Instrumentaliser son crime pour devenir célèbre
Mais, après tout, pourquoi pas ? Anna est clairement intelligente. La preuve : à l’âge de 19 ans, elle a été acceptée à la Central Saint Martins, illustre école de design londonienne, pour finalement choisir de faire un stage au sein du magazine Purple à Paris. Seconde preuve : s’il est vrai que ses Anna Delvey Diaries ne sont pas réécrits, elle démontre un certain talent pour l’écriture (et la comédie).
Mais elle ne compte pas gaspiller son intellect à essayer de grimper les mêmes échelons que nous tou.t.e.s. Ce qu’elle fait le mieux, c’est saisir le Zeitgeist. En 2014, alors que jet-setteurs et industries créatives raffolent des clubs privés à l’instar de Soho House, et que Louis Vuitton inaugure sa fondation d’art parisienne signée Frank Gehry au bois de Boulogne, Anna mise sur l’art et l’exclusivité.
Aujourd’hui, elle malaxe les expressions du jour et parle de bitcoins, de NFTs et de “contrôler ma narration”. Dans un élan kardashianesque, elle affirme vouloir travailler pour une réforme du système carcéral, mais – au-delà d’admettre vouloir collaborer avec Kim – elle n’affiche aucune stratégie concrète derrière ses selfies Balenciaga/caviar/champagne. Pas de plan en vue au-delà de lancer son merch, ouvrir un compte bancaire (ce qui lui est interdit pour l’instant) ou se préparer à une éventuelle déportation qui, apparemment, arrive à grands pas. Quelques jours avant la publication de ce papier, j’apprends qu’Anna est à nouveau détenue, cette fois par ICE, la police de l’immigration américaine, et attend d’embarquer dans un avion direction l’Allemagne. “En prison, j’ai appris à mieux lire les gens, à comprendre ce qui les motive, à m’entendre avec tout le monde”, expliquait-elle au Sunday Times. De quoi s’inquiéter. Si Anna sait capitaliser sur l’air du temps, son comportement actuel reflète la réalité d’une élite vivant de stories, autopromotion, collabs et farniente. Reste à savoir ce qu’elle en fera. Pendant ce temps-là, les journalistes l’observent, admettant être fascinés pour ensuite se dire horrifiés de la façon dont elle monétise et instrumentalise son crime pour devenir célèbre.