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Nensi Dojaka : “J’ai toujours pratiqué une forme d’art”

Rencontre avec la créatrice la plus tendance du moment qui a déjà conquis Rihanna, Bella Hadid ou encore Dua Lipa.

Nensi Dojaka pense avoir vu à peu près toutes les images liées aux années 90. La styliste albanaise basée à Londres s’est souvent inspirée de cette période pour créer ses délicates petites robes de soirée. Ultra-séduisantes, ces pièces effet seconde peau ont attiré l’attention de l’industrie de la mode pour la première fois en 2019 lors du défilé de l’école de mode Central Saint Martins à Londres.

“À cette époque, j’avais une image des sixties, ce qui n’avait rien à voir avec mon esthétique”, explique Nensi Dojaka au lendemain de son premier défilé solo à la London Fashion Week, pour sa collection printemps 2022. “C’était super aléatoire, mais il y avait ce détail fleuri que j’ai vraiment aimé ; peut-être que je devrais développer ça.”

 

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Cette fleur graphique est apparue comme un motif central sur les collants, les bas et les tailleurs, comme une torsion maline de la maille sur les ventres et les cuisses de ses looks drapés et déconstruits. La créatrice voulait élargir son offre boudoir-esque, qu’elle décrit comme “minimale mais complexe”, en ajoutant quelque chose de plus décontracté et accessible. Les vestes ajustées contrastent donc avec des pièces extrêmement féminines et délicates : des robes assemblées à partir de soie, de tulle, de georgette, d’organza et de laines légères.

Jean Campbell et Lindsey Wixson figuraient parmi les mannequins qui ont défilé dans le Old Selfridges Hotel, pas loin d’Oxford Street, dans le centre de Londres, avec Sabrina Elba au premier rang. “C’était plus de pression que je ne le pensais après le prix LVMH, mais c’était génial”, se souvient Nensi Dojaka. Quelques jours avant ce show, elle avait présenté ses collections via le programme d’incubation de talents Fashion East, qui compte parmi ses anciens élèves Kim Jones, Simone Rocha et Wales Bonner.

C’est donc au début du mois de septembre que la créatrice a vécu un nouveau highlight de sa carrière : elle a remporté le prix LVMH 2021. Une prestigieuse récompense décernée par Virgil Abloh, Jonathan Anderson, Maria Grazia Chiuri, Marc Jacobs, Kim Jones et Stella McCartney, qui lui a valu une dotation de 300 000 euros. Elle décrit sa victoire comme “inattendue et émouvante, même maintenant”. Elle explique : “J’essaie de ne pas être trop excitée, de garder les pieds sur terre, faire un pas à la fois parce que c’est très important… Tu peux vite perdre pied.”

Nensi Dojaka, dont la marque éponyme compte des fans pour le moins célèbres – Rihanna, Dua Lipa, Bella Hadid et bien d’autres – n’a pourtant jamais eu l’intention de devenir une créatrice de mode à proprement parler. “J’ai toujours dessiné parce que mes parents m’envoyaient à des cours de dessin… J’ai donc toujours pratiqué une forme d’art”, se souvient-elle. “Mais quand j’étais à la fondation Saint Martins, les tuteurs ont suggéré que j’étudie la lingerie parce que j’aimais travailler sur des pièces délicates.” Soit une description appropriée de ses robes-soutiens-gorge signature.

Ensuite, en 2013, elle entre au London College of Fashion où elle apprend les aspects techniques de la lingerie. Une formation qui fait que, aujourd’hui, ses créations se distinguent des autres : exigeantes dans leur ajustement et leur élégance. La sensualité, pas la sexualité, c’est le mantra de Dojaka.

En 2017, elle part faire son Master of arts à Central Saint Martins. “Elles étaient complètement différentes pour être honnête”, dit-elle des deux écoles de mode, qui sont chacune réputées pour leurs spécialités. C’est la combinaison des deux qui a fourni les bases parfaites du label de Nensi Dojaka.

Le succès de sa collection de Master a été tel qu’elle a reçu des commandes de la plateforme d’e-commerce Ssense, basée à Montréal. La meilleure façon d’honorer ces demandes ? Lancer son propre label, pour lequel elle a reçu le soutien du British Fashion Council. “C’est arrivé comme ça”, explique-t-elle. La créatrice a rapidement été reprise par l’incubateur Fashion East, et sa liste de revendeurs n’a cessé de s’allonger. “Quand vous commencez quelque chose et que vous y investissez votre âme, vous devez juste faire en sorte que ça marche.” (Lundi, quelques jours seulement après sa victoire au prix LVMH et son défilé à Londres, Ssense a annoncé la sortie d’une collection exclusive de la créatrice).

Dojaka est une femme pragmatique : quand je l’interroge sur la nouvelle collection printemps 2022, elle est déjà en train d’évaluer comment elle pourrait être meilleure, quels détails elle pourrait arranger et ce qu’elle fera à la prochaine collection. Elle pense qu’il manquait quelque chose, peut-être des accessoires (il y aurait certainement une énorme demande pour ces pièces). “Je fais toujours un pas à la fois”, dit-elle. “Ainsi, la saison prochaine, je n’ajouterai peut-être qu’une seule nouvelle chose, car il vaut mieux procéder lentement mais sûrement.”

Elle a également trouvé un ami et un confident en la personne du designer Alessandro Dell’Acqua, avec qui une collaboration a récemment été annoncée. Dojaka va créer une collection capsule interprétant les codes de sa marque N°21. “C’est tout simplement la personne la plus gentille du monde”, dit-elle. “J’ai toujours regardé son travail et je l’ai toujours suivi, et puis quand il a commencé à m’écrire, bien sûr, c’était très spécial pour moi.”

La pandémie, dit-elle, l’a rendue plus forte professionnellement et personnellement. “J’ai définitivement l’impression d’avoir complètement changé. J’étais timide, je n’avais pas du tout confiance en moi, et maintenant, tu vois, je me suis sortie de tout ça, je peux en parler.”

Cela dit, comme la plupart des stylistes, elle est toujours un peu réticente à être prise en photo ou à venir saluer à la fin du défilé – même si c’est sous les cris et les applaudissements d’un public clairement conquis par les débuts de Nensi Dojaka.

 

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