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Pourquoi Pride Month est un moment d’introspection pour moi

Le mois de juin est celui d’une célébration importante pour la communauté LGBTQIA+. Mais quid du reste de l’année ? Petit retour sur l’histoire des queers et de leurs combats, leur apparition dans le mainstream et leurs besoins.

7 juin 2023, on est en plein Mois des fiertés et j’ai déjà dû ravaler la mienne plusieurs fois. Je slalome entre les micro-agressions et le catcall alors que tout ce dont je rêve, c’est qu’on me laisse tranquille. Partout dans Paris, et même URL, nos paysages se couvrent des couleurs arc-en-ciel en soutien à la communauté LGBTQI+.

Pride month just started, mais qu’est-ce que c’est concrètement ?

C’est un mois de célébration pour les queers, pour rendre hommage au chemin parcouru depuis Stonewall et la crise tragique du sida. C’est un moment pour militer mais aussi fêter fièrement nos identités souvent très peu mises en avant dans le mainstream (qui se les approprie parfois).

Pourquoi en juin ? Laisse-moi te conter l’histoire de Marsha P. Johnson et sa brique

28 juin 1969, Greenwich Village, New York. Des queers se sont réuni.e.s au Stonewall Inn, un bar tenu par la mafia. Le bar subit un énième raid de la police qui, à l’époque, n’est pas particulièrement friande de la population LGBT (to say the least) et aime lui rappeler qu’elle n’est la bienvenue nulle part, sauf au placard. Les forces de l’ordre tentent d’embarquer Stormé DeLarverie, figure emblématique des stone butch de l’époque (lesbienne masculine), elle se débat et se fait assommer dans la foulée.

A partir de ce moment, tout dégénère, c’est là que Marsha et sa fameuse brique interviennent. Marsha P. Johnson est une femme trans noire travailleuse du sexe à l’époque, et elle a déjà vu des descentes tourner au vinaigre. La légende raconte qu’elle a jeté une brique sur les policiers, d’autres versions soutiennent qu’il s’agissait d’un verre à shot, et Johnson elle-même a expliqué qu’elle était arrivée sur place après le début de l’émeute. Bref, les émeutes durent plusieurs jours, d’autres forces de l’ordre sont appelées, en vain. Stonewall devient le point de ralliement des militants gays et queers.

Le 4 juillet, soit cinq jours après le début des émeutes, l’association Mattachine Society défile devant le Capitole pour les droits des personnes homosexuelles lors de l’Independence Day. C’est une manif un peu timide par rapport à ce qui se passe à Stonewall, et surtout muselée par les leaders de l’association qui ne veulent pas choquer et séparent les couples de gays et de lesbiennes venus marcher.

Craig Rodwall, militant homosexuel, n’appréciant que très peu cette manifestation trop soucieuse du regard de l’Américain.e moyen.ne, organise un an plus tard, le 28 juin 1970, en commémoration des émeutes de Stonewall, le Christopher Street Liberation Day, sous l’égide de la GAA (Gay Activist Alliance) fondée la même année. L’évènement deviendra plus tard la Gay Pride, puis, par souci d’inclusivité, la Pride.

Voilà pour l’historique. Maintenant, tu comprends mieux pourquoi ce Mois des fiertés et les célébrations/revendications qui lui sont liées sont aussi importantes pour la communauté queer.

La lutte n’est pas finie

Fast forward en 2023 : malgré toutes ces avancées, le chemin est encore long. Je te raconte.

En 2009, l’État français retire le “transsexualisme” des affections psychiatriques, devenant le premier pays à le faire. Pour autant, l’accès à une transition n’en est pas facilité, car chaque personne désirant en entamer une devait passer devant de multiples équipes de professionnel.le.s médicaux, avoir une attestation de suivi psychiatrique de plus de deux ans mais aussi un récit très cisnormatif d’une volonté de transition. Le fameux “Je volais le maquillage de ma mère et ses habits et je jouais à la poupée quand j’étais petite” était un passage obligé si tu voulais accéder aux procédures et aux hormones – pas de place pour d’autres récits. Je te laisse imaginer les équipes médicales en face de nous et surtout l’intransigeance quant à nos vécus, où travesti et transsexuel sont encore les termes employés.

En 2016, j’accède enfin au droit de changer la notion de genre sur mes papiers d’identité – procédure administrative interdite jusqu’alors. Je ne risque donc plus un outing et des situations difficiles à chaque contrôle d’identité ou situation nécessitant de sortir ces petits bouts de papiers. En contrepartie, je dois constituer un dossier auprès du tribunal de grande instance et me présenter devant une cour qui juge habituellement des criminels et qui décidera de la cohérence entre ma demande et mon apparence.

Je ne suis donc plus malade mentale, seulement une criminelle – tu comprends mon amertume. Malgré les différentes lois passées sur les crimes à caractère LGBTphobe, les chiffres ne cessent d’augmenter. En 2021, ce sont 3 790 atteintes commises à l’encontre de personnes queers qui ont été recensées par les services de police, des chiffres en hausse de 28 % comparé à l’année précédente.

Visiblement, je ne peux pas me tourner vers l’Etat et ma communauté non plus. Quid des entreprises ? Parce que ma communauté ne vit pas dans la rue et refuse d’y rester.

Célébration des identités, entre pinkwashing et communication

Les premières campagnes marketing destinées à la communauté queer commencent aux Etats-Unis, après une étude de marché révélant que les couples d’hommes gays avaient souvent un plus fort pouvoir d’achat que leurs homologues hétéros. Un foyer à deux revenus et pas d’enfant constituait une cible de choix pour les marketing strategists, qui parient sur du merch identitaire.

Le pinkwashing est un procédé marketing qui consiste à s’approprier (très dangereux) les codes queers pour séduire cette communauté, tout en vendant des valeurs “progressistes” aux autres segments de consommateur.rice.s. Ça va du mug flanqué du drapeau LGBT à de très déroutantes polémiques comme celle créée par une célèbre marque de vêtements qui a repris le triangle rose, utilisé pour marquer les populations gays et queers lors de l’Holocauste.

Factuellement, aucun objet n’est queer par essence : c’est leur utilisation dans un certain contexte qui les rend “queers”, le drapeau arc-en-ciel tenu par un hétéro perd de son sens de la même façon qu’un t-shirt marqué “Gay OK” n’est drôle que s’il est porté par une personne gay.

Sensiblement, certain.e.s queers semblent ne pas pouvoir se passer de ces petits marqueurs de leur identité sexuelle, pourquoi ? D’abord parce que les histoires de cette communauté commencent trop souvent par la honte, en raison de divers schémas familiaux, à cause de l’impossibilité d’exprimer qui nous sommes et d’aimer qui l’on veut, parce que des parents incapables de nous aimer comme nous sommes préfèrent nous mettre à la porte.

Une fois sortie du placard, impossible pour moi de tone it down. Je ne cherche pas la tranquillité, j’en fais une revendication. Il ne faut pas oublier que le revendiquer, porter des accessoires ou des pin’s qui trahissent ton appartenance à la communauté queer, c’est aussi se balader avec une cible dans le dos, pour de potentiels agresseurs ou de potentiels patron.ne.s lors d’entretiens d’embauche.

Si ce désir pour le visible m’est passé avec l’âge et la maturité, les revendications, elles, ne doivent pas cesser, la PMA pour tous.tes, la lutte contre les actes violents, doivent être au centre des revendications pendant ce Mois des fiertés. Il est important que les droits des personnes LGBTQI+ soient respectés dans le milieu du travail et que les représentations de cette communauté à travers le marketing et les pubs soient faites adroitement.

Visibilité, accès et pérennité de l’emploi

Je ne demande pas ici aux entreprises de faire de la discrimination positive mais de bien considérer les droits de leurs employé.e.s et de les payer à égalité.

Un tiers des personnes queers rapportent avoir été discriminées au moins une fois au travail en 2022 selon l’Ifop, soit + 4 points comparé à 2020. Plus inquiétant encore, cette situation se traduit aussi par des inégalités relatives à la carrière des personnes LGBT, car pour 20 % d’entre elles, c’est leur identité de genre ou sexuelle qui ferait obstacle à une possible évolution.

Il est nécessaire que les RH s’appliquent à faire respecter les droits des personnes queers au travail mais aussi que la dénonciation des propos ou actes à caractère LGBTphobe débouchent sur de vraies actions plutôt qu’une mise à l’écart qui ne fait que déplacer le problème.

J’en reviens à mes moutons, et c’est là que je désire #girlboss, gate open, et recevoir des girlcoins :

La visibilité est une étape nécessaire à la reconnaissance des droits queers mais n’est pas suffisante pour une libération même partielle de nos identités. J’ai besoin de voir mes pairs à l’écran, faisant la pub d’un objet iconique et inhérent à ma culture, genre des vêtements (la mode est queer, c’est mon cheval de bataille j’avoue).

Mais j’ai surtout besoin de les voir ailleurs qu’à l’écran, derrière la caméra, à la DA ou au casting, bref, anything that don’t rely on being marketable and pretty. La visibilité reste une arme à double tranchant. Répondant d’abord à des besoins d’identification, elle peut aussi s’avérer dangereuse, notamment quand elle entraîne l’œil de personnes mal intentionnées à nous repérer dans l’espace public.

 

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Quelques marques de luxe ont fait appel à des consultant.e.s queers, pour du conseil, de la validation de moodboards, le cast et les slogans utilisés pour leur campagne de pride, créant ainsi des opportunités d’être rémunérés pour des jobs qui n’impliquent pas la vente de son image, et sans sortir du placard publiquement.

Je ne suis pas personnellement fan des campagnes où les queers ne sont que devant la caméra et pas derrière, car on tombe trop souvent sur des clichés d’un cis-hétéro gaze (cliché de perception des personnes hétéros et cisgenres) avec des slogans simples du genre #BeProud. Je veux voir des publicités faites par et pour des queers et leur allié.e.s.

Je m’adresse à ma communauté ici, ce n’est ni une tribune, ni un reproche mais je lui demande d’arrêter de shade (terme venant de la culture ball) les personnes qui acceptent les deals avec les marques et qui jouent le jeu marketing durant ce Mois des fiertés. En rappelant à tous.tes la précarité de l’emploi des personnes queers, trop souvent en free-lance et vivant paycheck to paycheck le reste de l’année.

Petit rappel chiffré : les hommes gays ont deux fois plus de chances d’être au chômage que les hommes hétéros selon une étude publiée en 2009 par Thierry Laurent et Ferhat Mihoubi. Je vous laisse imaginer la situation pour le reste de la communauté et surtout pour les personnes trans qui sont les plus touchées par le travail du sexe.

“Je ne suis pas une créature de la nuit, je veux vivre le jour”, m’a dit une amie chère à mon cœur en rentrant de soirée.

En somme, il faut que les droits des personnes queers au travail mais aussi en dehors soient mis en avant toute l’année et pas seulement un mois sur douze, je veux voir des postes de créatif.ve.s, d’editors, et même des responsables pour mes frères, sœurs et cousines, mais surtout, je veux vivre à la lumière du jour derrière le fantasme de visibilité instagramable qu’on me vend à chaque campagne.

Si les marques souhaitent faire preuve de bonne foi, la liste d’associations auxquelles verser une petite partie de leurs gains est longue : Acceptess-T, SOS Homophobie, Act Up ou Le FLIRT. Soutenir les personnes LGBTQIA+, c’est aussi leur laisser une chance de s’insérer dans les milieux dans lesquels iels souhaitent évoluer et faire en sorte que leurs droits soient respectés. Vivre le jour, ça commence par avoir un travail pérenne, un logement stable et surtout être reconnu.e pour ses capacités intellectuelles et pas seulement pour la représentation marketable. Vivons heureux.ses, vivons caché.e.s, c’est du pipeau : je veux vivre sans avoir à me cacher et sans jamais avoir peur.

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