeddie #greenscreen i think i need to go bavk to school 😭 #harrystyles ♬ Conceited – Flo Milli

Harry Styles, masculinité et appropriation

Il a cassé Internet avec son cours intitulé “Harry Styles and the Cult of Celebrity : Identity, the Internet and European Pop Culture”. Au printemps prochain, Louis Dean Valencia, professeur d’histoire digitale à la Texas State University, accueillera 20 étudiant.e.s pour les faire plancher sur les sexualités et masculinités contemporaines, mais aussi apprendre concrètement comment communiquer aujourd’hui et être en mesure de manager des campagnes médiatiques. Les étudiant.e.s seront évalué.e.s à travers la réalisation d’un podcast.

L’idée de ce cours est venue assez naturellement à Valencia, qui se présente comme fan d’Harry Styles : “Je le suis depuis ses débuts, l’observant se développer en tant qu’artiste et personne. Des années british lad à son passage en carrière solo, ses métamorphoses sont le reflet de différents moments culturels”, analyse-t-il. Le concept se cristallise pendant la pandémie. “Je souhaitais avancer sur un ouvrage en projet concernant les masculinités, et en même temps, je donnais des cours et je devais me réinventer pour maintenir le lien avec les étudiants en ligne. Et j’ai pensé qu’aborder Harry Styles pouvait être un moyen de les intéresser”, explique-t-il. 

Pendant les vacances d’hiver 2021, il rédige l’ensemble du programme qu’il propose à ses collègues enjoué.e.s. “Il a été validé et on a coché toutes les cases académiques !”, s’amuse Valencia. “Le programme contient plusieurs ouvrages comme ceux de Susan Sontag (essayiste connue pour ses écrits sur la notion de camp, ndlr). Moi-même, j’utilise beaucoup la philosophe Judith Butler et son concept de performance.”

Et ce sont justement les performances de genre et sexualité d’Harry Styles – qui lui vaut actuellement d’être sous le feu des critiques – qui intéressaient déjà les étudiants pendant le Covid. “Pendant cette période, nous avons pu échanger avec les étudiant.e.s sur la couverture du Vogue US où Harry Styles apparaît en robe. Si 90 % des étudiant.e.s trouvaient ça très cool, les autres se questionnaient sur l’appropriation de codes qui n’étaient pas les siens”, détaille Valencia. “La discussion sur la labellisation de la sexualité et l’injonction à dire sa sexualité a été également des plus intéressante, cela raconte beaucoup de choses sur la société actuelle. Enfin, on a abordé une thématique sur l’expression du genre à travers le vêtement : quand on lit les interviews de Styles, il explique souvent que les vêtements n’ont pas de genre – or, c’est vrai que c’est seulement à la période moderne que les distinctions sont arrivées.”

Quand on lui demande ce que ce cours, au-delà de Harry Styles, peut permettre de comprendre, Valencia rappelle que nous vivons dans une époque obsédée par le blue mark, la reconnaissance. Cela permet donc de prendre du recul, de questionner la place du culte de la personnalité dans les sociétés contemporaines et d’analyser les idéologies sous-jacentes (blancheur, jeunesse ?…). Et dans un pays où deux anciennes stars du petit écran – Ronald Reagan, ex-acteur de westerns, et Donald Trump, star de la télé-réalité – sont devenus présidents, il semble urgent de décrypter ce mécanisme.

Miley Cyrus, la déconstruction en live sur MTV

En 2013, lors des MTV Video Music Awards, Miley Cyrus a crevé l’écran en accompagnant Robin Thicke sur scène. Sa prestation en bikini chair, cheveux courts platine twerkant au milieu d’ours en peluche géants, a choqué la planète et poussé Carolyn Chernoff, professeure en sociologie de la culture et artiste féministe, à proposer un cours d’été consacré à l’ex-enfant Disney devenue phénomène mondial, “The Sociology of Miley Cyrus : Race, Class, Gender, and Media”, lancé en 2014 au Skidmore College dans l’Etat de New York.

“Je ne suis ni fan, ni contre Cyrus, mais sa prestation a été perturbante, et selon moi, le rôle de la sociologie est de donner des clés pour analyser ces moments de tension culturelle, explique-t-elle. Tout le monde, que ce soit dans la rue mais surtout sur les réseaux sociaux, avait quelque chose à dire sur le sujet : la vie personnelle de Robin Thicke, le malaise de chanter une chanson reposant sur la normalisation de la culture du viol… Le problème a été Miley Cyrus. Je me suis alors intéressé à ce que mes étudiant.e.s avaient à dire car beaucoup étaient intéressé.e.s par la pop culture américaine. Et l’événement était parfait pour faire de la sociologie de base : classe, genre, sexualité, autonomie et médias se croisaient.” 

Pour Chernoff, beaucoup de célébrités sont relevant today. Lil Nas X of course ou Bad Bunny feraient d’excellents sujets pour des cours croisant mode, masculinité et célébrité. Et les Kardashian, of course. “Beaucoup de femmes blanches jouissant du statut de célébrité jouent aujourd’hui avec les codes raciaux de manière assez déstabilisante, en faisant énormément de profits. Ce sont des choses qu’il faut analyser. Quant à Miley Cyrus, elle reste un bon exemple d’une jeune femme blanche ayant grandi devant les yeux du public, ayant toujours vécu dans le confort et la célébrité, et qui essaye de déconstruire son personnage devant les caméras. Elle reste un personnage intéressant – pas en termes de ce qu’elle fait mais de ce qu’elle est aujourd’hui en tant que femme face à sa célébrité”, conclut Carolyn Chernoff.

@mileycyrus_es reactions to miley’s vma performance🤣 #mileycyrus ♬ IG michaelpepito – Michael Pepito
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