“J’ai toujours été quelqu’un de confiant”, nous explique Shygirl dès les premières minutes quand on l’interroge sur les origines de son nom de scène. En effet, l’artiste de 28 ans n’a rien d’une fille timide. Au contraire, Shygirl ressemble plutôt à une figure mystique, nouvelle divinité du panthéon pop aux attributs sensuels, maîtresse des arts dotée d’un don assuré pour faire rimer provocation et déconstruction. Originaire du quartier populaire de South London, Shygirl a dédié la majorité de sa discographie à la revendication de son identité, de sa sensualité et, ainsi, à la remise en question d’une multitude de stéréotypes. L’hiver dernier, la jeune femme explose aux yeux du monde avec la sortie de son EP ALIAS, un projet taillé pour les clubs qui a agité les hormones de la génération confinée en attisant sa soif de frissons érotiques.
Les plus curieux ont vu venir le phénomène dès 2016, avec son premier single “Want More”, qui avait déjà fait l’effet d’une bombe chez les amateurs de pop artisanale et de “deconstructed club music”. Cinq ans plus tard, la jeune femme s’impose comme l’un des espoirs de la prochaine décennie et l’élue d’une scène alternative déterminée à sortir la pop de ses carcans, choisie par les producteur.rice.s les plus innovant.e.s du moment pour partir en croisade contre une industrie musicale qui semble incapable de se réinventer, gangrenée par le conformisme, le manque de diversité et les concours télévisés. Un pied dans la pop, l’autre dans la grime, le club et les musiques électroniques expérimentales, la Londonienne s’inscrit dans sa propre ligue. “Je cherche l’authenticité dans la musique populaire”, affirme-t-elle. Ses armes : une plume acérée, un brin de provocation et le soutien d’artistes comme Sega Bodega ou SOPHIE, dont les instrus interrogent à elles seules la bienséance et les frontières du genre musical.
Le triomphe de Shygirl, c’est l’aboutissement d’une suite de phénomènes pop : le tremblement de terre Lady Gaga, l’émancipation artistique de Rihanna, le renversement des rapports féminin/masculin imposés par Nicki Minaj, Cardi B et consorts, ou encore la popularisation, par Charli XCX, des sonorités du label PC Music. Pourtant, elle dit n’avoir “jamais eu l’intention de faire de la musique” : “J’ai toujours pensé que je finirais productrice dans le cinéma. La musique s’est imposée à moi, en quelque sorte.” Avant de devenir Shygirl, Blane Muise a multiplié les jobs dans le milieu de la mode. Nous la retrouvons d’ailleurs à l’occasion de la Fashion Week dans les bureaux parisiens de Because Music – le label dont elle s’est entichée l’an dernier après cinq ans d’indépendance. L’occasion de retracer avec elle son parcours, de parler de sexualité, de révolution féminine et de sa célébrité grandissante.