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Pourquoi les standards de beauté n’acceptent toujours pas mon ventre rond ?

Alors que les pièces taille basse reviennent en force sur les podiums et les fashionistas, la tendance que tu vas voir partout cet été fait abstraction de toute forme au-dessus de la ceinture. Le belly ou la courbe inacceptable, paradoxe body positive ?

Tu l’as vu partout sur ton feed. L’uniforme d’écolière signé Miu Miu affole la toile et les fans de mode enivré.e.s par le retour de la taille basse et plus largement – as you know – des trends Y2K. Cette silhouette sexy combine tous les fantasmes actuels, de la tendance school girl qui envahit TikTok aux pièces sulfureuses que portaient nos icônes des années 2000 – jean low-rise et string apparent pour ne citer qu’eux.

Pourtant, scroller parmi toutes ces images de nombrils exposés ne me donne pas envie de les imiter mais me fait plutôt… complexer. Abdos saillants, buste dessiné : du défilé Prada aux réseaux sociaux, la tendance taille basse renaît sans mise en perspective. Où sont passées les grandes luttes body-positivistes dans ces clichés quasi calqués sur ceux que l’on diffusait il y a vingt ans ? Pourquoi quasiment aucun ventre rond n’apparaît sur mon feed en 2022, alors que d’autres courbes semblent louées ?

Sauf que Paloma Elsesser a posé nombril apparent en Miu Miu sur la couverture d’i-D, pourrait-on me répliquer. Oui… mais. La mannequin considérée “plus size” faisant du 42-44 n’a pas porté un modèle existant lors de ce shoot – qui a raflé de nombreux likes et partages – mais un ensemble créé pour l’occasion. Tu l’auras compris : la taille basse is back mais seulement pour celleux qui fittent avec les standards beauté, finalement quasi inchangés.

Mais pourquoi tant de mépris pour notre belly alors qu’on est censé.e.s vivre dans une ère de l’ultra-acceptation ? 

 

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From love to hate

Si le six-pack a le vent en poupe aujourd’hui, ce ne fut pas toujours le cas quand on analyse l’histoire de la beauté. Durant la préhistoire, le physique est synonyme de survie et l’idéal féminin est représenté avec les seins, les fesses, les cuisses et le ventre très apparents. Les critères de beauté sont synonymes de fécondité. “Le désir pour ce qui est beau est d’abord le désir de ce qui permet la perpétuation de l’espèce : on valorise celles qui seront les plus aptes à porter et à nourrir des enfants”, comme le résume Philothée Gaymard dans Usbek & Rica.

À partir du IVe siècle et durant tout le Moyen Âge, le christianisme répand en Europe un nouvel idéal incarné par la Vierge Marie : la grossesse est à la mode. Les femmes portent même des étoffes sous leurs vêtements pour donner l’illusion d’un ventre rond tout en dissimulant les autres formes féminines, considérées comme incitations au péché.

Rien à voir avec notre époque où “une personne bien en chair est perçue, sous un angle moral, comme manquant de volonté, comme se laissant aller”, dixit David Le Breton, professeur spécialisé en sociologie du corps, dans Le Devoir. Outre le fait qu’avoir un ventre rond ne matche pas avec les normes de beauté, “cette morale institue le sujet comme responsable de ce qu’il est” – une méthode culpabilisante pointant du doigt un manque de contrôle de soi et de son alimentation, et qui nie les différents patrimoines génétiques. Résultat : ces impératifs sociétaux se sont imposés dans le vestiaire des femmes.

Le ventre plat : un diktat contemporain

Du corset qui compressait et écrasait le ventre dès le XVIe siècle aux tailles basses et aux régimes des années 2000, la contrainte du ventre plat s’est renforcée, et surtout au XXe siècle. Comme l’explique Emma McClendon, professeure associée au Fashion Institute of Technology de New York, des années 1930 aux années 60, les femmes montraient leur ventre uniquement pendant le sport ou les loisirs et camouflaient le nombril, symbole de sexualité.

Dans les années 70, Cher dévoile son belly à la télévision et emmène le diktat du ventre plat à un autre level : les filles qui révèlent leur ventre doivent désormais afficher – en plus d’un stomach sans bourrelet – des abdos saillants. Cette nouvelle liberté de montrer cette partie du corps longtemps dissimulée s’accompagne aussitôt d’une nouvelle injonction, lourde de conséquences, au fit body.

Et l’interprète de “Believe” étant un symbole féministe, les diktats qu’elle a enclenchés ont persisté jusqu’aujourd’hui. Le ventre acceptable est un ventre sans forme, aussi droit qu’une règle – à se demander où l’on dissimule ses organes. Pour l’obtenir, le Pilates, le green juice et le jeûne intermittent – hello #thatgirl ! – doivent devenir ta religion.

Récemment, la chanteuse Camila Cabello s’est plainte de cet impératif sociétal sur Instagram. Elle est allée à la plage et, se sachant entourée de paparazzis, elle raconte qu’elle s’est obligée tout l’après-midi à rentrer son belly, jusqu’à se faire mal aux abdos. Un diktat éreintant pour la pop star : “Intellectuellement, je sais que mon apparence ne détermine pas si je suis en bonne santé, heureuse ou sexy. Émotionnellement, ce que demande ce monde me fait mal au crâne.”

 

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À partir du IVe siècle et durant tout le Moyen Âge […] Les femmes portent même des étoffes sous leurs vêtements pour donner l’illusion d’un ventre rond tout en dissimulant les autres formes féminines, considérées comme incitations au péché.

 

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Vers l’acceptation du muffin top ?

Alors que les tendances Y2K font leur come-back, des voix s’élèvent dans les médias et sur les réseaux pour critiquer l’oubli de la révolution body-positiviste quand il s’agit de la taille basse.

Dans le monde de la fashion, des modèles comme Jill Kortleve ou Paloma Elsesser deviennent des icônes sexy s’inspirant des années 2000 et affichent leur ventre curvy sur Instagram et les podiums. Côté marques, Ester Manas, Miaou ou Maryam Nassir Zadeh font partie des griffes qui montrent l’exemple. Des silhouettes qui me font penser aux shapes rembourrées de Rei Kawakubo dans sa collection de 1997.

“Alors que, tout au long des années 1980, le rembourrage produisait un corps féminin fort et masculinisé, dans sa collection de 1997, le rembourrage de Kawakubo (des coussins en duvet de plume, pour être précis) crée un corps vulnérable et aux formes étranges, avec des régions saillantes sur le dos, les hanches et le ventre”, analysait Francesca Granata, professeure à la Parsons School of Design dans « Experimental Fashion Performance Art Carnival and the Grotesque Body ».

Une forme exagérée du ventre rond créée en opposition aux corps musclés à la Mugler dans les 80’s – et une critique évidente des conventions occidentales par la créatrice japonaise. Un regard doux et aimant sur le corps féminin et ses courbes qui sont la vraie norme – et pas celle que les diktats beauté tentent de nous imposer.

Aujourd’hui, je continue de tuck my tummy pour ne pas révéler mon bas-ventre, je descends mon t-shirt dès que je me courbe afin de ne pas faire apparaître mes bourrelets… Mais le retour du low-rise sur mes nouvelles icônes mode et beauté aux corps allant au-delà du S m’ont considérablement aidée à ressortir ma micro-skirt Diesel ou mon Levi’s au ras des fesses que je n’osais porter de peur d’en dévoiler un peu trop sur mon body pas vraiment fit. Le chemin sera long avant d’afficher avec fierté cette partie de mon corps pourtant qualifiée de deuxième cerveau mais en attendant, je n’oublie pas de le remercier d’avoir été étouffé pendant toutes ces années.

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