À quel point t’identifies-tu personnellement (ou non) au personnage de Jacques de Bascher ? Quels sont, selon toi, vos points communs ?
C’est pas vraiment une question que je me pose quand je travaille un personnage. Évidemment, il y a des choses qui jaillissent et auxquelles on se connecte, mais j’ai rarement l’impression de me dire que j’ai vécu certains récits ou que je me reconnais pleinement dedans. C’est plus le travail de préparation qui va servir à créer des images assez fortes pour qu’elles te touchent et à faire en sorte que le personnage devienne tangible et incarné. C’est pas tellement important que tu aies un rapport intime, du moins pas nécessairement dans un rapport à soi. Je trouve ça beaucoup plus excitant quand tu te dis qu’il y a ce truc là auquel tu dois te donner accès ou ouvrir ! Et en tant qu’acteur, tout est en nous à un certain degré et des fois il suffit juste d’accentuer ou de pousser certains défauts et qualités. Donc je pense qu’on rend les personnages touchant plutôt en étant inspirés par eux qu’en se reconnaissant en eux.
Comment t’es-tu préparé mentalement et physiquement pour ton rôle ?
Alors, en premier, je me suis intéressé à l’époque pour mieux la comprendre, afin de mieux saisir l’univers de la mode et les dynamiques de pouvoirs en place. J’ai aussi lu plusieurs ouvrages écrits sur Karl et sur Jacques, comme The Beautiful Fall d’Alicia Drake, The Chiffons Trenches d’Andre Leon Talley, Kaiser Karl de Raphaëlle Bacqué, Dandy de l’ombre de Marie Ottavi. Il y a aussi un livre de photographie extraordinaire de Philippe Heurtault qui était son ami de la Marine — chaque photographie est accompagnée d’une anecdote, donc ça donne vraiment une autre image de Jacques ! J’ai aussi pu parler à Philippe et à Diane de Beauvau Craon, qui ont des visions quand même assez différentes de Jacques de Bascher. Mais le cœur du travail pour moi, je pense que c’était avant tout de lire ce que Jacques lisait. Donc après tout ça, j’ai l’impression que tu peux commencer à être dans un rapport physique, à comprendre un peu comment il se perçoit, se déplace etc. Et la physicalité découle aussi des costumes, comment tu dois te tenir et qu’est ce qui est nécessaire pour incarner pleinement ce personnage proustien qu’il voulait tant être !