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Comment la fantasy nous aide à nous sentir plus libres

Campagne de mode réalisée dans des forêts enchantées ou tiktokeurs aux oreilles pointues à la manière des elfes de Tolkien, l’univers du merveilleux et notamment de la fantasy envahit les paysages créatifs à grands coups d’enchantements et de cristaux couleur pastel. Un genre qui s’est infiltré sur les réseaux où ces mondes irréels aident artistes et inconnus à se faire une place dans un monde trop terre à terre.

Entre la dernière campagne du label italien Blumarine et le succès de Winx Club, une série sur une bande de fées, sur TikTok, les références au merveilleux sont devenues tendances ces derniers temps dans la pop culture. Depuis quelque temps, la mode a intensifié ses hommages aux merveilleux et à la fantasy, un genre artistique dans lequel la magie a une importance fondamentale et dont les protagonistes sont inspiré.e.s de mythes ou de contes de fées. “La fantasy est l’expression contemporaine d’un goût atemporel pour la magie, le merveilleux et la construction d’univers dépaysants”, précise Justine Breton, maître de conférences en littérature française à l’université de Reims.

 

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La démocratisation du genre semble faire écho à la montée de la magie 2.0, qui s’est trouvé une place sur les réseaux sociaux grâce à une poignée de sorcières contemporaines. Dans un monde où les mauvaises nouvelles s’accumulent, la fantasy fait office d’échappatoire à la cruelle réalité de la pandémie. Née au XIXe siècle dans la littérature et l’art britannique, la fantasy s’est fait connaître du grand public via trois grands succès littéraires et audiovisuels : Le Seigneur des anneaux de J. R. R. Tolkien (1954-1955) et son adaptation en trois films par Peter Jackson au début des années 2000 ; la saga Harry Potter (1997-2007) de J. K. Rowling et ses adaptations en films (2001-2011) ; et les romans Le Trône de fer (depuis 1996) de G. R. R. Martin, adaptés dans la série Game of Thrones par HBO (2011-2019), récapitule Justine Breton. Dans ce genre ultra-créatif et multigénérationnel, Le Seigneur des anneaux incarne l’œuvre ultime avec la quête de Frodon le Hobbit, entouré de ses amis nains, mages ou elfes. “La fantasy est transmédiatique et se développe donc simultanément en littérature, au cinéma, dans la musique, dans la BD, dans les arts graphiques, etc.. Les personnages, les mondes et les enjeux représentés sont également très variés, allant d’enfants dans une école de sorciers dans Harry Potter à des guerriers ultra-musclés dans Conan le Barbare et peuvent prendre pour cadre notre quotidien, comme dans Buffy contre les vampires, ou des mondes très éloignés du nôtre, comme dans Star Wars. La fantasy peut ainsi être proposée aux plus jeunes ou au contraire aborder des sujets violents et douloureux plutôt destinés aux adultes. Il y en a pour tous les goûts !”, ajoute-t-elle.

Fortes d’une imagerie puissante, ces œuvres de référence inspirent de plus en plus les milieux créatifs, de la musique et la mode, qui y voient un champ d’inspiration au potentiel énorme et dans lequel les singularités sont célébrées. Blumarine présentait ainsi sa campagne automne-hiver 21 dans une forêt enchantée en compagnie de modèles ailés rappelant les fées et enchaînant les poses au sein d’un paysage verdoyant. La nature sauvage et les grands espaces ont d’ailleurs beaucoup d’importance dans les œuvres de fantasy. Le lecteur/spectateur est invité dans un voyage irréel au milieu de fleurs multicolores et d’arbres surréalistes. “L’avantage est que ces imaginaires sont partagés par une immense partie du public : les contes de fées, dont s’inspire largement la fantasy, font partie du patrimoine littéraire occidental et même si on ne les a pas lus (ou pas lus depuis son enfance), on en connaît globalement les grandes lignes, d’autant qu’ils sont très fréquemment repris dans un grand nombre de productions culturelles et artistiques par effets d’échos ou de clins d’œil”, explique Justine Breton.

La magie de la mode

Si les fées et les papillons ont envahi l’univers de Blumarine cet hiver, ce sont d’autres créatures magiques qui ont inspiré Burberry pour son défilé printemps-été 2022. Certains modèles arboraient des oreilles imposantes et tombantes, qui rappelaient celles du personnage de Dobby, l’elfe de maison du film Harry Potter et la chambre des secrets (2002) ou encore des personnages de la série Sweet Tooth (2021), comme le précise Justine Breton : “Ces images m’avaient fait penser à la série de Netflix Sweet Tooth, qui est également de la fantasy et qui met en scène des enfants hybrides, avec des caractéristiques issues de différents animaux.” Bien que son influence soit grandissante, la fantasy reste encore rare dans la mode, souligne Anne Besson, professeure en littérature comparée à l’université d’Artois. “Il y a certes des exemples mais relativement rares et c’est un peu étonnant tant la fantasy constitue aujourd’hui une des cultures les mieux partagées. Elle domine dans les mondes des jeux et dans toute la littérature jeunesse/ado/young adult depuis maintenant vingt-cinq ans, pour atteindre plus récemment massivement les séries TV : les générations nées depuis les années 90 ont baigné dans ces codes, y font constamment référence, ils parlent à tous et toutes.” Certains labels de mode de la génération Z les utilisent d’ailleurs pour se démarquer, leur redonnant au passage une seconde jeunesse.

Outre le style, la fantasy traite de sujets contemporains comme le respect de la nature, qui résonne plus que jamais dans l’univers de la mode. De plus en plus consciente des enjeux climatiques, cette industrie est toujours l’une des plus polluantes et ses acteurs redoublent d’efforts pour la rendre plus écoresponsable. Une thématique qui est au centre de certaines œuvres de fantasy, que ce soit Frodon dans Le Seigneur des Anneaux, qui doit détruire l’anneau de Sauron pour éviter que les ténèbres ne s’emparent du monde, ou Rian et ses amis dans Dark Crystal, le temps de la résistance, qui doivent stopper le Darkening, “noirceur” destructrice qui consume la forêt et ses habitants.

Au-delà du concept de cosplay – qui consiste à imiter ses personnages fictifs préférés en reprenant leur costume, maquillage et coiffure –, les jeunes labels voient dans la fantasy et l’univers du merveilleux un terrain de jeu sans limites qu’il est urgent d’exploiter pour développer sa singularité. Par exemple, le label chinois Didu, connu pour une mode décomplexée et sensuelle, présentait sa vidéo de campagne intitulée The Last Dance of Life pour le printemps-été 2022, dans laquelle l’artiste Grimes faisait une apparition remarquée avec ses oreilles pointues.

Le clip a été conçu par le studio créatif basé à Los Angeles Actual Objects, qui avait travaillé sur la vidéo de campagne du label allemand Ottolinger dans laquelle elfes et fées se mélangeaient afin de présenter la collection printemps-été 2021. La jeune garde puise aussi dans ces univers mystérieux à la manière du créateur Rohan Mirza et ses sublimes créations en 3D. La photographe Petra Collins nous plonge également dans ces univers surnaturels avec la sortie de son livre Fairy Tales (Rizzoli Publications), dont la vedette Alexa Demie est transformée, à l’occasion, en différentes figures magiques, de la sirène à la fée. Ces mondes parallèles envahissent aussi l’intérieur des maisons à la manière des bougies d’Adrienne Kammerer, artiste créatrice de gâteaux et de bougies basée en Allemagne. Ses bougies, aux noms aussi évocateurs que mystérieux (“Glossy Red Goblin Candle” ou “Rainbow Goblin Candle”), s’inspirent du monde de la fantasy. “J’ai toujours été dans la fantasy et la science-fiction, des livres, des jeux (cartes magiques et Donjons et Dragons) jusqu’à ironiquement (au début du moins) assister à tous les festivals médiévaux de la région. Mais pendant le confinement, j’ai utilisé cela comme une évasion de la réalité, encore plus que d’habitude. Comme un maître de donjon, j’aime créer des mondes que les gens peuvent explorer. Faire des bougies est satisfaisant car c’est comme apporter un peu du monde fantasy dans la vraie vie. C’est comme avoir un petit bibelot ou un souvenir d’un autre royaume”, explique-t-elle.

Mystérieuses et puissantes, certaines artistes musicales s’imprègnent aussi des codes fantasy pour créer leur univers. Grimes, qui s’érige en icône absolue du merveilleux, a foulé le tapis rouge du Met Gala 2021 dans une tenue futuriste et des bijoux d‘oreilles pointues façon elfe. Quant à l’artiste américaine Eartheater, elle incarne un phénix, cet oiseau légendaire qui renaît de ses cendres (aperçu dans les films Harry Potter), sur la pochette de son album Phoenix : Flames Are Dew Upon My Skin (2020).

 

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Fantasy 2.0

Cet univers envahit TikTok et Instagram à grands coups de hashtags #goblincore et #fairycore, des esthétiques proches de la nature qui font référence aux personnages issus de contes de fées ou de légendes présents dans les œuvres fantasy. Ces styles, dont certains utilisateurs raffolent, sont caractérisés par des codes précis. Le fairycore correspond à l’utilisation de références féeriques telles que les ailes de fée, la magie, les couleurs pastel ou encore les oreilles pointues, le tout remixé à la sauce Y2K. Quant au style goblincore, il s’inspire de la nature, de ses couleurs ou des créatures de la forêt comme les grenouilles ou les escargots. La tendance se poursuit jusqu’au cuir chevelu avec la trend Fairy Hair, qui consiste, entre autres, à tresser des rubans ou des fils dans quelques mèches de cheveux. Puis, s’il te prend l’envie d’avoir les mêmes oreilles que Legolas, il existe certains tutos pour apprendre à les transformer en un coup de colle ou pour customiser des fausses oreilles à l’aide de bijoux. Parmi les protagonistes 2.0 passionnés par la mode et ces univers merveilleux, il y a Seann Altman, créateur de contenu basé aux Etats-Unis, qui expose quotidiennement son univers coloré dans le but d’inspirer les autres à être eux-mêmes. Présent, entre autres, sur TikTok, où il est suivi par plus de 197 000 personnes, il partage ses looks audacieux inspirés des 90’s ou de la fantasy après avoir grandi en jouant à Zelda et en regardant des animes. “Il y a quelque chose de si libérateur et d’innocent derrière l’univers fantasy. S’habiller avec des ailes de fée et des oreilles d’elfe est un excellent moyen de nourrir ton âme. Ça peut être différent pour d’autres et il n’est pas toujours question de fées et d’elfes. À Halloween, tout le monde aime se déguiser, non pas parce qu’on y est obligés, mais parce que c’est amusant. Je ne vois donc aucune différence à m’habiller comme ça quand je le souhaite. Pourquoi choisir un seul jour de l’année pour s’habiller ? Quand j’étais enfant, je prétendais être une princesse ou une fée de manière régulière et c’est quelque chose que je ne veux pas perdre. À mesure que je vieillis et que les priorités de la vie deviennent de plus en plus écrasantes, tout ce qui m’aide à revenir à mon enfance apporte du bonheur dans ma vie. S’habiller est un excellent moyen de s’évader.” S’il avoue être un geek dans l’âme, il admet aussi que l’univers de la fantasy l’aide à se sentir confiant et qu’il est heureux quand il s’habille en fée. “La confiance vient du fait d’être à l’aise et d’être heureux avec soi-même. Je ne vois pas de problème à intégrer le monde de la fantasy dans la mode et c’est pourquoi je l’embrasse. La vie est courte, alors profitez-en, portez ce que vous voulez et ne vous inquiétez pas de ce que les autres pensent, car c’est votre vie et ce n’est pas à eux de juger”, conclut-il.

S’inspirer de la fantasy serait, entre autres, une excellente manière d’appréhender la vie d’adulte. La mode, familière de l’idée, continue d’injecter des références à l’enfance aux collections adultes. Pas plus tard que la semaine dernière, le label GCDS annonçait une collection spéciale avec Bratz, accompagnée de poupées en édition limitée. La mode est un éternel terrain de jeu et tout porte à croire que la fantasy va continuer de s’y frayer un chemin plus profond dans un futur proche, estime Anne Besson, pour qui d’“autres éléments pourraient amener à plus de présence de la fantasy dans la mode : une valorisation du fun, un second degré généralisé (les licornes…), une porosité toujours plus grande des cultures jeunes jusqu’à des âges de plus en plus avancés (les quadragénaires d’aujourd’hui ne renoncent plus à Star Wars, à Harry Potter, aux Lego…). Bref, il y a le blocage du costume historique, pas facile à assumer pour des produits grand public, mais sinon, tout concourt à ce que la fantasy pénètre davantage ce domaine de la mode, un des derniers à lui résister !”

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