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URL to IRL, comment définir ton safe space en 2023

Libérateur, essentiel, complexe, le safe space est un concept clé pour la sécurité et le développement culturel des communautés queers. Des clubs aux réseaux, comment cet espace évolue-t-il en 2023 ?

Avoir les papillons dans le ventre lorsqu’on télécharge cette application de rencontres ou qu’on rentre pour la première fois dans un bar, un club ou une fête alternative, c’est presque un rite de passage pour les personnes queers et une expérience qui, j’en suis sûr, t’a fait réfléchir comme moi aux raisons pour lesquelles la communauté a besoin de safe spaces – et je suis tellement content qu’il en existe ! 

Essayer de définir ce que sont les safe spaces LGBTQIA+ et pourquoi – et surtout pour qui – ils existent jusqu’aujourd’hui est un exercice passionnant. Après de nombreuses discussions avec des ami.e.s concerné.e.s, j’ai décidé de me pencher sur le passé, le présent et l’avenir de nos spaces. Si toi aussi, tu as envie d’en savoir plus, laisse tes affaires au vestiaire et viens danser avec moi.

Comment sont nés les safe spaces ? 

Alors, les premières ébauches de safe spaces pour les personnes LGBTQIA+ dans le monde occidental moderne sont apparues vers la fin du XIXe / début du XXe siècle, et elles sont apparues sous une forme très familière aujourd’hui : les bars et les clubs. En fait, il est difficile de savoir où a été fondé exactement le premier bar gay, mais il est fort probable que ce soit en France : le Zanzibar à Cannes a ouvert ses portes en 1885 et est resté ouvert pendant 125 ans jusqu’en 2010. On trouve aussi trace d’autres bars gays dans des villes européennes comme Berlin, Amsterdam ou Londres. L’ouverture de ces lieux est une étape importante dans l’histoire queer : c’étaient les premières fois que la communauté pouvait s’exprimer – même si ce n’est pas encore complètement – publiquement. 

Bien sûr, cela ne s’est pas fait sans répression, notamment aux États-Unis et au Royaume-Uni. À cette époque, l’homosexualité était encore un crime, ce qui rendait les descentes de police fréquentes dans ces espaces, condamnant à mort certain.e.s propriétaires et d’important.e.s leaders de la communauté. En Allemagne et dans d’autres pays européens, la plupart de ces espaces ont subi la répression des invasions nazies pendant la Deuxième Guerre mondiale. Le fait est que, pendant des siècles, la communauté a dû mener un combat acharné pour obtenir un petit espace public où elle pouvait s’unir, s’exprimer, partager des expériences ou simplement s’amuser dans un lieu à l’abri des regards de la société. Ces espaces, dans une société qui ne voulait ni voir, entendre ou reconnaître notre existence, se sont révélés essentiels à la survie et au bien-être de beaucoup de gens tout en devenant des temples pour la création et le développement des cultures et pratiques queers.

Certaines de ces cultures font partie de l’héritage LGBTQIA+ le plus populaire aujourd’hui : la culture drag, si riche today, a vu le jour à peu près au moment où les premiers bars gays ont ouvert leurs portes aux États-Unis ; la scène ballroom est née à La Nouvelle-Orléans dans les années 1950 et s’est imposée comme une sous-culture LGBTQIA+ noire et latino à Harlem, New York, dans les années 1980. Il en va de même pour les grandes manifestations contre les autorités et les lois autoritaires dans le monde entier. Les plus connues, les émeutes de Stonewall, ont eu lieu à New York en 1969, après un raid violent de la police contre le bar gay Stonewall Inn, donnant naissance à la Pride telle que nous la connaissons et l’aimons aujourd’hui.

L’histoire des safe spaces des communautés queers est magnifique, mais elle met souvent en évidence des problèmes d’inclusion malheureusement encore d’actualité. Par exemple, certains clubs et bars en Europe et aux États-Unis n’étaient pas très accueillants envers les personnes racisées, trans, les expressions de genre moins normées, alternatives… Ça te semble familier ? Normal, c’est encore le cas aujourd’hui. Et l’histoire de ces safe spaces est mal connue ; et c’est encore pire en dehors de la bulle occidentale de l’Europe et de l’Amérique du Nord. Ayant grandi en Amérique latine, les bars et clubs gays ont constitué un refuge pour mon apprentissage et la découverte de mon identité gay. Dans une société encore trop rétrograde sur l’acceptation des identités queers, ces lieux m’ont, à moi et mes pairs, offert un sentiment de sécurité qu’on ne trouvait parfois même pas à la maison.  

IRL et URL : comment le safe space a-t-il évolué avec la technologie ?

On le sait, Internet et les réseaux sociaux ont révolutionné le concept de safe space pour la communauté queer. Avant, les safe spaces n’étaient pas que des lieux physiques mais ils étaient concentrés dans les grands centres urbains des pays, où les LGBTQIA+ étaient moins rejeté.e.s. et discriminé.e.s. Des forums des années 2000 à l’avènement des apps de rencontre et des réseaux sociaux, le changement a été énorme pour la communauté. Pour la première fois dans l’histoire, les safe spaces sont devenus en quelque sorte plus sûrs, car ils n’avaient pas besoin d’un lieu physique pour exister mais en même temps, les interactions dans la vie réelle se sont réduites, et ces spaces sont devenus moins sélectifs dans une ère digitale où n’importe qui peut devenir n’importe qui. 

On a malheureusement vu des apps LGBTQIA+ comme Grindr devenir un outil de persécution dans les pays les plus stricts et un espace pas très safe pour les jeunes. 

Vient ensuite la question du consentement automatique. Ce qui était déjà un problème dans les espaces physiques est devenu un problème encore plus grand dans les espaces numériques. Je veux dire, lève la main si tu as déjà reçu une photo ou un message non sollicité avant même un bonjour sur ces applications… Ou pire, reçu un commentaire non sollicité, carrément raciste ou grossophobe, sur ton corps, ta couleur de peau, ton ethnicité ou ton expression de genre avant même d’avoir pu te présenter. Oui, former des espaces sex-positifs, c’est le grand truc des safe spaces. Avoir un espace où je peux explorer et m’exprimer sexuellement librement est essentiel, mais c’est complexe : il y a un niveau de consentement qui semble automatiquement accordé par le simple fait d’être présent dans ces espaces, et la ligne est devenue de plus en plus floue.

Lorsque j’en parle avec mes pairs, le consensus général est que les safe spaces en ligne sont devenus épuisants. 

Quand tu es single ou que tu cherches simplement des gens avec qui connecter, on dirait qu’il n’y a pas d’autre choix que d’aller sur ces apps et qu’il faut absolument que tu t’y mettes, même si tu n’es pas du tout dans ce mood – et même si tu penses que ton corps n’est pas assez désirable pour y aller.

Culturellement, c’est pareil : alors qu’il était plus facile de trouver son crew dans un endroit physique dans le bon vieux temps (lol), aujourd’hui, il y a une tonne d’étapes à franchir avant de pouvoir trouver un date ou juste une petite fête. Dans le même temps, on voit que les thèmes LGBTQIA+ sont plus acceptés et même devenus cool dans la pop culture. Et pour survivre, les safe spaces traditionnels sont parfois obligés d’ouvrir leurs portes au grand public et à des gens qui ne font pas partie de notre communauté, dont certain.e.s – une minorité je dois dire – ne nous comprennent et ne nous respectent pas. Et ça gêne certain.e.s d’entre nous qui ne se sentent tout simplement plus en sécurité. 

Paradoxalement, alors que les possibilités de se connecter en ligne sont toujours plus nombreuses, les safe spaces numériques semblent devenir de plus en plus exclusifs et segmentés tandis que les safe space physiques semblent de plus en plus difficiles à trouver. 

Alors, what now ? Le safe space est-il sur le point de s’éteindre ? 

Malgré tout, l’espoir subsiste. Ce n’est pas encore gagné, mais il y a eu un grand mouvement ces dernières années pour mettre fin à la discrimination dans les espaces numériques queers. Les apps de rencontres et les réseaux sociaux ont globalement mieux compris ces problèmes et pris des mesures. En même temps, il est essentiel de mieux éduquer les straight qui entrent dans nos espaces, à la fois pour nous protéger et faire en sorte que tout le monde s’amuse. Dans le même esprit, on voit ces derniers temps une volonté de créer des safe spaces dont le but principal est de répondre aux besoins des communautés pour lesquelles ils ont été créés, tout en accueillant tout le monde. Les espaces hors clubbing, adaptés aux familles et où l’on peut consommer de l’alcool, deviennent également de plus en plus populaires et c’est une bonne chose que nos espaces se démocratisent davantage – c’est d’ailleurs la raison d’être du drapeau arc-en-ciel – mais ça suffit d’interrompre les lip sync aux drags brunchs ! Je me fiche du nombre de mimosas que tu t’es enfilés ! 

Est-ce qu’on a trouvé le moyen parfait d’ouvrir les portes de nos safe spaces tout en protégeant ce qui est à nous ? Certainement pas. Est-ce que ce sera parfait un jour ? Probablement pas non plus, mais je crois que nous nous rapprochons du point d’équilibre sur ce qui fonctionne pour tout le monde. Tout comme le combat de notre communauté pour une véritable égalité, le chemin est encore long avant de le safe space pour tous.tes. Mais ce qui est sûr selon moi, c’est que les safe spaces sont là pour durer. Ces espaces qui ont servi de décor à nos combats, nos révolutions et nos fêtes sont une partie trop importante de notre histoire pour être laissés de côté et même s’ils vont probablement évoluer à l’avenir, rappelons-nous qu’il y aura toujours des gens qui en auront besoin.

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