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Scream : ce que la saga m’a appris sur l’adolescence

La saga Scream, dont l’épisode 5 vient tout juste de sortir au cinéma, est devenue culte grâce à son casting iconique et à ses airs de teen movie gore. Elle est aussi un parfait récit initiatique.

Une nuit de juillet 2016, la Cinémathèque de Paris projetait les quatre volets de Scream dans le cadre d’une rétrospective hommage à Wes Craven, le maître de l’horreur à l’origine de la saga. En nous installant dans la salle avec un ami ce soir-là, parmi les fans qui portaient des masques de Ghostface et qui connaissaient les répliques par cœur, on était prêts pour un grand moment de pop culture. On a ri en imaginant vivre en direct la scène d’introduction de Scream 2, dans laquelle Jada Pinkett est poignardée en plein milieu d’une salle de cinéma.

L’histoire de Scream est celle d’une bande de lycéen.ne.s pourchassé.e.s par un tueur en série costumé, un an après l’assassinat de la mère de la jeune Sidney Prescott. Elle et son copain Billy, ses amis Stu, Tatum et Randy, tentent de le démasquer avec l’aide d’un policier crédule, suivi.e.s à la trace par une journaliste opportuniste. Les fausses pistes se multiplient, tout le monde devient suspect, le public tente de percer le mystère en même temps que les personnages.

©1996 – Dimension Films

Plongée dans la pop culture des années 90

Scream est le pendant horrifique des teen movies de notre adolescence. “Le scénariste Kevin Williamson a réussi à mélanger l’horreur au teenage drama. C’est ce qui a fait la différence avec d’autres films de l’époque : on pouvait vraiment s’identifier à celui-là”, m’a confié Greg Petrali, fan de la première heure, qui dirige un fan-club de Scream aux États-Unis. C’est une des raisons pour lesquelles la franchise – dont le scénariste est aussi celui de Dawson, Souviens-toi l’été dernier et Vampire Diaries – est devenue culte. Elle a fait plonger dans l’horreur, avec humour, tout ce qui nous faisait rêver dans le teen movie de base : ses banlieues riches américaines, ses personnages archétypaux, ses scènes de soirées décadentes. Le tout avec un casting d’acteur.rice.s pour la plupart débutant.e.s, devenu.e.s des icônes de leur époque : Drew Barrymore, Neve Campbell, Courteney Cox, David Arquette, Rose McGowan, Sarah Michelle Gellar, Emma Roberts… 

C’est pour tout ça que j’ai assisté à la Nuit Scream. J’étais là pour la pop culture, pour les looks Y2K de Tatum, pour entendre Ghostface demander à Drew Barrymore “Quel est ton film d’horreur préféré ?”, avant de l’exécuter dans le premier quart d’heure du film. J’étais à cette période particulière, entre la fin de l’adolescence et le début de la “vie adulte”. J’avais mon premier job, un début de relation solide et m’apprêtais à quitter le logement familial. Je me construisais peu à peu. Scream est un des films qui ont façonné ma culture, une de ces œuvres auxquelles on sait qu’on pourra toujours revenir quand on aura besoin de se réaligner avec soi-même.

Fast forward cinq ans plus tard, pendant le second confinement. La sortie de l’épisode 5 venait d’être annoncée pour janvier 2022. La “vie adulte” étant ce qu’elle est, entre-temps, j’ai perdu ma mère, quitté mon mec, frôlé le burn-out et pris conscience d’épisodes violents survenus à l’adolescence. Un soir où j’essayais de naviguer calmement dans tout ça, j’ai regardé Scream à nouveau. J’y ai vu ce qui ne m’était pas apparu à l’époque : une sorte de récit initiatique particulièrement pertinent.

Scream est un des films qui ont façonné ma culture, une de ces œuvres auxquelles on sait qu’on pourra toujours revenir quand on aura besoin de se réaligner avec soi-même.

Survivre à l’adolescence

Dans Scream, tout le monde est conscient de vivre un film d’horreur. La franchise est à l’origine du genre meta-horror : les personnages connaissent par cœur les codes du slasher, les tueurs s’en inspirent, les meurtres font eux-mêmes l’objet d’adaptations au cinéma. Prise en chasse, Sidney sait qu’elle va devoir lutter, et elle le fait comme aucune héroïne avant elle. “Je pense que ce qui a marqué les gens, c’est l’intelligence du film et la normalité des personnages”, me disait récemment mon ami Hadj. “Dans les slashers, la final girl est souvent assez ennuyeuse, elle ne survit pas parce qu’elle est forte, mais parce qu’elle est naïve et vierge. Ce n’est pas le cas de Sidney, elle est névrosée et pleine de sarcasme.”

C’est ce qui la rend crédible. Du premier au dernier film, elle et ses amis traversent toutes les étapes de l’adolescence et les mécanismes relationnels qui s’y jouent. Lorsque Randy, l’expert en films d’horreur, énonce les trois règles d’or à respecter pour survivre à un slasher (dont la première est “N’ayez jamais de relations sexuelles”), on voit Sidney perdre sa virginité dans la scène suivante, cédant à un petit ami en qui elle n’a pas confiance. Sa réflexion sur le consentement est déterminante dans l’intrigue. 

Le personnage de Stu admire tellement Billy (l’érotisme de leur relation est souvent noté par les fans) qu’il finit par le suivre dans sa folie meurtrière. Son motif ? “La pression du groupe”, qui peut faire faire bien des choses à un lycéen influençable. Les films exploitent aussi les outils de communication avec lesquels ont grandi les adolescent.e.s du XXIe siècle : les téléphones portables, Internet et les réseaux sociaux. C’est par téléphone que les tueurs font marcher leurs proies, et de Facebook que vient la menace dans Scream 4.

©1996 – Dimension Films

Dans les slashers, la final girl est souvent assez ennuyeuse, elle ne survit pas parce qu’elle est forte, mais parce qu’elle est naïve et vierge. Ce n’est pas le cas de Sidney, elle est névrosée et pleine de sarcasme.

Au milieu de tout ça, les adultes brillent par leur absence, ou par la menace qu’ils incarnent. Le père de Sidney est parti en voyage. La mère de Billy est prise de pulsions meurtrières. Le décès de la mère de Sidney est au cœur de l’intrigue. L’héroïne apprendra à faire la paix avec les parts d’ombre de sa mère, à la voir comme un être humain à part entière, à faire le deuil de son absence. Dans une interview filmée en 1997, Wes Craven évoquait la perception qu’ont les adolescent.e.s du monde adulte. “On s’ouvre à ce que sont réellement les parents, à leur mortalité, au fait qu’ils ont contribué à détruire le monde dans lequel on vit.”

Un monde qu’on commence à appréhender à travers le cinéma, avant de s’y retrouver projeté avec plus ou moins d’armes pour l’affronter. De son histoire à ses coulisses, Scream offre une profonde réflexion sur les frontières poreuses entre les fictions de notre enfance et la brutalité de la réalité. Les films ont été produits par une filiale de Miramax, la boîte de production d’Harvey Weinstein. En revoyant Tatum, incarnée par Rose McGowan, ironiser quelques secondes avant sa mort – “Ne me tue pas Monsieur Ghostface, je veux jouer dans le prochain film !” –, difficile de ne pas penser à ce qu’a vécu l’actrice en marge du tournage. Elle a fini par prendre sa revanche sur la fiction. Quant à Sidney, elle se bat, provoque, attaque, déprime, abandonne, mais revient de plus belle. Elle gagne parce qu’elle affronte les étapes de la vie. 

En discutant de Scream avec des fans comme Greg Petrali, avec des ami.e.s ou avec ma sœur, une chose m’a frappée. Les souvenirs qu’on en garde sont tous intimement liés aux peurs ressenties à l’adolescence. Mais aussi et surtout à l’amitié. Greg associe toujours la franchise aux étés passés avec son cousin, avec qui il a visité tous les lieux de tournage. Quand ma sœur et ses amies en parlent, elles évoquent leurs premières soirées pyjama. Notre amour pour la saga est une des choses qui a scellé mon amitié avec Hadj. Heureusement, l’adolescence classique ne baigne pas dans le gore et Scream restera toujours une fiction. Mais elle nous rapproche dans ce qu’on a tous.tes traversé. Elle nous a appris qu’on peut prendre le contrôle de ce qui nous semble insurmontable et se servir de ses peurs pour se construire. J’ai hâte de découvrir la suite avec mes yeux d’adulte. 

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