Quel it-bag es-tu ?
Blast from the past, le sac à main statement est de retour, sous toutes les formes et par tous les créateurs. Bijou, statement, partner in crime, dis-moi lequel tu portes, je te dirai qui tu es.
Blast from the past, le sac à main statement est de retour, sous toutes les formes et par tous les créateurs. Bijou, statement, partner in crime, dis-moi lequel tu portes, je te dirai qui tu es.
Tu le désires at first sight mais tu le quittes quand il est mainstream, puis tu es in love again lorsque tu le découvres parader derrière une vitrine de boutique vintage… En 2022, impossible d’éviter les it-bags qui te poursuivent jusque dans le métavers. Leurs noms ? Lola (Burberry), Jodie (Bottega Veneta), Ava (Celine). Un nouveau girls band ? Non, juste une liste de sacs hyperdésirables qui seront portés le temps d’une saison ou deux par Bella, Dua ou Kendall.
Mais no worries : on a tous.tes eu une obsession pour le it-bag. Préado, je les connaissais par cœur. Je les regardais s’exhiber au bras de mes célébrités préférées. Je notais minutieusement le nom des modèles que j’apprenais à reconnaître. C’était pour moi une manière de développer une connaissance intime d’un monde lointain – le fantasmagorique univers des stars, que je m’appropriais de façon détournée. En connaissant parfaitement les détails propres au Lady Dior ou au 11.12 de Chanel, j’oubliais les détails moins glamours de mon propre quotidien et faisais mienne la grammaire de Beverly Hills.
Évidemment, j’avais un it-bag préf dans ma quête d’évasion : le Motorcycle (aujourd’hui dit le City) de Balenciaga. Lignes rectangulaires, fermeture épaisse et clous industriels transformés en détails motard, je découvrais ce sac au bras de Mary-Kate Olsen, Nicole Richie ou Kate Moss.
J’avais environ 13 ans, et posséder cet écrin intime au cuir brillant n’était en aucun cas envisageable. Tout d’abord, ma mère, avec ses élans féministes, rejetait ce symbole ostentatoire mainstream – témoignant selon elle de l’asservissement des femmes au monde du luxe. Deuxième point : ce n’est pas avec ma mince cagnotte de baby-sitter que je parviendrais à l’acquérir. J’aurais pu tenter une copie vendue sur le marché, mais là, entre le stand à encens et la rôtisserie, les imitations matelassées ne me disaient rien.
J’ai continué à acheter des magazines et à les regarder. Je les aimais de loin. Je notais que leurs noms, formats, matières, changeaient chaque saison. Du Baguette Fendi au Bowling Dior en passant par le large sac rectangulaire Celine par Phoebe Philo ou le sanglé avec fausse fourrure Marc Jacobs, je comprenais que les aspirations racontées par ces écrins évoluaient. Ils n’étaient pas que des symboles de réussite sociale : ces modèles – qui sont par la suite imités et rendus accessibles par les grandes enseignes – sont des outils pour réfléchir sur les désirs de l’époque.
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Plus les années passaient, plus ils se multipliaient, répondant à des besoins plus complexes, pluriels, parfois contradictoires. La mode faisait face à la question de l’environnement, au krach boursier ; pourtant, le besoin de fantaisie, de bling ou d’une touche enfantine restait nécessaire : le it-bag pouvait-il nous sauver ? Les sacs fourre-tout hyperfonctionnels sont devenus des stars – le tote bag Telfar, le cabas Dior en toile. En parallèle, la fonction même de contenant disparaissait chez certains, comme l’illustraient le Chiquito tout mini de Jacquemus ou l’indiscret “glass bag” en verre transparent signé Coperni. J’étais persuadée que ces contradictions latentes, et l’impossibilité de distinguer une tendance précise, aboutiraient à la mort du it-bag, remplacé par les sneakers. Je m’étais trompée.
“En 2022, les chiffres de ventes démentent la ringardisation du it-bag, qui reste un élément clé pour les maisons. Devenu indispensable au tournant des années 2000, époque de refonte des grands noms du luxe, pratiquement tous les directeurs artistiques en dessinent. On peut citer le Saddle bag imaginé par John Galliano pour Dior en 1999. Cet outil, clé dans le financement des collections, n’a jamais cessé d’exciter et ressuscite aujourd’hui dans une esthétique postmoderne associant l’ancien et le nouveau”, estime Benjamin Simmenauer, directeur de la recherche à l’Institut français de la mode.
Il n’a pas tort – je m’explique. Bella Hadid, en tête à tête avec son Fendi Spy vintage sur un banc à Central Park, Bretman Rock en total look jean 2000 à Coachella arborant le 1DR de Diesel, ou encore Bad Gyal cherchant sa trousse à maquillage dans un Speedy doré géant rappelant celui de l’ère Paris et Kim à l’orée de leur fame : les it-bags d’aujourd’hui ressemblent à ceux d’hier, et les it-bags d’hier se fondent dans l’esthétique contemporaine. Entre invention d’un passé et résurrection des reliques, en 2022, le futur se pense-t-il sur un mode nostalgique ?
C’est la question qui me hante alors que j’erre entre Vinted et les pop-up Balenciaga, me demandant que choisir entre le Cagole et le City de Balenciaga ? Balenciaga d’hier ou d’aujourd’hui ? Qu’est-ce que je désire ? Pour ne pas m’égarer, je décide de remonter dans le temps pour mieux comprendre d’où vient le it-bag desire.
J’ai toujours adoré les célébrités et dévoré les mises en scène épiques de leur vie privée. Et c’est grâce à des personnes comme moi que de nombreux it-bags sont nés. À commencer par le Kelly d’Hermès, qui tient son nom de la princesse Grace Kelly. Le sac fut imaginé bien avant que Grace Kelly ne devienne actrice. En 1930, Robert Dumas conçoit un modèle simple en forme de trapèze dépourvu de logo opulent. Discret, ce sac habille la haute société occidentale. Ce n’est pas encore l’accessoire glamour que le grand public s’arrache. Tout bascule en 1956 : Grace Kelly s’échappe des studios de Hollywood et vit son conte de fées moderne, totally in love with le prince Rainier de Monaco. La presse ne les lâche pas, et pour préserver son début de grossesse, la princesse-to-be utilise le fameux sac Hermès pour cacher son ventre. Depuis, ce it-bag a pris son nom et figure parmi les classiques, porté par les nouvelles célébrités de l’époque, de Nabilla à Kim K.
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Une bonne partie de mon adolescence a consisté à regarder des teen soaps narrant l’improbable vie de lycéen.ne.s pris.es entre enfance et responsabilités d’adulte. Les actrices de 25 ans jouant des filles de 15 ans évoluaient dans des lycées remplis de casiers, it-bag de designer sous le bras. Carré, matelassé, reconnaissable à sa chaînette, le 2.55 accessoirisait les tenues preppy de Marissa Cooper dans Newport Beach. Le modèle était pile à la taille de la flasque que cette reine du bal tourmentée dissimulait. Tout à coup, la besace bourgeoise prenait un nouveau sens au bras de ces personnages fictifs d’ados à la dérive. Créé en 1955 par Coco Chanel, le modèle original avait déjà effectué un premier come-back avec une relecture pop grâce à Karl Lagerfeld dans les années 1980. Avec ses influences conjuguant histoire de l’art et culture mainstream, Lagerfeld le colorait en rose bonbon et d’imprimés symbolisant une ère où pop et références classiques se mélangeaient enfin. Dans les années 2000, cet outil de distinction de la bourgeoisie devient l’exotisme chic and french permettant aux it-girls américaines de parader with un “chic mystérieux”. Et Lagerfeld le comprend bien en habillant Blake Lively, Mischa Barton ou Lindsay Lohan.
S’il y a une série qui a marqué les jeunes adultes des années 1990, c’est Sex and the City. Papoter sur les aventures de la veille autour d’un Cosmo avec vêtements de créateur : ce fantasme de la vie new-yorkaise ne serait pas complet sans une série de it-bags. Ici, ils deviennent de véritables personnages du show – tel le Baguette imaginé par Silvia Fendi en 1997. Patchwork liant velours, jean et strass, celui qui était décrit par la presse de l’époque comme un joujou pour éternel enfant s’expose de manière récurrente au bras de Carrie Bradshaw, interprétée par Sarah Jessica Parker. La chroniqueuse sexe, addict à la mode partageant son temps entre romance, séances de shopping et brunchs avec copines devient l’archétype de la fashion victim powerful. Dans son article La mode, les séries télé, et l’équation de la portabilité vestimentaire en 2013, Benjamin Simmenauer expliquait qu’une fois porté par un personnage de fiction, le vêtement devenait un “trait” distinctif pour les spectateurs, qui s’habituent à sa présence. L’accessoire devient alors portable dans les imaginaires – et donc désirable, comme le souligne Simmenauer. Depuis Sex and the City, lancée en 1997, les séries sont devenues le canal privilégié des placements de produits (hello Gossip Girl ou plus récemment Emily in Paris). D’ailleurs, pour le retour de Carrie et ses girlfriends en 2021, une version mauve à sequin du Baguette accompagnait l’héroïne. Fendi never leaves Carrie… Et toi ?
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Mais à quoi bon arborer un it-bag quand tout le monde en porte un ? Comment se distinguer ? Trop de logos, trop de matières clinquantes : le it-bag trophée signalant une consommation devenue hystérique est à son summum au tournant des années 2000. C’est alors que je te propose de take a look at Miuccia Prada. La créatrice avant-garde manie références théoriques et mode pour proposer une esthétique à contre-courant devenue avec le temps la redéfinition du terme classique. En 2000, être à l’avant-garde means faire le pari d’un nouvel adjectif : discrétion. “À l’époque, je n’aimais pas vraiment ce que je voyais. Tout semblait si vieux, bourgeois et ennuyeux. Je voulais juste chercher l’opposé absolu de ce qui existait déjà”, expliquait la créatrice. Son modèle de it-bag ? Noir sans ornement utilisant la matière signature de la maison : le nylon (wink wink). Un simple triangle signale la marque – la sobriété est reine accompagnant un hommage à l’univers industriel.
En 2018, deux nouvelles versions du mini-sac – le 2000 et le 2005 – sont lancées sous le drapeau Prada Re-Edition. Puisque la mode est un éternel recommencement, la maison italienne s’amuse avec son histoire et rappelle sa longévité en remettant ses sacs d’hier aux lignes sportwear sur le devant de la scène mode. Peu de temps après, Dior relancera le Saddle, marquant une nouvelle ère dans l’histoire du luxe, l’auto-relecture de classiques dessinés fin 1990 – qui sont aussi souvent objets de contrefaçon.
Une partie de la vie contemporaine se passe en ligne et consiste à donner la meilleure représentation of yourself à tes followers. Honnêtement, il faut relooker pas mal d’éléments du quotidien pour les rendre instagrammables. Les couleurs, textures, volumes deviennent centraux, et ces impératifs frappent également l’image de mode qui doit renouveler ses codes. Jacquemus gets it. Avec Olivier Rousteing, Simon Porte Jacquemus figure parmi les créateurs pionniers communiquant avec leur communauté sur Instagram – autant de potentiels clients. En 2017, à l’occasion de sa collection Bomba, Simon imagine ce qui deviendra son it-bag, le Chiquito. Avec ses 12 cm de long, le mini-sac ne permet pas de ranger grand-chose – un gloss et une carte de crédit. Et alors ? Il est instagrammable ! Délié de ses fonctionnalités primaires, ce sac fait office de statement dans une période où la mode sort de la phase sportwear. De Rihanna à Beyoncé avec une version portée autour de la taille, le Chiquito devient le sac des stars et un objet de détournement lol sur les réseaux sociaux. Remember Lizzo dans son TikTok hilarant dans lequel une bouteille de vin ou un paquet de Pringles parvenaient miraculeusement à s’extraire de son Chiquito lavande ? La vidéo est virale, le Chiquito est partout et au cœur du futur réseau de la mode aka TikTok. Mission accomplie.
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Tant scruté, tant désiré : le Motorcycle de Balenciaga qui hantait mes rêves d’ado me poursuit adulte dans les rues parisiennes. Même ma psy en arbore une version rouge, posée près de son bureau – si bien que je me suis demandé si ce n’était pas un outil de thérapie, le signe qu’il était temps de me réconcilier avec mon moi passé. Le modèle original est dessiné par Nicolas Ghesquière en 2000 et permet à la maison Balenciaga de revenir sur le devant de la scène après presque un demi-siècle off the radar. Porté par Carine Roitfeld puis Kate Moss, le sac s’extrait du petit club modeux et se retrouve rapidement sur le bras de toutes les stars Disney : un succès pop caractéristique des années 2000. Vingt ans plus tard, alors que les versions vintage pullulent sur Vestiaire Collective et Vinted, Demna en propose une relecture sous le nom “Cagole”. Contrairement au modèle fourre-tout de 2000, sa version à la ligne croissant de lune peut être portée en bandoulière.
Avec son miroir en forme de cœur, ses clous épais et brillants, la version déclinée dans des couleurs pastel s’inscrit dans la tendance dite Newstalgia. C’est quoi ça ? “Quelque chose de nouveau qui rappelle quelque chose d’ancien”, dit l’Urban Dictionary. Une sorte de déjà-vu, quoi. Mais si l’on regarde plus attentivement cette tendance, on constate que la magie opère au plus fort sur les jeunes n’ayant jamais vécu les années 2000 – celleux qui vivent les années 2000 par procuration à coups d’images idéalisées. Demna gets it et me donne envie de vivre des années 2000 qui n’ont jamais existé. That’s what fashion is all about !