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Scandaleuse Caroline Calloway, tu me fascines !

Manipulatrice ! Menteuse ! Charlatane ! Des mots qui enchantent l’autrice de “Scammer” Caroline Calloway, et qui racontent le traitement sexiste de la santé mentale et de la gloire.

Trusted NYLON reader, sache que j’ai, ces jours-ci, une fascination insensée pour Caroline Calloway. Ladite “scandalous Internet celebrity” vient de publier ses mémoires Scammer, et l’affaire rejoint pas mal de questions que la rédaction se posait déjà lors de l’affaire Anna Delvey (et la série que j’ai bingée ofc). 

Là, cet instant best-seller est applaudi par le New Yorker, Vogue, Vanity Fair, offrant une conclusion aussi improbable que fantastique à l’histoire d’une des jeunes femmes les plus moquées et harcelées d’Internet ces dernières années.

Caroline, je la découvre il y a environ dix ans. D’abord via sa page Instagram, avec 700 000 followers (ce qui était énorme au début de la plateforme). Elle se présente comme une Real Life Princess courant à l’infini en pas chassés dans un Cambridge où elle étudie, fresh from Florida. Entre Harry Potter et Gossip Girl, chaque journée n’est que couronne de pâquerettes, jardins à l’anglaise, bals royaux et wine tasting nights. La fac devient une toile de fond d’une Britannia condensable en quelques hashtags et légendes fleuries.

Cela ne manque pas d’irriter les élèves “sérieux.ses” qui parodient son compte, son parlé. Mais elle ne relève pas, pas devant la caméra de son téléphone en tout cas. Elle suit la joie de vivre sépia requise par l’algorithme, et tout semble lui sourire. Hop, un contrat pour un livre racontant sa vie en Grande-Bretagne à un demi-million de dollars, là, un festival lifestyle “champêtre” où l’on se réunit pour tresser des banderoles de fleurs et manger des salades bio. Que rêver de plus ?

A fantasy briefly lived : elle ne rend jamais son livre, car trop accro à la Ritaline. Elle oublie de réserver les lieux des workshops pour son festival et est contrainte de les annuler. Elle doit de plus en plus d’argent et tente de rembourser ses dettes par des photos d’elle nue, habillée en écrivaine célèbre, “à poil dans un mood littéraire”, puis produit des imitations de Matisse revues à sa propre sauce astrologique. C’est là que sa supposée meilleure amie Natalie Beach vend un article à The Cut, devenu viral, dévoilant le “vrai” visage de Calloway. Cette dernière, dit l’article, est une vilaine charlatane qui doit être exposée : elle aurait falsifié ses notes dans son dossier d’entrée à Cambridge, acheté ses followers, et elle la payerait pour rédiger ses légendes Instagram. Sa vie ne serait que fiction, insiste Natalie, “moi, la nerd à lunettes et à queue-de-cheval, j’étais dans l’ombre de cette bimbo narcissique”. Une dichotomie grossière entre apparence et intelligence, soulignant un biais frappant dans le portrait de Natalie – et dans l’accueil médiatique qu’a reçu Calloway depuis sa parution.

@gracebeverleyVictim or Scammer: Who Really Is Caroline Calloway? ft. Caroline Calloway. Listen to the full episode in my bio. TW Suicide & Addiction: Having just released her memoir after years of anticipation, I could not have been more excited to get Caroline Calloway on the podcast to tell her crazy story. Is she a scammer? Or is being a scammer just the best ‘story’ to tell as someone who’s only ever wanted to write a famous memoir. From being one of the first ‘influencers’ on Instagram for her lifestyle posts at Cambridge university, Caroline grew to have scandal after scandal. Admitting to forging her place at Cambridge university, not fulfilling her $500,000 book deal and admitting to paying for social media followers. I ummed and ah’ed about getting Caroline on the podcast – I find it so interesting that we are happy to watch documentary after documentary on true crime and Fyre festival types, but when someone’s ‘cancelled’ on social media, we all but refuse to platform them, even just to hear the crazy story. As someone who was at Oxford at the same time as Caroline was at Cambridge, I followed all the drama at the time from a weirdly parallel plot and couldn’t WAIT to get into what really happened in hindsight, from the woman herself. The aim of this episode was never to accuse or absolve Caroline of her ‘scams’ – I’m simply not equipped to do so – but instead to get into the meat of what happened: how her time at Cambridge led to an amphetamine addiction, how her best friend claimed she was a fraud, how people online were actually happy to say she ‘deserved’ what came to her and her family after some highly publicised – but never actually illegal – scandals, and how she ended up believing that ‘scamming’ was the best plot out there for her, no matter the consequence to her own happiness. Is Caroline Calloway the scammer we thought? You decide. Full episode now out on YouTube and all podcast platforms.♬ original sound – grace beverley

Empathie sélective et sexisme internalisé

Caroline est-elle blonde aux yeux bleus ? Girly ? Tout ça tout ça ? Oui, et Internet ne tarit pas de commentaires sexistes sur son apparence comme preuve oculaire de sa filouterie. Fait intéressant – notoire mais jamais noté –, Caroline est une fille de schizophrène élevée dans une hoarder house (remplie d’objets accumulés), elle-même aux prises avec des troubles psychiques assaillants, des addictions sévères et des pensées suicidaires. Ce qu’elle ne cesse de répéter en ligne pendant cette période de cyberharcèlement. Pleurs et demandes d’aide sont reçus comme de la manipulation, comme quête d’attention, générant plus de cruauté encore. Son père se suicide à cette époque, et là non plus, Internet ne lui accorde pas la décence du deuil : elle est même accusée d’instrumentaliser sa peine. 

Dissonance frappante et qui m’intéresse dans le traitement de la santé mentale. “J’ai eu le traitement Elle Woods toute ma vie”, dit la jeune fille en référence au personnage principal de La Revanche d’une blonde. “Je suis vue comme conventionnellement mignonne, j’ai un accent typiquement américain, je suis blonde, alors les élèves de Cambridge m’ont bullied parce que ce que je renvoyais primait sur quoi que je dise ou qu’il m’arrive”, raconte-t-elle en interview. Même sa sécurité et sa santé.

Elle évoque quelque chose qui me travaille depuis toujours : la capacité à l’empathie sélective de l’être humain, où un même récit de souffrance n’est pas écouté de la même façon selon le corps qui l’énonce et la langue qui le formule. Que penser de cette autorisation à la déshumanisation d’un corps vulnérable – car pas comme il faut, pas comme il plaît ? 

Comme tant de femmes, Calloway devient la “mauvaise” autre, sur laquelle une histoire, un diagnostic, le care bascule. Et sur laquelle les jeux les plus sombres sont permis. Ce que raconte le traitement de Caroline, c’est l’histoire d’une totale non-assistance à personne en danger. Même si elle refuse un récit victimaire.

Malade et créative, une histoire de l’art(iste)

“Ecoute, si j’étais plus vieille, tu me verrais juste pour ce que je suis, une ‘crazy cat lady’”, dit celle qui tente d’en rire alors qu’émerge hors de son sac, lors d’une interview, son “chat et meilleur ami” Matisse, coiffé d’un chapeau-brocoli. “Je te jure que je ne lui donne pas de Xanax, il est très chill naturellement !”

Au quotidien, Caroline, quand elle ne s’énerve pas, paradoxalement, enchante de ses traits romanesques (et mental health flags simultanés) : des boîtes de médicaments-pots de fleurs, un appartement partiellement repeint (autour de piles de vêtements sales à même le sol), elle demande à chaque journaliste de devenir son best friend ou de l’épouser en fin d’interview. Et à son public qui n’a d’horizon que l’ennui de se rincer l’œil sur un cerveau créatif.

Addict, génie, scammer ? Elle dit ni oui, ni non, préfère le terme “con artist” car il contient le mot artiste. Côte à côte avec d’autres mots qui lui tournent autour, “famed memoirist”, “art historian”, “fairy”, “model”. Elle ne réfute rien, elle enrichit, nuance, change d’avis, ça fait partie du paysage. Dit qu’elle “planifie ses arnaques de façon très transparente”. S’enchante du prix d’achat de faux followers à l’époque, si peu cher. Détaille avec amusement qu’elle s’est fait refouler de Yale trois fois et Cambridge deux fois auparavant, mais que ça a fini par marcher, la preuve.

Certes, elle a scénarisé via Instagram une vie qu’elle rêvait de vivre, changé son patronyme de façon anticipée pour une future gloire “et un nom qui fasse bien sur la couverture d’un bouquin un jour” – mais “si tu construis une vie autour d’une identité qui jaillit de ton propre esprit, est-elle donc inauthentique ?”, s’interroge-t-elle. Le temps n’est pas linéaire, son récit non plus. Caroline n’est jamais la somme des éléments qui la définissent mais un des innombrables possibles à un moment et une perspective donnés. Elle se contredit et c’est ce qu’il y a de plus honnête chez elle, et dans la notion même de “vérité” monolithique.

“Chaos is my brand identity !”, rit-elle. Aujourd’hui, elle est enfin là où elle voudrait être : écoutée, lue, et non reluquée en train de parler. Elle continuera d’écrire les mémoires qu’elle n’a pas encore commencé à vivre, ou qu’elle vit, quelque part, différemment, ailleurs.

Alors, toi aussi, tu es sous l’influence de l’influenceuse ?

 

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