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Trois talents à suivre pour repenser le genre

C’était ce mardi 8 mars, sous le toit de la Petite Halle de la Villette à Paris. Pour la Journée internationale des droits des femmes, la structure DIVA, qui regroupe des artistes comme Joanna ou Lou CRL, imaginait un évènement inédit. L’occasion d’aller à la rencontre de plusieurs femmes et personnalités queers qui nous invitent à repenser les frontières du genre.

En tant que féministe, le 8 mars peut vite devenir une date angoissante dont l’échéance, qui s’approche doucement mais sûrement, vous refile des sueurs froides. L’angoisse de devoir, une année de plus, reprendre celles et ceux qui persistent à nous souhaiter une bonne “Journée de la femme” ; de devoir célébrer les femmes sans perdre la substance politique d’une journée chargée d’histoire : c’est à l’initiative de la journaliste militante socialiste Clara Zetkin que “la Journée internationale des femmes” a vu le jour en 1910, afin de revendiquer le droit de vote des femmes ou le droit au travail. La colère, aussi, de voir que l’égalité des genres n’est une problématique d’ampleur que pour 24 heures – à peine. Et enfin la vigilance, pour se rappeler que sont femmes toutes celles qui se revendiquent comme telles. 

En tant que féministe, je ne suis pas certaine d’avoir trouvé la meilleure manière de célébrer le 8 mars. Toutefois, cette année, je crois avoir effleuré un semblant de réponse, grâce à DIVA. Structure d’accompagnement d’artistes féminines lancée par Lola Levent, DIVA se fait peu à peu une place au sein de l’espace musical français, avec des figures comme Joanna, Lazuli ou Lou CRL. Le 8 mars, cette joyeuse bande de meufs investissait la Petite Halle de la Villette pour une soirée rythmée par des lectures de tarot, des concerts, des talks et des workshops en non-mixité. Entourée d’un public majoritairement féminin ou queer : c’est peut-être ça la meilleure manière de passer la Journée internationale des droits des femmes. De quoi nous donner envie de mettre en lumière trois talents qui nous invitent à repenser les frontières du genre.

 

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Écoute Meuf, collectif féminin, féministe et festif

Tout a commencé sur Twitter. Ou sur Bandcamp, on ne sait pas trop. Rudy et Amira, alors adolescentes, se rencontrent virtuellement grâce à leur passion commune : la musique. Comme le veut le jargon, elles passent leur temps libre à digguer. De l’anglais digger, le verbe décrit à l’origine l’action de creuser le sol à la recherche d’or. Mais les diggueur.se.s d’aujourd’hui sont moins intéressé.e.s par les pépites nichées à 100 mètres sous terre que par des artistes expérimentaux.ales que personne ne connaît (encore) et qui cumulent une cinquantaine d’écoutes sur SoundCloud. “J’ai eu la chance d’avoir un papa qui digguait énormément, confie Rudy. De fait, j’avais beaucoup, beaucoup, beaucoup de vinyles à la maison. Maintenant, je traîne sur Bandcamp, SoundCloud ou Spotify.” 

Mais comment passe-t-on de ce digging forcené sur Internet à la programmation de DJ pour des évènements comme D-DAY organisé par DIVA ? Amira explique leur volonté commune de créer “quelque chose” autour de leur passion, la musique, tout en réunissant des gens qui leur ressemblent (donc majoritairement des meufs). Rudy ajoute : “On voulait intégrer le milieu de la musique, mais c’est compliqué, et le Covid ne nous a pas facilité la tâche. On a donc voulu créer quelque chose qui nous appartienne, conçu par nous, pour nous, et pour des gens comme nous.” Voilà comment Écoute Meuf a vu le jour en octobre 2020, un collectif féminin visant à mettre en avant les femmes artistes dans les programmations de soirées et de festivals. 

Impossible de ne pas poser cette question : ont-elles remarqué un genre musical prédominant depuis le début du projet ? Si, du côté de la programmation, Amira et Rudy tentent de retranscrire beaucoup d’univers différents, on ne peut s’empêcher de noter une présence importante de l’hyperpop dans leurs playlists : “C’est l’un des genres qui nous a réunies !”, s’exclame Amira, avant d’ajouter : “C’est un genre très important pour les communautés LGBTQIA+. Le vocodeur et l’Auto-Tune exacerbés sont des manières d’exprimer leur vécu – c’est le cas de SOPHIE par exemple.” L’hyperpop, genre féminin par excellence ? Rudy rappelle qu’elle n’appartient pas qu’aux femmes, bien que ses figures de proue actuelles soient féminines, et réaffirme leur volonté d’élargir le spectre musical. Écoute Meuf n’a pas pour objectif de s’enfermer dans des univers, mais au contraire de prouver que les meufs peuvent toucher à tout, jouer de tout, de la techno au reggaeton, de l’hyperpop à l’ambient. En gros, briser les barrières de genres – qu’ils soient sexuels ou musicaux.

Coucou c’est Julie : dégenrer le tarot

Depuis la sortie du best-seller Sorcières – La puissance invaincue des femmes de Mona Chollet (vendu à 270 000 exemplaires et traduit en 15 langues selon Le Monde), l’ésotérisme a le vent en poupe dans les milieux féministes. Un tournant qui n’a pas échappé à Coucou c’est Julie, qui tirait les cartes à la Petite Halle de la Villette le 8 mars dernier, et qui s’identifie comme non-binaire. Pour celle qui a découvert l’ésotérisme entre les rayons du CDI au collège, le tournant spirituel du féminisme est de très bon augure : “C’est génial toutes ces réappropriations ! Ça fait non seulement avancer les arts divinatoires en les modernisant, mais ça apporte aussi beaucoup aux féminismes.” À l’heure où le militantisme peut devenir éreintant, le tarot devient une pratique de guérison – “des moments sacrés pour récupérer la propriété de votre passé, présent et futur”, comme il l’écrit sur son compte Instagram, où il est possible de lui demander des lectures par téléphone. 

Mais comment faire du tarot un outil féministe ? Pour Julie, tout tient dans les énergies. “Prenons le roi. D’ordinaire, on te dirait qu’il fait référence à un homme dans ta vie, alors que tu pourrais tout à fait avoir l’énergie d’un roi en tant que femme. Les cartes ne retracent pas une identité de genre, mais des énergies.” En cela, la lecture féministe du tarot rejoint la science-fiction queer, un genre qu’elle affectionne tout particulièrement. Il prend l’exemple de l’autrice afro-américaine et lesbienne Octavia E. Butler, qui dépeint dans ses livres des destinées de femmes noires à la volonté inébranlable. “Grâce aux cartes, on fait pareil. On réalise sa vision en se libérant des oppressions !”, s’extasie Julie. Son amour pour la SF queer et féministe est d’autant plus criant qu’elle est passé.e par les bancs des classes préparatoires, juste après son bac. Une expérience qu’il compare avec l’enfer, teintée de racisme et d’élitisme. Ce qui intéresse Julie, désormais, ce sont davantage les espaces non perçus comme “nobles” de la littérature traditionnelle : “C’est beau d’être dans cette stratégie féministe de produire ses propres textes, créer ses propres imaginaires. Ça rencontre un travail sur la langue avec une manière d’incorporer un langage contemporain et d’inventer des nouvelles grammaires.” Faire de la science-fiction avec sa propre vie, en quelque sorte.

 

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MEYY, amoureuse de l’amour

“Tous les artistes ont leur propre récit. Le mien est une célébration de l’amour et du désir”, confie MEYY dans un sourire. On se souvient de l’entêtant “Diamant” du collectif parisien Bagarre, single brutal au sein duquel le plaisir féminin retrouvait ses lettres de noblesse. Un plaisir féminin revendiqué par les femmes, et non plus fantasmé par les hommes. On n’a pas demandé à MEYY si elle écoutait Bagarre, mais elle s’inscrit indéniablement dans cet héritage. La vingtaine à peine passée, la chanteuse est notre dernier coup de cœur, tout droit venu de Belgique. Aujourd’hui basée à Londres dans le but de se consacrer à la musique, la jeune femme déploie, à travers ses deux premiers EP, un univers érotique et envoûtant. “En tant qu’artiste sur Spotify, tu peux voir dans quelles playlists tes morceaux sont ajoutés. Les miens se retrouvent dans tellement de playlists de baise !”, avoue-t-elle en riant. L’idée ne nous a pas échappé, même si l’on préfère écouter le single “Famous” en boucle – morceau d’empowerment subtil en même temps que cri d’amour tragique. Parce que la musique, pour MEYY, c’est aussi ça : l’amour et la séduction, la séduction et l’amour, entremêlés. “J’ai commencé à faire de la musique ado, en déclarant ma flamme aux garçons, pour mieux les charmer. Je le fais toujours, mais j’ai arrêté de leur envoyer. C’est peut-être trop intense…”

L’amour a toujours été considéré comme un sujet féminin – ce que la journaliste Victoire Tuaillon analyse de manière brillante dans son dernier podcast, Le Cœur sur la table. Dès l’enfance, on apprend aux femmes à tout faire pour plaire aux hommes, à satisfaire leur regard et leurs désirs. Dans un système patriarcal, dépeindre les femmes comme des sujets, et non des objets de désir, est en soi une petite révolution. En cela, chaque chanson de MEYY apparaît comme une fleur à conserver précieusement. Sa voix, aussi douce que du velours, n’est pas sans rappeler une certaine Lolo Zouaï. Le rapprochement est d’autant plus criant après l’avoir vu performer à la Petite Halle de la Villette.

Lorsqu’on l’interroge sur la suite, elle émet le souhait de sortir un nouvel EP, plus conséquent que les deux précédents. Il est toujours un peu tôt pour l’album… Pourtant, MEYY collabore déjà avec des noms que l’on affectionne, comme le pianiste Sofiane Pamart (dire que l’on a hâte de découvrir le fruit de leur rencontre est un euphémisme) ou encore Joanna, dont la Belge s’autoproclame fangirl absolue : “Je l’ai contactée sur Instagram et le match a été immédiat, à tous les niveaux. “Do It”, on l’a fini dans sa chambre ! C’est un morceau que j’avais commencé dans ma chambre à moi, c’était génial comme enchaînement.” Et si la révolution commençait dans l’intimité de nos chambres à coucher ?

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