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Pourquoi se colle-t-on des strass sur les dents ?

De Rosalía à Angèle en passant par FKA twigs, à l’aube de l’année 2022, porter des bijoux dentaires est plus en vogue que jamais. Pourtant, la tendance ne date pas d’hier, et semble s’inscrire dans ce revival Y2K que tout le monde a l’air d’avoir au bout des lèvres et dans lequel TikTok endosse un rôle plus que majeur.

J’ai toujours aimé sucer mon pouce. Un peu trop même. À tel point que cette sale habitude me filait des ampoules, et a bousillé ma mâchoire. Bon, bousillé, j’exagère, mais les dégâts ont été suffisamment importants pour que l’on me fasse porter un appareil aussi hideux que contraignant au collège – avant d’enchaîner avec les bagues au lycée. En bref, la totale. C’est sans doute pour cela que je n’ai jamais compris pourquoi, volontairement, on pouvait s’amuser avec ses dents. Les rendre éblouissantes, aussi brillantes que l’or, mais aussi les parer avec des bijoux en forme de cœur ou d’étoile. Incompréhension d’autant plus grande que le phénomène semble avoir pris un nouvel élan ces derniers mois. De Rosalía à Angèle en passant par FKA twigs sur la cover de son dernier album CAPRISONGS, nos stars préférées semblent toutes y passer. Pourtant, cette tendance, qui ne date pas d’hier, n’est pas exempte de certains dangers. Analyse d’un phénomène extrapolé par le merveilleux monde d’Internet.

 

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Des rivages italiens à TikTok 

Ce n’est pas la première fois que TikTok vient réveiller une tendance que l’on croyait éteinte. Après les joggings Juicy Couture, le gloss ou encore les casquettes Von Dutch, les dents ont droit à leur makeover. Les tooth gems, ou bijoux dentaires comme on les traduit en français, sont au cœur d’un raz-de-marée de photos, de vidéos et de tags – sur TikTok, le #toothgem comptabilise à ce jour plus de 163 millions de vues. Mais peut-être, avant de plonger au cœur de la trend, faut-il définir ce que peuvent être des bijoux dentaires. Diamants, saphirs, rubis ou cristaux, ce sont des bijoux d’à peine quelques millimètres que l’on colle à la surface de la dent, pour une durée de vie qui oscille entre quatre et sept mois. Ils sont à différencier des “grillz”, ou dents en or, qui nécessitent un travail de moulage bien plus conséquent. 

Aujourd’hui, la tendance semble s’inscrire dans la mouvance de ce Y2K revival que nous avons tous.tes au bout des lèvres. Pourtant, si les bijoux dentaires étaient omniprésents dans les années 90, leurs origines sont bien (bien) plus anciennes. Tout au long de l’Histoire, ils n’ont eu cesse de disparaître et réapparaître, au gré des civilisations qui se sont succédé à travers le monde. Si, selon une croyance populaire, la culture égyptienne serait à l’origine de l’habillage des dents, ce sont en réalité les femmes étrusques qui, les premières, se paraient les dents avec du fil d’or. Avant d’être conquis par l’Empire romain, les Étrusques vivaient en Italie, dans l’actuelle Toscane. Dans son étude intitulée Etruscan Gold Dental Appliances : Three Newly ‘Discovered’ Examples parue en 1999, l’archéologue Marshall Joseph Becker décrivait une vingtaine de dents reliées avec un fil d’or, de la taille d’un élastique épais. Les plus anciens de ces artefacts remontent au VIIe siècle avant Jésus-Christ. Au cœur de l’Antiquité, les femmes étrusques avaient plus de droits que les femmes grecques et romaines. Elles pouvaient par exemple posséder des biens et se rendre à des banquets publics avec leur mari. Leurs dents en or témoignent de cette égalité relative : “Ces femmes montraient que du personnel cuisinait pour elles”, explique Jean MacIntosh Turfa, coautrice de l’ouvrage The Golden Smile : The Etruscans and the History of Dentistry. “Elles étaient riches et libres de faire ce qu’elles voulaient de leur argent.” Mais la mode tombe peu à peu en désuétude une fois que l’Empire romain prend le contrôle de l’Italie.

Le rêve américain entre les lèvres

Bien heureusement, il est difficile pour les êtres humains de ne pas jouer à modifier leur apparence. Et ce désir de transformation s’applique à toutes les parties du corps – même les dents ! Ainsi, les bijoux dentaires ne sont qu’une autre manière d’accessoiriser nos looks, de nous démarquer des autres. Ce que me confirment Galatée et Clémence, deux étudiantes de 20 et 22 ans qui portent des strass dentaires : “C’est un bijou qui peut définir une personnalité jusqu’au bout”, me confie la première, tandis que la seconde ajoute : “Ils me permettent de me sentir plus confiante et jolie, sans forcément me maquiller ou me coiffer. Je n’ai pas toujours le temps pour ce genre de choses, car je travaille beaucoup !” Sinan, 29 ans, qui porte un grillz sur la canine, pousse le regard encore plus loin : “T’es tout nu, t’as un grillz, tu as quelque chose qui ressort. T’es tout nu, t’as pas de grillz, t’as rien.”

De tout temps donc, embellir ses dents revient à affirmer son identité, comme pour la communauté noire à Brooklyn au cours des décennies 1970 et 1980. En effet, porter des dents en or – à différencier des bijoux dentaires – est à cette époque une manière de revendiquer la richesse et le statut social promis par le rêve américain. Porter son argent sur soi-même, afin de prouver à tous.tes à quel point on a réussi. “J’étais un enfant qui grandissait entre Fort Greene et Bedford-Stuyvesant (deux quartiers de Brooklyn, ndlr) quand j’ai remarqué pour la première fois des dents en or sur certains des Antillais de Bed-Stuy”, racontait Akintola Hanif, rédacteur en chef d’un magazine de photographie, à Vice. Les garçons comme les filles, les dealers comme les stars locales : tout le monde se met à porter des dents en or. Il ne manque plus qu’une étincelle pour que la tendance tombe dans le mainstream.

 

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Embellir ses dents revient à affirmer son identité, comme pour la communauté noire à Brooklyn, au cours des décennies 1970 et 1980. Porter des dents en or est à cette époque une manière de revendiquer la richesse et le statut social promis par le rêve américain.

Novembre 2005. Nelly lâche le clip du single “Grillz” (issu de son album Sweatsuit). Un hit immédiat, dans lequel le rappeur de Saint-Louis chante son amour pour ses dents serties d’or et de diamants (et les gros plans ne manquent pas d’appuyer le propos). Le grand public découvre la tendance – jusqu’alors réservée à une élite –, qui intègre le zeitgeist américain. Sans surprise, sur le panel de personnes interrogées, plusieurs affirment leur affinité pour la culture hip-hop. C’est notamment le cas de Galatée, qui voit les bijoux dentaires comme “le comble du bling”. Une tendance que confirme Hélène, du compte Instagram @gems.bond.girl, qui pose des bijoux dentaires à Paris : “J’ai peu de mecs parmi mes client.e.s, mais une chose est sûre, ce sont souvent des gars qui kiffent les grillz et le rap.” Ce n’est donc certainement pas un hasard si, en 2018, Black Panther, le film d’action produit par les studios Marvel, célébrait la communauté noire tout en ressuscitant la tendance du grillz, comme le souligne Sinan. 

Tout ce qui brille est-il sans danger ?

Le cycle éternel, qui va et vient d’underground à mainstream, prend un tournant définitif à partir de la sortie de “Grillz” en 2005. Dès lors, les pop stars blanches que l’on connaît s’affichent les unes après les autres avec ce nouvel accessoire à la pointe des tendances. Miley Cyrus, Katy Perry, Madonna et même Lana Del Rey : aucune n’y échappe. Qu’elles adoptent la tendance n’a rien de répréhensible, mais le double standard qui en résulte est plus problématique. Tandis que ces femmes blanches sont acclamées pour leur style affirmé et avant-gardiste, les personnes noires, comme Helen Harris (alias Helen with The Gold Teeth) dans un portrait du New York Times, dénoncent le racisme dont elles sont encore victimes dans le secteur de la joaillerie. Le même problème se pose pour d’autres symboles culturels devenus accessoires de mode, comme les dreadlocks qui, portées par Zendaya sur le tapis rouge des Oscars en 2015, évoquent la “weed” pour la journaliste Giuliana Rancic d’E! News, pendant que des actrices blanches peuvent porter des tresses inspirées des coiffures afros sans subir le moindre stigmate racial, comme le relatent les journalistes Grace Ly et Rokhaya Diallo dans l’ouvrage Kiffe ta race. Connaissant ces antécédents, il est important de souligner d’où viennent les bijoux dentaires.

Les dentistes ont peur que l’on fasse n’importe quoi, et c’est tout à fait légitime. Ils n’ont pas l’habitude. Mais je connais mon métier par cœur, comme mes produits

Hélène (@gems.bond.girl)

 

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En outre, avant de sauter le pas pour se faire coller un cœur ou un papillon sur la canine, il est sans doute préférable de se renseigner sur la manière et les pratiques de faire. Toujours sur TikTok, de nombreuses vidéos devenues virales montrent des jeunes femmes se collant elles-mêmes les bijoux. Une tendance alarmante, comme le souligne un chirurgien-dentiste interrogé sur la question : “Ma propre assistante dentaire n’a pas le droit de mettre ses doigts dans la bouche des patient.e.s. En outre, avec le Covid, il faut prendre des précautions en termes d’hygiène, qui sont d’autant plus lourdes.” Le problème du bijou dentaire, c’est qu’il semble se positionner dans une zone grise entre les cosmétiques, les tatouages et le piercing. Hélène, qui pose des bijoux dentaires depuis plus d’un an, a suivi une première formation dans un centre de beauté, qu’elle a complétée par ses propres recherches : “Les Français.es tombent des nues mais aux États-Unis, des entreprises de revente de produits dentaires fonctionnent depuis quinze ans. Les dentistes me font rire car ils ne voient pas qu’on s’est professionnalisé.e.s depuis bien longtemps déjà ! Ils ont peur que l’on fasse n’importe quoi, et c’est tout à fait légitime, ils n’ont pas l’habitude. Mais je connais mon métier par cœur, comme mes produits.”

Si vous êtes tenté.e.s par l’expérience, on ne peut donc que vous conseiller de prendre rendez-vous chez un.e professionnel.le, en vérifiant qu’il ou elle possède le matériel adéquat. Simple papillon ou cristaux qui recouvrent toutes vos dents, les propositions sont variées, tout comme les tarifs (de 25 € à 250 € chez Hélène). Qui sait ? Peut-être l’accessoire deviendra-t-il, à terme, aussi banalisé qu’une bague ou une boucle d’oreille… Ses adeptes en sont déjà les meilleur.e.s représentant.e.s, comme Klara, 25 ans : “Avec mes gems, j’ai le sentiment d’avoir mon propre bijou. Ils intriguent beaucoup. C’est peut-être un peu fleur bleue, mais finalement, c’est un peu le trésor de mes sourires.”

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