Et cette impression de ne rien pouvoir faire vient confirmer la certitude que je n’y arriverai pas. Je suis une incapable, nulle, et bien évidemment, je vais la rater, cette vie. On part alors pour un looping, une boucle sans fin. Je commence par prendre un par un tous mes (supposés) échecs passés histoire de me prouver ma nullité. Une fois que c’est fait, je passe aux échéances à venir. Forcément, je ne vais pas y arriver. Cela peut durer très longtemps. Je suis très créative, je crée de nouveaux problèmes tous les jours. Avec du recul, je pense qu’il est plus simple de se prouver par A + B qu’on est naze plutôt que de sortir de sa zone de confort et d’essayer. C’est un mécanisme de protection qui en réalité ne protège de rien du tout à part de la sérénité.
Dans ces moments-là, je ne suis plus moi-même. D’un naturel très bavard, je me retrouve complètement perdue dans mes pensées. Pas la peine d’essayer d’avoir une conversation avec moi, je ne te répondrais que par onomatopées. Pour enrayer la situation, je décide d’aller faire un tour. Marcher aère l’esprit. En tout cas, il faut quitter les lieux où l’angoisse est apparue. Je lui coupe l’herbe sous le pied en changeant de décor.
14h. Je dois me mettre devant mon ordinateur pour rédiger ma chronique sur l’anxiété. Quelle angoisse ! Qu’est-ce que je vais bien pouvoir raconter ? D’un coup, mon cerveau se vide et tous mes neurones partent en pause dej en même temps. C’est quand même marrant que, soudainement, je ne sache plus quoi dire sur le sentiment qui m’accompagne la plupart du temps. Il va bien falloir commencer à se pencher sur le pourquoi du comment de cette affaire qui me mène la vie dure. J’ai un père brillant, extraordinaire, “un cerf dans la forêt” comme le décrit ma mère. Tout ce qu’il touche se transforme en or. Avec lui, tout est facile, évident. Et tout le monde est bête à manger ses pieds. Lorsque, en CM1, je n’arrivais pas à terminer mes devoirs de maths, mon père, pas déconstruit pour un sou, m’annonçait avec une mine déconfite que j’allais malheureusement “finir caissière”.
Pendant ce temps-là, il vendait des millions d’albums et révolutionnait le monde de la bande dessinée. Il faut dire que je n’étais pas très bien partie. Je n’ai plus eu la moyenne générale à partir de la classe de quatrième, préférant l’école buissonnière aux cours de grec ancien et me sentant, de toutes les façons, pas du tout en adéquation avec mes congénères. J’étais mieux qu’elleux. Sur tous les points. Plus cultivée, plus curieuse. Et pourtant, j’étais aussi fichtrement moins bien. Je ne comprenais pas pourquoi je ne parvenais pas à en être. On sous-estime souvent à quel point ce moment est charnière dans la vie d’un.e petit.e humain.e. Ce qu’on nous dit entre dans notre tête pour évoluer avec le jeune adulte, puis l’adulte en devenir. Si, déjà, à cet âge, il peut t’arriver de te sentir anxieux.se, parles-en autour de toi et n’aie pas peur de demander à voir un.e professionnel.le si tu en ressens le besoin. C’est la classe de prendre par les cornes le taureau qui te crée des soucis.