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Owlle : “J’assume qui je suis, avec mes imperfections.”

La chanteuse sort ce 11 mars son troisième album, Folle Machine, marquant ses dix ans de carrière. De son parcours à sa relation avec la langue française en passant par sa vision artistique, Owlle te dit tout.

Dix ans déjà. Alors que ce chiffre pourrait sonner comme un glas pour France aka Owlle, l’artiste profite de ce tournant dans sa carrière pour se réinventer avec un troisième album intitulé Folle Machine. Écrit en français, hautement intime, il se distingue complètement des deux précédents et nous permet de redécouvrir la chanteuse à travers des textes plus percutants sans délaisser pour autant son ADN pop. 

 

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De ton premier EP Ticky Ticky sorti en 2012 à ton troisième album Folle Machine que tu sors cette année, tu célèbres en 2022 tes dix ans de carrière. Quel regard portes-tu sur le chemin parcouru ?

Je suis très heureuse de tout ce que j’ai traversé. C‘est quand même une belle aventure tout ça. Être artiste et continuer à faire ce qu’on aime au bout de dix ans, finalement, c’est plutôt une réussite car ce n’est pas un métier très simple. Je suis heureuse de voir l’évolution du projet, de passer de l’anglais au français, d’avoir construit ma propre structure aujourd’hui et de m’émanciper de tout le carcan label, équipe, qui peut parfois être un peu lourd pour les artistes. Dix ans, ça peut paraître énorme mais en fait, c’est court parce que ça va vite. Donc j’ai un regard plutôt tendre sur tout ce qui s’est passé ces dernières années.

Tu as dit avoir eu comme un goût d’inachevé suite à la sortie de ton second album. Peux-tu nous en dire plus sur cette période de ta vie ?

Ce deuxième album s’est construit de manière étrange… avec beaucoup de pression. J’avais la sensation que c’était maintenant ou jamais. J’ai travaillé main dans la main avec le producteur Dan Levy. Mais je n’étais pas très heureuse et à l’aise avec la façon dont l’album s’est construit et tout le contexte dans lequel j’évoluais. L’album est sorti, la tournée n’a pas vraiment pris et je n’ai pas ressenti l’excitation comme lors du premier album. Et de là, par manque d’assurance, j’ai suivi ce qu’on m’a demandé de faire et ça m’a mis dans une position très inconfortable où je n’étais pas vraiment moi-même. Je me bridais vachement sur la façon dont je me présentais aux gens ; je prenais moins de risques car j’avais l’impression que j’allais effrayer… 

Finalement, c’était beaucoup de travail pour un rayonnement pas à la hauteur, selon moi. J’étais très déçue. Et je sais que beaucoup de gens voient les artistes comme de gros fainéants mais j’ai fourni un travail monstre ; et quand tu travailles autant, t’as envie de le montrer aux gens. Mais je ne suis pas arrivée à destination. Du coup, j’ai essayé de me demander d’où venait le problème. Il venait forcément un peu de moi mais surtout parce que je n’évoluais pas dans le bon environnement. J’ai tout cassé autour de moi, j’ai tout reconstruit. J’ai eu l’impression de faire un reboot.

Comment as-tu rebondi suite à ça ?

Soit il y avait un environnement à reconstruire, et il fallait que je le prenne en main de façon assez rude, soit je changeais de voie. C’était hors de question que je prenne la dernière option. Écrire des chansons, c’est ce que je sais faire le mieux. Et puis c’est mon rêve de faire ce métier. Donc j’ai repris les rênes, monté mon label, travaillé avec d’autres gens et j’ai réduit mon entourage.

Tu as dit : “Chercher des textes qui sonnent comme en anglais, ça a été long et galvanisant.” Pourquoi était-ce si difficile de passer au français sur cet album ?

C’était pas difficile mais quand j’ai sorti “Mirage”, je me suis rendu compte que le français était une belle manière de me présenter aux gens. C’était aussi une sorte de métamorphose de me dire que je n’avais pas fait le tour avec deux albums en anglais. Le français est une très belle langue et on m’avait tannée sur les deux derniers albums pour écrire dans cette langue. Je n’ai pas voulu à l’époque car je ne voulais pas être embarquée là-dedans pour les mauvaises raisons (marketing, radio etc.). 

Et en fait, après le chaos, la chanson “Mirage” est arrivée et je me suis rendu compte que c’était beau, que ça me plaisait et que ça me reconnectait aux chanteur.euse.s que j’aimais comme Céline Dion ou Goldman. Je me suis dit : maintenant, t’as moins de pression donc fais-le et fais-le comme tu en as envie. Tous mes textes en anglais étaient très surréalistes et en français, c’est beaucoup plus brutal et frontal. On est tout de suite un peu tout nu.

Tu as l’impression de mettre moins de distance ?

Il y a moins de distance et ça répond peut-être au chemin que j’ai parcouru. Les gens avaient peut-être besoin de moins de distance entre eux et moi. Ça s’est construit doucement, sans pression et en solitaire. J’ai adoré parce qu’il n’y avait aucune prise de tête et tout ce que je faisais, je le faisais comme j’en avais envie.

Tu parles beaucoup de sentiments, de fantômes du passé… Qu’as-tu voulu transmettre avec ce nouvel album ? 

J’essaie d’être la plus juste par rapport à mon discours et de ne pas me voiler la face. J’assume qui je suis, avec mes imperfections mais aussi ce qui fonctionne. J’essaie d’être moins dans le maquillage de qui je suis. C’est un album intime où je parle de moi comme je ne l’avais jamais fait jusqu’ici. Donc c’est un album qui fait du bien mais où je mets aussi un peu d’humour car je parle de mes échecs en disant qu’on passe tous par là. C’est la société qui nous demande de ne pas en parler et d’être toujours dans la win. Ça n’a aucun sens car l’échec est vital pour la réussite et, au-delà de ça, pour savoir qui on est. Donc cet album retrace tout ce parcours. 

Tu as toujours parlé de tes références musicales des 80’s et 90’s, de Madonna à Björk. En 2022, quel.le.s sont les artistes qui t’inspirent ?

Cet album, je l’ai beaucoup construit en écoutant SOPHIE ou même Arca, pour aller chiner des choses plus expérimentales dans les sons. Au-delà d’écrire des chansons, je suis aussi productrice et j’adore montrer que je sais où je vais dans mes prods – même si je ne fais pas tout toute seule. C’est vrai que je suis beaucoup moins allée chercher dans les références du passé, mais plutôt actuelles. J’ai aussi beaucoup écouté St. Vincent que j’admire énormément et je trouve qu’en France, on n’a personne qui représente cette scène-là et c’est aussi ce que j’ai envie d’incarner. Ce sont des repères pour savoir comment me positionner en France et moins à l’international. 

C’est un album intime où je parle de moi comme je ne l’avais jamais fait jusqu’ici. Donc c’est un album qui fait du bien mais où je mets aussi un peu d’humour car je parle de mes échecs en disant qu’on passe tous par là.

Tu as composé la musique de Skam France, on a entendu tes chansons dans Emily in Paris : quel impact cela a eu sur ta carrière ? As-tu pu attirer un nouveau public, de nouveaux auditeurs ?

Ah oui complètement. Skam, c’est quand même un public adolescent, voire de 14 à 30 ans. J’ai dix ans de carrière mais c’est génial car Skam m’a permis de toucher une autre génération qui ne me connaissait peut-être pas. C’était trop beau de voir des adolescents fans de mes chansons. En tant que femme qui vieillit dans le monde de la musique – et c’est pas toujours facile –, ça m’a permis de voir que tout allait bien et que la musique n’avait pas d’âge. 

Quant à Emily in Paris, ça m’a reconnecté à l’international – mon premier album m’avait permis de beaucoup voyager. C’était trop beau de se dire que cette série a choisi trois de mes chansons. Et voir des messages arriver de partout sur ma chaîne YouTube, ça fait du bien, surtout depuis le Covid. Ça m’a beaucoup remotivée.

Est-ce que tu aimerais à nouveau collaborer avec le milieu des séries et du cinéma ? Si oui, quel serait ton goal ultime ?

Oui carrément ! Alors le format série, c’est quand même très particulier car c’est très effréné dans les demandes et la façon dont on avance. Donc mon goal ultime, ce serait de faire un film type Melancholia et pouvoir composer la BO. Ou même un Titane ! Ce sont des films très affirmés dans leur esthétique et leur storytelling et on a l’impression qu’on peut vraiment s’éclater musicalement. Donc oui, ce serait mon rêve d’être associée à un film de ce genre-là.

D’ailleurs, tu proposes toujours des clips très pointus : d’où te vient cette exigence ? Ce sont des restes de tes études aux Beaux-Arts ?

Au-delà des Beaux-Arts, je crois que je porte un très grand intérêt à l’image, la mode etc.. Donc c’est vrai que le cinéma m’inspire beaucoup : quand j’imagine une musique, j’ai du mal à juste imaginer une narration basique. J’aime bien être dans une poésie, quelque chose d’abstrait et c’est aussi pour ça que je reste dans une certaine case ! Donc ça vient des Beaux-Arts, des artistes que je suis… C’est bien mais parfois, je m’enferme un peu là-dedans.

Avec quel.lle réalisateur.rice rêverais-tu de travailler pour un de tes clips ?

Je pense à Cronenberg même si c’est un peu daté, haha. Ou Gaspar Noé que j’adore.

Comme tes clips, ton image et particulièrement tes looks sortent de l’ordinaire. Comment décrirais-tu ton style ?

Je pense qu’il est assez hybride. J’ai du mal à le définir car je suis quelqu’un qui mélange beaucoup les codes et, sur cet album, je n’avais pas envie d’être sur un créneau en particulier. J’ai fait appel à Natacha Voranger, qui est une styliste et artiste à part entière que j’adore. Sur cet album, on a mélangé des choses étranges les unes avec les autres. Et on est dans une époque – je sais que Marine Serre m’accompagne beaucoup sur mes looks – où la mode est au recyclage car on voit qu’on peut faire tellement de choses avec ce qu’on a déjà dans les mains. Je ne fais pas beaucoup de shopping, en revanche, je passe ma vie à recycler ce qu’il y a dans mes placards.

Tu parles de Marine Serre. As-tu des créateur.rice.s fétiches ?

Bien sûr. Je rêve d’une robe McQueen pour un live : même si le rêve n’est plus là, ils ont quand même réussi à garder l’esprit. Coperni, ils font de très belles choses. Mugler et Alaïa sont des marques tellement iconiques qui sont en train de revivre comme à l’époque. J’aime les créateurs grandioses comme ça qui ont été iconiques car notre métier l’est aussi. 

Tu retournes en tournée cette année. Qu’est-ce que ça te fait de retourner sur scène et de retrouver ton public ?

Je ne peux pas te le dire tout de suite mais pour être super honnête, je suis dans une espèce d’excitation totale et de peur car cet espace-temps est réel même si, avec le Covid, trois ans de pause, c’est pas énorme et c’est justifié. Mais il faut que je retrouve mes marques, que je teste le français en live. C’est une espèce de saut dans le vide mais je pense que ça va être génial. Il va y avoir une approche beaucoup plus théâtrale sur ce live-là, avec une structure créée par deux artistes avec lesquels je travaille. Ça va être très beau mais pour l’instant, c’est encore abstrait. Mais ce que je cherche avec ce métier, c’est justement de ne pas être dans le confort.

Je veux faire des shows à la Mylène Farmer et je ne lâcherai pas le morceau tant que je n’y serai pas arrivée !

Faire de la musique, c’est un plan de carrière pour la vie ?

Oui, je veux faire ça pour moi, mais quand je dis ça, ça ne veut pas forcément dire ne pas travailler pour d’autres. Je pense que c’est une question assez existentielle quand on fait ce métier. Je sais que l’énergie que me demande parfois ce métier en termes de visibilité, de positionnement (car oui, il n’y a pas que la musique, sinon ce serait assez simple en vrai) me questionne sur cette profession. C’est fatigant donc c’est pour ça que je pense travailler dans la musique toute ma vie et faire des pauses pour travailler pour d’autres. Je ne focaliserai jamais tout sur moi.

Quel serait le projet que tu voudrais absolument accomplir ?

Ça fait un peu nul dit comme ça mais j’aimerais faire une tournée des Zénith. Pour l’avoir vécu en première partie de Phoenix ou Vitalic, c’est vraiment un modèle de scène qui me fait rêver car je me sens étrangement très à l’aise mais aussi forte et puissante. C’est une grande liberté et une sensation indescriptible. Je veux faire des shows à la Mylène Farmer et je ne lâcherai pas le morceau tant que je n’y serai pas arrivée ! 

Pour finir cette interview, quelle parole de Folle Machine représente bien ton album ou souhaiterais-tu qu’on retienne ?

“J’ai le cœur qui balance / j’me reconnais pas / de ce chaos immense / ne reste que moi / d’aussi loin que tu reviennes / Folle machine.”

 

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