Mon Compte Shop
Musique

Pomme : des failles à la consolation

Son déménagement à Montréal, les difficultés auxquelles elle fait face en tant qu’artiste féminine et queer, son processus créatif… Pomme s’est confiée à NYLON à l’occasion de ses premiers concerts depuis la sortie de son troisième album consolation.

Nommée artiste féminine de l’année en 2021, Pomme revient en 2022 avec consolation, un troisième album réconfortant après Les Failles sorti en 2019. À l’occasion de ce nouveau projet, l’artiste a partagé les ressorts de son processus créatif à Montréal dans la série documentaire JUMP! sortie sur France TV. Alors que Pomme va monter sur scène ces 1er et 2 décembre pour interpréter consolation au Théâtre des Bouffes-du-Nord à Paris, on lui a posé toutes les questions dont tu rêvais.

@tamere_enstringdeguerreconsolation tracklist !!! #mushroomcore #frenchmusic #lol pre order my 3rd album now here https://pomme.lnk.to/consolation♬ son original – pomme 🥵

J’ai regardé le documentaire JUMP! dans lequel tu dévoiles le processus créatif de consolation. À un moment, on entend quelqu’un de ton équipe qui te dit que ta voix n’est pas assez “belle ou claire”. Pourquoi ?

Pour remettre dans le contexte, durant tout le processus de création, j’ai beaucoup angoissé que mon nouvel album ne soit pas à la hauteur du précédent, qui avait bien marché. J’avais peur que les gens n’aiment pas et soient déçu.e.s et que ce soit la fin de ma carrière, ou du succès qui m’entoure, qui amène encore beaucoup de pression, comme se dire qu’il y a des personnes qui vont acheter tout de suite mon album, alors que ce n’était pas le cas avant, et que les gens de l’industrie de la musique vont avoir des attentes. 

Du coup, tout au long du processus, je me forçais à ne pas comparer ce que j’étais en train de faire à ce que j’ai fait avant, pour justement essayer de m’éloigner de ce stress et de ces attentes. Mieux ou moins bien, c’est assez subjectif, ça dépend de chacun.e et de ce que tu aimes. J’essayais d’être la plus vraie que possible. 

Donc quand j’ai envoyé une première version à mon label, ils m’ont fait un retour en me disant “Ta voix est vachement moins cristalline que sur Les Failles cachées”, et je me suis décomposée. Pour moi, c’était la pire chose qu’on pouvait me dire. Comme c’était encore au début du processus, je me suis reprise assez vite mais je leur ai répondu que si mon équipe passait son temps à comparer mes projets, ça allait finir par me détruire et ils l’ont capté direct. C’était assez maladroit de leur part. Iels ne savaient pas l’impact que ces comparaisons avaient sur moi. C’est pour cela que j’ai décidé de l’intégrer dans le documentaire, c’était important pour moi concernant mon rapport à l’écriture, et je voulais montrer le processus du troisième album. Ça venait appuyer sur quelque chose qui m’angoissait déjà, c’était un moyen pour nous de montrer que c’est naturel de comparer, mais ça l’est aussi de s’éloigner de ce que tu as fait avant et de faire quelque chose qui te ressemble dans le présent. 

En vivant au Québec, est-ce qu’il y a des habitudes que tu apprends ou désapprends par rapport à la France ? 

La gentillesse, on apprend ! (Rire.) Dans les pays anglo-saxons, à Berlin ou encore en Scandinavie, t’as l’impression que les gens sont juste agréables, tu vois. Au Québec, tu as cette ouverture d’esprit, il n’y a pas cette manière de camper sur ses positions qu’on peut avoir en France. Là-bas, il y a une certaine ouverture, tu peux te remettre en question en prenant en compte l’avis des autres. J’y ai appris à être moi-même en étant moins bornée, et à être un peu plus fluide et ouverte. 

Et dans le processus créatif ? 

Travailler avec des personnes qui n’ont pas la même culture, même si elles parlent français, ça décentralise énormément. Ça m’a permis d’être libre créativement et d’être dans une autre atmosphère, même avec des personnes avec qui je n’ai pas l’habitude de travailler. Être loin de Paris, l’endroit principal où je fais, sors et promeus ma musique, m’a aidée à faire ce que je voulais faire sans trop me poser de questions. J’aurais pu aller n’importe où, mais le Québec, c’est ma maison, qui comporte tous les avantages d’être loin mais en même temps d’être chez moi. Aujourd’hui, au Québec, il y a plus de personnes qui font la même musique que moi, des guitaristes, des pianistes, des batteur.se.s, qui comprennent directement de quoi je parle, car ma musique ne s’inscrit pas tellement dans un courant musical populaire ici. Je ne me sens pas appartenir à une famille musicale en France. Du coup, ça fait que je peux créer de la musique autant ici qu’ailleurs. Je pourrais à la rigueur m’inspirer et m’identifier à des chansons et/ou artistes français.es d’époque comme Barbara. 

Je me sens toujours seule dans mon bateau dans l’industrie musicale française, mais j’aime bien, ça ne me dérange pas. Mais je ne me suis jamais associée à un.e artiste qui faisait une musique similaire à la mienne, une personne avec qui je dirais qu’on a les mêmes influences. Il y a tout de même des petites familles musicales en France, celle de la pop, ou du rap. Moi, j’ai l’impression d’être à mi-chemin entre plein de trucs différents, et j’aime bien le fait de faire de la musique partout, et de ne pas me sentir liée spécifiquement à une scène française. 

Quelles sont les attentes les plus reloues auxquelles tu as fait face ? 

En France, les gens n’aiment pas que les artistes partent ailleurs. Redcar et Yelle sont parti.e.s aux États-Unis et se sont fait critiquer pour avoir “déserté” selon certains magazines en France, alors que souvent, ce sont des artistes qui, au même titre que moi, recherchent cet aspect de liberté, de rencontres avec de nouvelles personnes et la découverte de nouveaux endroits, et je trouve ça tellement légitime. Je vais toujours avoir une attache particulière à la France, mais j’ai l’impression qu’en France, ils n’aiment pas trop que l’on critique le pays, dire qu’il est raciste ou sexiste n’est pas trop apprécié, et je trouve ça malsain. 

Et en tant que meuf et artiste ? 

Quand je me suis lancée dans la musique, j’étais extrêmement jeune, et de mes 15 à 20 ans, j’ai vécu toutes les mauvaises expériences possibles pour une jeune femme. Ça fait déjà un moment, et aujourd’hui, je pense que je suis à ma place, et que les gens avec qui je travaille, je peux les choisir, je peux être dans un environnement où tout le monde me respecte et me laisse prendre des décisions, on ne m’impose rien. Dans mon label, on me connaît depuis des années, donc j’ai une grande liberté. En revanche, au début, quand tu arrives dans une industrie comme celle de la musique, du cinéma ou sport, en bref les industries où il y a beaucoup d’argent et de jeux de pouvoir, il y a toujours un petit passage avec un degré de gravité différent, où ça va de vieilles remarques sexistes aux agressions sexuelles. Et moi, j’ai vécu des situations similaires étant plus jeune dans le métier, je n’étais pas prête pour ce monde-là mais là, ça fait un bon moment que c’est derrière moi, mais malheureusement, ce n’est pas le cas pour tout le monde, c’est pour cela que je tiens à en parler encore aujourd’hui. 

Quelle est la frontière entre la pop et l’indé ? 

Je l’ai dit plus tôt, je ne pense pas appartenir à une famille en particulier mais si certain.e.s considèrent ma musique comme pop, tant mieux, et comme indé, tant mieux aussi parce qu’en fait, j’ai envie que ma musique soit accessible au maximum de gens, je ne fais pas de la musique de niche, qui n’appartient qu’à une partie de la population. L’idée, c’est que tout le monde puisse se retrouver là-dedans, de n’importe quel âge, genre, pays même idéalement. Après, il est plus difficile d’accéder à ma musique car je ne passe pas beaucoup sur les grosses radios, mais malgré tout, si on sonde mon audience, on se rend compte qu’il y a plein de gens différents et ça, c’est hyper précieux, c’est une chose que je ne veux pas perdre.

Malheureusement, ce n’est pas moi qui choisis, ça reste les médias qui “choisissent” pour moi la catégorie dans laquelle je rentre. Si je devais me catégoriser, ce serait à la frontière entre la pop  –donc la musique populaire – et l’indie, le meilleur des deux mondes. C’est totalement hybride, je trouve que tu es davantage en paix quand tu sais que tu n’es pas obligé.e de choisir un genre en particulier, tu peux être plusieurs trucs et même des choses opposées. Ce qui est cool, c’est qu’aujourd’hui, tu peux faire la musique que tu veux, t’es moins obligé.e de te justifier. 

Il y a tout de même des petites familles musicales en France, celle de la pop, ou du rap. Moi, j’ai l’impression d’être à mi-chemin entre plein de trucs différents, et j’aime bien le fait de faire de la musique partout, et de ne pas me sentir liée spécifiquement à une scène française. 

Quelles sont tes plus riches contradictions ? 

Eh bien premièrement, il y a le fait que je raconte toute ma vie dans mes chansons alors que je suis incapable de parler de mes émotions à mes ami.e.s. Il y a aussi le fait que je dénonce plein de choses dont je n’arrive pas à me défaire moi-même, comme cette dictature de l’apparence : je suis la première à conseiller aux gens de se foutre de l’avis des autres alors que moi, je me mets une pression incroyable sur mon apparence. Un peu moins aujourd’hui, mais avant, j’étais obnubilée par ça. J’ai des années d’anorexie derrière moi, des années à me rabaisser, à me dire que si je ne suis pas belle, je ne vaux rien, alors qu’en même temps, j’encourage quelqu’un d’autre à être soi-même. Je suis pleine de contradictions, et c’est ça qui fait que je suis un être humain, un être imparfait et surtout, j’ai arrêté d’essayer d’être cohérente.

Comment veilles-tu à préserver ton état mental en étant aussi exposée, avec les responsabilités qui vont avec ?

 

Quand tu es exposé.e, tout le monde attend quelque chose de toi. Peu importe qui est cette personne, un.e ami.e, quelqu’un avec qui j’ai déjà travaillé, même dans l’intimité, on a une attente envers moi. Quand ça concerne uniquement l’entourage, c’est déjà assez intense, mais quand c’est tout le monde, ça devient un peu plus chaud à vivre au quotidien. En ce moment, j’ai une psy qui me suit toutes les semaines. Je ne pourrais pas arrêter de la voir car c’est la seule solution pour être bien, que tu sois connu.e ou non. Parler de ta vie et de tes sentiments à quelqu’un, c’est libérateur. Je ne dirais pas que tout le monde doit faire une thérapie dans sa vie, mais me concernant, c’est obligatoire. Je me sens bien et équilibrée car j’ai une psy et je sais que si je ne vais pas bien, ce n’est pas grave et que j’ai déjà connu pire. Je suis aussi très bien entourée, mes ami.e.s valorisent la santé mentale et on en parle beaucoup entre nous, j’en parle aussi beaucoup avec ma mère et mes proches, ce n’est pas tabou du tout, je me suis entourée de gens avec qui c’est un sujet normal. 

Quelles sont les chansons qui t’émeuvent ? 

Je me suis pas mal découverte par le biais d’autres chansons. Barbara est l’artiste à laquelle je me suis le plus identifiée, car elle exprime des émotions que je n’arrivais pas à verbaliser – elle parle de tout, de solitude, de chagrin, de nostalgie, de tristesse, d’amour, d’amitié. Je l’ai découverte à 8 ans et jusqu’aujourd’hui, il reste des chansons que je n’ai pas encore écoutées. C’est ce que je fais avec les artistes que j’aime beaucoup, je n’écoute pas toute leur discographie, je veux continuer de les découvrir. Ce qui est cool dans la musique et dans l’art en général, c’est que tu ne sais jamais qui va voir ou écouter ce que tu fais mais cette personne peut le partager à l’infini et à n’importe quelle époque. Pas besoin de réseaux sociaux ou que sais-je, tu peux exister par la transmission et c’est incroyable. Par exemple, Barbara, ce n’est pas du tout de ma génération et pourtant, c’est mon artiste préférée. La musique et l’art, ça résonne avec des endroits dans ton être qui sont cachés ou dont tu ne connais pas encore l’existence, et c’est pour cela que c’est si intense. Il y a des artistes qui prononcent des mots que tu n’aurais jamais osé dire ou penser, qui mettent un doigt sur ce que tu ressens, c’est magique. 

Tu sembles faire très attention à tes achats mode : tu n’achètes que de la seconde main ? 

Non, tout n’est pas de la seconde main. Par exemple, mes chaussures (Dr. Martens) ne le sont pas. Elles me durent des années, et j’ai quasiment que ça. Le reste, c’est quasiment que de la fripe, chaque vêtement que j’ai dans ma garde-robe est une pièce que j’adore et que je porte jusqu’à épuisement. Je m’habille à 60 % en friperies, sinon, ce sont des créateur.rice.s. Certain.e.s sont québécois.es, parisien.ne.s ou même européen.ne.s. Il y a une valeur dans les vêtements que je porte, car j’ai conscience de l’impact de leur fabrication. C’est pour cela que je n’ai pas de merch textile. Les seuls vêtements que j’ai vendus, c’étaient des bleus de travail que j’avais chinés en friperies et sur lesquels j’avais mis des patchs. Je trouve super ludique d’aller régulièrement en friperies ou d’encourager celleux qui créent des vêtements responsables, il y en a pas mal maintenant. Même s’ils ont un certain coût, il est justifié car c’est le coût de la main-d’œuvre. Si demain, on me dit qu’il y a une pénurie de vêtements neufs et qu’il faut acheter uniquement de l’occase, y aura vraiment pas de soucis. C’est un peu plus délicat pour les shoes ou les sous-vêtements, mais s’il n’y a pas le choix, on lave à 60 °C et nickel ! (Rire.) 

Comment te positionnes-tu sur les questions queers et d’inclusivité ? 

Le message à faire passer, c’est que, personnellement, j’écris des histoires d’amour entre des femmes et c’est quelque chose qui n’est malheureusement toujours pas considéré dans la tête des gens. Mais le militantisme, ça ne me dérange pas. J’ai aujourd’hui les épaules, je suis assez à l’aise avec moi-même et ma sexualité pour parler de ça. Je fais des chansons sur ma vie de tous les jours. Je parle de mes histoires d’amour et pour certain.e.s, c’est considéré comme du militantisme alors que pas du tout. C’est juste que ça n’a pas encore été intégré. Tant que les gens auront besoin d’entendre que c’est normal, que c’est cool d’être heureux.se et gay, lesbienne, bi ou trans, etc, ça ne me coûte rien d’en parler. À un moment, je serai heureuse d’apprendre que ce n’est plus quelque chose qui me définit, que les gens puissent voir d’abord la qualité en tant qu’artiste avant de voir mon orientation sexuelle ou un genre. C’est pareil pour les gens racisé.e.s, c’est un sujet pour pas mal de monde. J’essaye de mon mieux de garder un message non politisé dans mes chansons mais souvent, on me ramène à ça, alors je me dis que c’est qu’on n’en parle pas assez et que les gens en 2022 n’ont pas encore intégré que c’était la norme. 

@tamere_enstringdeguerreune autre madeleine de proust 🥲 (par contre chanter ça a 13 ans c’est chaud un peu) #priscilla #french #cover #fyp #2000s♬ original sound – pomme 🥵
voir l'article
voir l'article
Musique

Pomme : des failles à la consolation

Se Connecter

Mot de pass oublié ?

Nouveau mot de passe

S'Inscrire* Champs obligatoir

FermerFermer