La strip-teaseuse, passeport vers l’âge adulte
Plateformes à paillettes, lèvres carmin, aura sensuelle ; la strip-teaseuse et ses alter ego (sugar babies, cam-girls ou dominatrices) sont synonymes, dans notre imaginaire, de glamour féminin assumé. Version courtisane, comme dans le clip de Lady Marmalade, ou BDSM comme dans la série Netflix Bonding, en passant par des figures comme celle de Dita Von Teese, elles ont envahi les petits et grands écrans de notre société imprégnée de sexualité, tandis qu’en parallèle, la “stripper culture” a nourri esthétiquement la pop et le rap féminin après avoir longtemps été une toile de fond pour la musique masculine.
Comme le découvre Ali (Christina Aguilera), émerveillée lorsque Tess (Cher), patronne de cabaret, la maquille pour la première fois au début de Burlesque, la strip-teaseuse est avant tout un personnage que les femmes peuvent endosser le temps d’une performance. Elle encapsule l’esthétique du monde du spectacle et de la femme fatale. Tel un rite de passage, elle va de pair avec l’âge adulte. Elle symbolise la transition des adolescentes vers quelque chose de plus mature et la permission de porter des talons hauts, du rouge à lèvres et des vêtements moulants, comme l’a compris Britney en 2007, dansant autour d’une barre de pole dance dans le clip de Gimme More. Une transition qu’explore également le personnage de Kat dans Euphoria, lorsque, en devenant dominatrix, elle prend confiance en elle et change drastiquement de style, passant de girl next door à vamp, embrassant tout un sex-appeal qu’elle ne s’autorisait pas auparavant.
Car la représentation de la travailleuse du sexe contemporaine va aussi de pair avec le récit d’une émancipation corporelle et sexuelle. “La sexualité parle de pouvoir”, écrivait en 2002 Brian McNair dans son livre Striptease Culture : Sex, Media, and the Democratisation of Desire. “Sa représentation a tendance à être contrôlée par l’Eglise ou l’Etat, et elle est significative politiquement.” Au départ renvoyée avant tout à son immoralité, la strip-teaseuse renverse le rapport de force en assumant pleinement sa charge érotique. Elle subvertit ainsi l’habituelle objectification ou moralisation des femmes à l’écran et s’élève au rang d’icône féministe.
Une consécration que symbolisent notamment des artistes (parfois ex-strip-teaseuses) comme Cardi B, Megan Thee Stallion ou Amber Rose, qui n’hésitent pas à mettre en scène la stripper culture dans leur travail ou leur quotidien. “Aujourd’hui, les a priori traditionnels du féminisme à propos de la culture du strip-tease sont remis en question”, soulignait l’étudiante Taylor Bell dans sa thèse Hip-Hop’s Influence on Stripper Culture: The Era of Cardi B’s en 2018. “On pourrait aisément argumenter que les paroles de Cardi B sont antiféministes et qu’elle encourage les femmes à devenir des gold diggers […] mais [son] background de strip-teaseuse lui a permis de devenir cette femme sûre d’elle et consciente de sa sexualité.”
La réappropriation féministe de la figure de la strip-teaseuse permet ainsi l’émergence d’un personnage unapologetic de femme forte, sûre d’elle-même, qui se dresse contre le slut-shaming. A l’écran, cela se traduit par des scènes de danse qui irradient la maîtrise de soi : un vrai shoot d’adrénaline pour le spectateur, et surtout pour la spectatrice, invitée à ressentir et à s’approprier la puissance féminine qu’on lui propose.