Le soleil est de sortie, tout le monde est bronzé.e, la fête envahit les rues, la musique retentit partout et les jours sont toujours plus longs. Quelle place vient jouer la mélancolie à ce moment inattendu ? Retour sur une trend iconique chez les sad Tumblr kids.
A priori, ça n’a vraiment aucun sens d’être triste pendant la saison la plus festive, la plus intense et la plus chaude de l’année… Et pourtant, ça arrive, et je ne suis pas le seul ! Venant d’un pays où l’été dure toute l’année (vai Brasil !!), mon premier flirt avec la nostalgie et la délicieuse mélancolie d’être triste en été s’est déroulé l’été de mes 16 ans, et j’essaie toujours de comprendre ce qui s’est passé.
C’était l’été de 2012. What a time to be alive. Les réseaux sociaux étaient encore ados, nous avions – peut-être pour la première fois dans l’histoire – un accès facile aux célébrités et à chacune de leurs pensées sur Twitter (amuse-toi à googler les “clapback tweets” emblématiques de Rihanna à l’époque) ; les cool moms and dads du monde entier commençaient à avoir un compte Facebook ; Instagram était officiellement en train de devenir un big deal, mais la plus importante de toutes les plateformes de réseaux sociaux – du moins pour moi – n’était autre que Tumblr.
J’ai rejoint Tumblr cette même année et cela m’a vraiment fait découvrir un nouveau monde (ma première initiation à la mode a été de rebloguer des photos de Lady Gaga en Alexander McQueen toute la journée) ainsi qu’une délicieuse mélancolie adolescente. Alimentée principalement par une nouvelle artiste révolutionnaire de l’époque, Lana Del Rey, adulée par tous.tes les jeunes de Tumblr et qui a fait de la nostalgie sa trademark rapidement labellisée “Summertime Sadness”, la morosité estivale est devenue un phénomène. Tout à coup, j’étais de retour à mes premières heures emo, mais cette fois-ci avec des couronnes de fleurs, un immense désir de vivre en Californie et des rêves de shopping chez Urban Outfitters. Être gloomy était à nouveau cool et j’adorais ça.
Sauf que, en repensant à cette phase aujourd’hui – littéralement une décennie plus tard –, je ressens un énorme mélange d’émotions, sans savoir si je dois chialer ou me sentir fier.e de cette période. Alors disséquons tout ça ensemble.
Inutile de te dire qu’un jour, tu grimaceras un peu au souvenir des choses que tu aimais à 16 ans, de la façon dont t’habillais, dont tu parlais et de ce qui t’intéressait. C’est la nature humaine et un processus très formateur de la vie. En repensant à l’époque où j’étais un sad Tumblr kid, beaucoup de choses me font cringe. Comme ce sentiment que la vie était injuste et que rien de bon n’arrivait (alors que pas du tout), que la vie était terminée avant même d’avoir commencé… Lorsque j’ai pris la décision consciente de devenir triste pour cet été-là, j’ai immédiatement consulté ma garde-robe et sélectionné chaque pièce noire, grise et denim que j’avais pour créer mon uniforme d’été ; première grosse erreur car il était presque insupportable de ne porter que des couleurs sombres – et de les superposer, en parfaite mode 2012 – pendant l’été brésilien. Ensuite, je me suis occupé de la playlist.
Si tu repenses à 2012, tu te rappelleras que le dubstep et l’EDM étaient à la mode à l’époque, même Madonna était à fond dedans – mais j’ai viré tout ça. La tristesse de l’été signifiait un régime musical strict fait d’indie rock et de pop vintage Instagram. Deuxième grosse erreur, car en réalité, j’aimais aussi la musique dance kitsch et que “Starships” de Nicki Minaj était mine. Ensuite, ce qui était probablement la plus grosse erreur de toutes, c’est que j’ai commencé à ignorer les invitations de mes ami.e.s à sortir. Pour moi, faire partie du culte de la summertime sadness signifiait bêtement être seul à errer sur Internet toute la journée, pour ensuite me morfondre de ne pas avoir d’ami.e.s dans la vraie vie (yes, I know). Le fait que je me sois privé de vivre dans le monde réel, de créer des souvenirs, de tisser des liens ou même de rencontrer de nouveaux ami.e.s pendant cet été simplement pour m’isoler dans la chaleur de mes vêtements sombres en écoutant de la musique que j’aimais (mais que je n’aimais pas du tout), tout cela au nom d’un concept de vie que je venais de découvrir sur Internet était juste… bête.
la summertime sadness ont vraiment ouvert une nouvelle porte dans mon cerveau d’adolescent à cette époque qui était très révélatrice : et si, en fait, rien de tout cela n’avait d’importance et qu’on se débarrassait juste de toute cette pression et de cette injonction au bonheur performatif ?
D’un autre côté, il y a une telle pression pour vivre sa meilleure vie pendant l’été. C’est le moment où tu dois : avoir un corps au top, sortir constamment, te lancer dans de nouvelles aventures, expérimenter, voyager, mener une vie fabuleuse quoi. Combine toute cette pression avec celle de devoir tout montrer – sous son meilleur angle – sur les réseaux sociaux et tu as le résultat final : de la pure anxiété qui te paralyse bien comme il faut.
Perso, je ne me suis jamais vraiment senti comme une “personne d’été”, l’hiver et le printemps ont toujours été plus mon truc, mais j’essayais de me fondre dans l’ambiance générale de l’été en pensant que c’était le secret d’une vie heureuse et de vacances fabuleuses, mais tu sais quoi ? J’avais tort. La subculture des sad Tumblr kids et son chapitre sur la summertime sadness ont vraiment ouvert une nouvelle porte dans mon cerveau d’adolescent à cette époque qui était très révélatrice : et si, en fait, rien de tout cela n’avait d’importance et qu’on se débarrassait juste de toute cette pression et de cette injonction au bonheur performatif ?
Un state of mind qui a tout changé. Lorsque j’ai plongé dans ma tristesse estivale cet été-là, en vacances en famille à la plage, je me suis senti extrêmement libéré. Mes parents n’étaient pas du tout contents de me voir dans mes vêtements sombres, de mauvaise humeur, avec des écouteurs sur les oreilles tout le temps, mais peu importe, j’étais (plus ou moins) heureux ! J’ai enfin eu l’impression de ne pas avoir à faire semblant de tout apprécier tout le temps, ce qui m’a permis de profiter du temps que je passais avec moi-même et mes pensées (et mes posts sur Tumblr), de respirer profondément et de me détendre. J’ai vraiment eu l’impression de stand up pour moi-même, et tout simplement d’être moi-même. Je faisais littéralement ce que je voulais pendant mon temps libre et j’économisais mon énergie sociale. C’était une révolution interne essentielle d’être là pour moi, de me sentir bien dans ma peau, dans ma mentalité et dans mes désirs.
Donc mon conseil de vie, pour cet été, pour tous les autres étés à venir et pour toutes les autres saisons de l’année également, c’est : do you, boo ! Que tu sois dans un mood hot girl summer ou summertime sadness (ou les deux !), suis ta vibe et reste fidèle à ce que tu veux et ressens. No pressure.
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