C’est intéressant parce qu’on peut sentir dans ta musique et tes visuels qu’il y a un très fort sentiment d’appropriation et de responsabilisation de la sex-positivité, de ta propre sexualité et féminité…
Absolument ! Je voulais que ça aille au-delà du côté “sensationnel” du sexe. Je ne veux pas que les gens écoutent ma musique juste pour être excité.e.s. Avant, la plupart des commentaires sur ma musique disaient “Ce truc est sex-positive”. Quand je regarde certains de mes textes, oui, j’étais tout le temps très sex-positive mais en fait, j’étais surtout désobligeante envers les hommes. J’émulais des comportements toxiques que j’avais reçus moi-même, je testais pour voir comment ils m’allaient. Maintenant, je n’ai pas tout le temps envie de le faire, mais je trouve parfois ça drôle, ça me fait marrer de l’afficher et de montrer aux gens ce à quoi nous sommes habituées.
C’est genre… On s’est habitué à ça, c’est marrant. C’est normal, tu crois ? Il faut se poser la question. Je ne pense pas que tout ce que je fais soit nécessairement sex-positive, mais je pense que les gens le considèrent comme tel parce que c’est moi qui le fais – et je ne sais pas si c’est forcément une bonne chose.
Il y a aussi cet élément de féminité “divine” et de body positivity dans ton univers qui semble si frais et détonne par rapport au reste de la musique d’aujourd’hui. D’où ça te vient ?
Je pense que je suis encore en train de chercher d’où ça vient. Je suis encore en train d’essayer de comprendre ce que j’attends des relations donc bon…
J’ai toujours été quelqu’un qui verbalise les choses juste pour les entendre et puis voir si c’est vraiment ce que je ressentais. Et maintenant que je suis un personnage public, je me fais face encore plus souvent. Il y a eu des jours où il était difficile pour moi d’être positive sur le plan corporel, j’ai dû faire face à beaucoup de phobies internes et externes à l’égard du corps gros, et j’ai été obligée d’y faire face parce que j’expose mon image.
Je ne me sens pas toujours bien, mais je veux toujours créer, raconter l’histoire, j’ai toujours envie de ça ! Ce n’est qu’aujourd’hui que j’ai un rapport plus sain avec mon image et mes émotions. Par exemple, je viens de tourner un clip dans lequel je suis à moitié nue et c’est quelque chose que je n’aurais jamais fait auparavant. J’ai également tourné récemment une campagne de lingerie ! Ces choses que je n’aurais jamais faites il y a un an, quand tout le monde me disait que j’étais si sûre de moi. Je ne l’étais pas en fait et une grande partie de ce que j’écrivais à l’époque visait à envoyer un message, à créer un espace dans lequel je pouvais être sûre de moi et j’ai l’impression que j’y entre enfin.
Je suis sûre qu’il y a encore du chemin, mais j’ai vraiment l’impression de m’être un peu plus confrontée à moi-même. Beaucoup de gens m’ont fait des commentaires sur mon apparence ou sur ce qu’iels ressentent à propos de mon apparence et sur le fait que cela les a rendu.e.s plus confiant.e.s. Au début, je prenais ça un peu comme un demi-compliment, mais maintenant, je trouve ça agréable. Je suis heureuse de voir que ce que je fais inspire les gens.
Qu’est-ce qui t’a amenée à développer le son Shygirl que nous entendons aujourd’hui ?
J’essaye toujours d’être intelligente. J’essaie de faire les choses de manière subtile, maline, j’ai pas envie de faire des trucs trop évidents. Je pense que ça fait partie de mon caractère. J’ai la chance de travailler avec des ami.e.s avec qui ça a toujours matché niveau énergie, des gens qui m’ont laissé de la place pour m’exprimer sans taire leurs critiques, mais des critiques honnêtes qui m’ont permis d’avancer. Comme je n’ai pas de formation musicale, j’ai beaucoup appris avec eux.elles. Le simple fait de me réunir avec ces gens en qui j’ai confiance est génial, je sens que je peux injecter quelque chose de nouveau et montrer qui je suis.
Mon écriture a tellement changé depuis le premier album, mais ce qui ne change pas, c’est ma perspective. J’ai aussi voulu rendre les choses un peu moins chargées dans la production de ce disque.