Marina And The Diamonds : souvenirs de l’album indie sleaze “Electra Heart”
Comment la mode rétro, les archétypes américains et Tumblr ont façonné l'héritage complexe du deuxième album culte de Marina.
Comment la mode rétro, les archétypes américains et Tumblr ont façonné l'héritage complexe du deuxième album culte de Marina.
Remonte jusqu’au tout premier article du blog electraheart.tumblr.com, et tu verras une photo de Marina Diamandis, alors âgée de 25 ans, perchée devant une webcam. Avec une perruque à la Jane Henderson encadrant son visage et les yeux baissés, elle ajoute la légende : « Je crois en moi. » Aussi ironique que cela puisse paraître, il y avait du vrai dans cette déclaration. Au début des années 2010, le succès des superstars était généralement le fruit d’un parcours traditionnel, quasiment une formule. Lorsque Marina (son nouveau nom de scène), alors connue sous l’alias Marina And The Diamonds, a sorti son album Electra Heart en 2012, elle a délicieusement empoisonné cette voie avec sa vision unique et réfléchie. Créé à partir d’un ADN purement pop grâce à une équipe de producteurs à succès, son deuxième disque présentait un personnage éponyme complexe qui a ébloui plus d’un fil Tumblr via des portraits cabotins et des descriptions insolentes. Mais derrière les apparences étincelantes d’Electra Heart, on découvre un univers riche et sombre – des chansons comme « Teen Idle » mettent en lumière l’existentialisme adolescent, tandis que « Starring Role » décrit une relation tumultueuse où « le seul moment où l’on ouvre son cœur est celui où l’on se déshabille ». Pfiou !
Malgré tous ses efforts et ses nombreux succès commerciaux, Electra Heart n’a pas propulsé Marina au rang de star mondiale de la pop comme son label l’avait peut-être espéré. Ce qu’elle a obtenu était beaucoup plus nuancé que cela : une époque très particulière avec des personnages à problèmes (ou « archétypes »), des cheveux décolorés qui ont mal tourné et une base de fans passionnés et loyaux aux joues perpétuellement tatouées d’un cœur. Trois albums et des évolutions créatives plus tard, ce n’est qu’au cours des deux dernières années que les chansons d’Electra Heart sont revenues aux oreilles du grand public (essaye simplement de faire défiler ta page For You sur TikTok sans entendre « Primadonna »).
En l’honneur du 10e anniversaire d’Electra Heart, qui a lieu ce 27 avril, NYLON se penche sur l’héritage compliqué de l’album : son caractère culte, sa commercialisation complexe et, bien sûr, l’impact de Tumblr. Dans cet article, tu pourras entendre un producteur, une responsable marketing de maison de disques, un photographe et réalisateur de vidéoclips, une utilisatrice de Tumblr et Marina elle-même parler de la résilience d’Electra Heart et de sa gloire retrouvée.
The Family Jewels, le premier album acclamé de Marina en 2010, a fait découvrir au monde Marina And The Diamonds, chanteuse magnétique et autrice-compositrice à l’honnêteté rafraîchissante. À l’époque, les genres musicaux n’étaient pas aussi librement définis qu’ils le sont aujourd’hui, et pour certains, le fait que Marina soit à cheval entre l’indé et la pop la rendait difficile à catégoriser. En 2011, son label, le défunt 679 Records (une subdivision de Warner Music Group), a détecté son potentiel pour dominer le monde et a organisé des sessions d’écriture avec des méga-producteurs comme Dr. Luke (aujourd’hui disgracié), Stargate, Cirkut et Rick Nowels. Voici ce qui s’est passé.
Marina Diamandis : Je travaillais à Los Angeles et je commençais à coécrire avec des gens, en particulier des gens de la pop, pour la première fois. Je me souviens que je logeais près d’Hollywood Boulevard, à proximité de ces boutiques vintage de mauvais goût, et j’ai commencé à acheter ces vêtements des années 60 et 70, très féminins. C’est comme ça que ça a commencé, avec la mode.
Christina Kotsamanidis, senior vice-présidente marketing chez Atlantic Records : C’était un nouveau processus pour Marina, donc, à bien des égards, cela ressemblait à une période d’exploration dans sa carrière, un moment pour essayer de nouvelles choses. Je pense qu’en fin de compte, c’est la raison pour laquelle Electra Heart a évolué vers un album conceptuel avec un personnage à travers lequel Marina se sentait plus à l’aise pour partager ces histoires.
Dès le début de la carrière de Marina, dès The Family Jewels, nous avons vu qu’elle avait une base de fans incroyablement dévoués. Elle établissait une véritable connexion avec ses fans, et à chaque sortie et tournée, cette base de fans continuait à croître en taille et en passion. Notre objectif principal était vraiment de l’aider à continuer à toucher un nouveau public.
Rick Nowels, producteur : Ma famille vivait en Angleterre en 2010 et nous sommes allés à Barcelone pour les vacances de printemps. J’ai vu la vidéo de « Hollywood » sur la chaîne MTV Espagne – j’ai trouvé ça fantastique et j’ai voulu travailler avec Marina. Je pense que Marina a dit oui parce que j’avais écrit avec Madonna sur son album Ray of Light. Nous nous sommes retrouvé.e.s dans mon studio à Los Angeles en 2011 et nous avons très bien écrit ensemble. Elle est tellement brillante que c’était facile. Nous avons pu faire environ cinq jours d’écriture ensemble ; une chanson par jour.
M.D. : [Travailler avec des producteurs pop] a clairement changé la vitesse à laquelle j’écrivais. Si j’écris seule, cela peut prendre une à deux semaines pour terminer une chanson, mais avec Rick, par exemple, j’ai pratiquement terminé « Bubblegum Bitch » en une journée.
R.N. : Nous étions en train de déjeuner et on s’est mis à parler de bubble-gum. Alors évidemment, on était obligés d’écrire une chanson appelée « Bubblegum Bitch ». Nous l’avons terminée en une heure juste après le déjeuner.
M.D. : Rick avait dans sa bibliothèque un livre intitulé Bubblegum : The History of Plastic Pop et encore une fois, cela a conduit à l’imagerie hyperféminine qui m’attirait à l’époque, donc c’est comme ça que cette chanson est née. Même les paroles comme « Queentex, latex, I’m your wonder maid » : Queentex et Wonder Maid étaient des fabricants de robes fourreaux que j’achetais dans les magasins vintage. L’idée, c’était vraiment de jouer sur mon amour des marques américaines et sur le talent de l’Amérique pour les publicités depuis les années 50.
R.N. : Marina avait une vision forte pour son album Electra Heart et beaucoup de concepts sur lesquels elle voulait écrire. Ses chansons sont toujours très intelligentes, dans la mélodie et dans les paroles – c’est vraiment une chanteuse et une compositrice emblématique.
M.D. : Je trouve qu’avec la coécriture, ce n’est pas toujours la même chose. Cela dépend vraiment de la personne avec qui tu écris. Mon processus avec Dr. Luke ou Stargate, qui étaient les plus grands auteurs pop de l’époque, était incroyablement différent de celui de Rick. C’était une courbe d’apprentissage énorme pour moi. Avec Rick, il faut être un auteur-compositeur très fort, parce qu’il te fait asseoir, il est au piano et il commence à jouer des accords. Tu dois commencer à dire quelque chose sur-le-champ, il n’y a pas de « Oh, je vais aller travailler sur mes paroles pendant vingt minutes ». Tu dois inventer des choses, et je me suis vraiment épanouie dans ce genre de processus. Avec Luke ou Stargate, j’allais dans une arrière-salle pendant deux heures, toute seule, puis je revenais les voir et je leur faisais écouter sur mon ordinateur portable ce que j’avais fait, et ils m’aidaient à le monter. Ils avaient tellement de succès et de talent à l’époque que je savais que mon label voudrait travailler avec eux. Et ça a été le cas, nous avons produit de très bonnes chansons. Mais je ne sais pas si je dirais que c’était aussi naturel qu’avec Rick, où tu crées à partir de rien – on ne te fait pas écouter des rythmes pour t’envoyer ensuite écrire toute seule dans une arrière-salle. Mais tout cela a vraiment influencé mon processus d’écriture et a fait de moi une meilleure autrice sur le long terme.
J’ai littéralement créé [l’album] via Tumblr, ce n’est pas exagéré.
Marina Diamandis
Si Tumblr est la galerie historique officieuse du début des années 2010, le blog Electra Heart de Marina en est le plat de résistance. Le mood hyperféminin de Marina en robe de soie ou en jupe à carreaux, hantant des chambres de motel kitsch et rôdant dans les rues la nuit, est devenu un fantasme et une esthétique omniprésente sur la plateforme dédiée à l’image – sans parler du vivier infini de fan art.
M.D. : J’ai commencé à être vraiment excitée par la création de ce personnage super féminin. À partir de là, cela a commencé à influencer le type de paroles que j’écrivais, et cela a alimenté le type d’images que je regardais sur Tumblr.
Je m’amusais beaucoup à créer ce personnage et à vivre moi-même ce fantasme, surtout lorsque j’avais des cheveux blonds et blancs et que je n’avais pas à porter de perruque. C’était la liberté ultime. Quand tu es au début ou au milieu de la vingtaine, tu te fais une nouvelle coupe de cheveux radicale, ou tu décides soudainement de changer tout ton look… Tu as cette période où tu as l’impression de pouvoir exister sous une différente identité, et pour de multiples raisons à l’époque, c’était séduisant pour moi.
C.K. : Ce qui est beau dans la carrière artistique de Marina, c’est que, même à ses débuts, elle avait un sens aigu de qui elle était. Pour chaque album, elle arrivait au label avec une vision déjà toute tracée – non seulement les thèmes et la narration de la musique, mais aussi les idées pour les visuels qui accompagneraient la musique. Avec Electra Heart, elle est arrivée avec le concept d’un album consacré aux archétypes féminins : la ménagère de banlieue, la célébrité, la jeunesse, la briseuse de ménage. Au-delà de l’écriture de la musique, la création du personnage, la garde-robe, les pastels, les cheveux, le maquillage, tout est venu de Marina. Il y avait toujours une grande excitation au sein du label pour voir ce qu’elle nous avait préparé.
Casper Balslev, réalisateur de clips et photographe : Je crois que son manager m’a envoyé des photos. Marina a fait référence à ce film de Wim Wenders intitulé Paris, Texas, dans lequel la protagoniste portait une perruque et était en train de changer de personnalité, visuellement. C’était en quelque sorte le point de départ de la vidéo [« Radioactive »]. J’ai suggéré que nous fassions un road trip [en Californie], et j’ai écrit un scénario basé sur le personnage qu’elle voulait incarner. Nous avons fait toutes les photos pour la pochette du disque et toutes les photos de presse à Los Angeles quelques mois plus tard.
Lia H*., fan et créatrice de fuckyeahelectraheart sur Tumblr : J’ai créé mon compte de fan juste au moment où Marina a créé son compte Tumblr Electra Heart. J’avais 26 ans à l’époque de la sortie de The Family Jewels, mais cet album parlait à mon ancien moi d’adolescente angoissée. Elle avait un son vraiment unique et j’avais hâte d’entendre ce qu’elle ferait d’autre.
Je suis devenue amie avec MarinaDNet, qui était un site de fans, et MarinaNewsNet, parce qu’elles étaient aussi sur Tumblr. Nous étions en quelque sorte les trois sites de fans actifs, des gens qui suivaient activement ce qu’elle faisait et publiaient. C’était un moyen de se connecter avec d’autres fans du monde entier, de se réunir et de parler de cette artiste que nous adorions. Certains d’entre nous spéculaient sur le son de ses chansons ou sur les visuels qu’elle ferait pour une vidéo.
M.D. : J’étais très conscient que, sur Tumblr, il y avait cette tendance à l’époque qui voulait associer ces images presque maladivement féminines, ou hyperféminines, avec des matériaux plus sombres. Et j’ai trouvé cela intéressant. Cela avait du sens par rapport à la façon dont les jeunes gens communiquaient à l’époque sur leurs sentiments.
C.B. : Marina et moi nous sommes beaucoup inspiré.e.s du travail de Cindy Sherman. Nous avons fait une très longue séance de photos [pour Tumblr], quatre jours durant lesquels nous avons joué avec tous les styles, les coiffures et le maquillage ; tous ces archétypes américains qu’elle voulait représenter sur l’album. Nous avons cherché des endroits sympas, nous avons pris des photos sur Hollywood Boulevard et dans tout Los Angeles. Au final, nous nous sommes retrouvés avec probablement 15 personnages différents à partir de cette première séance photo.
Pour le clip de « Primadonna », Marina et moi voulions qu’il soit assez sarcastique. Nous l’avons tourné à Copenhague pendant deux ou trois jours dans différents endroits, principalement dans une vieille maison. Nous voulions obtenir une sorte d’humour loufoque avec un truc arty sous-jacent.
L.H. : Les choses qu’elle postait à l’époque étaient très typiques du Tumblr 2012, genre des photos granuleuses en noir et blanc avec des légendes ironiques. Je trouvais ça intéressant parce que je ne savais pas où elle voulait en venir… Quand elle a expliqué le concept de son album, je me suis dit « OK, c’est plutôt cool ».
M.D. : J’ai littéralement créé [l’album] via Tumblr, ce n’est pas exagéré. Je trollais Tumblr pendant des heures. À l’époque – ce n’était pas une toute nouvelle plateforme, elle existait depuis quelques années –, Tumblr était sur le point d’atteindre son apogée en tant que plateforme subversive sur laquelle les jeunes underground ou les jeunes non traditionnels allaient. Je m’en suis énormément servi, car je trouvais intéressant d’avoir accès à ce que les autres pensent. J’étais aussi obsédée par la façon dont le Zeitgeist a infusé dans la pop culture pendant tant d’années, donc c’était vraiment un album Internet au plus haut degré.
L.H. : Pour le concert dans le désert qu’elle a donné il y a un an environ, il y avait un chat vidéo qui a été très vite rempli. J’ai réussi à avoir une place et je lui ai dit qu’à l’époque, je gérais un Tumblr pour elle. Elle a dit : « Oh mon Dieu, je sais exactement lequel c’était, tu es mon Tumblr préféré. » J’étais là en mode « Wow, tu es vraiment au courant de tout« . Je ne pense pas que les artistes soient obligé.e.s de répondre aux gens ou quoi que ce soit, mais j’ai juste trouvé ça vraiment cool.
C.B. : J’adore la photo où elle tient un fusil de chasse, comme si elle veillait durant la nuit. J’en ai une qui est accrochée dans mon couloir ; maintenant, elle protège ma maison.
Lors de sa sortie, Electra Heart a reçu un accueil mitigé de la part des critiques. Certains ont loué son contenu lyrique et sa production brillante ; d’autres n’étaient pas aussi favorables, le rejetant comme insipide. Pendant ce temps, la tournée 2012-2013, Lonely Hearts Club Tour, très suivie, a emmené Marina à travers l’Amérique du Nord et le Royaume-Uni, tandis que des singles comme « How to Be a Heartbreaker » et « Primadonna » ont cartonné à la radio et dans les charts du monde entier. La dichotomie entre le dévouement des fans et la réception tiède de la critique a créé une certaine tension interne chez Marina.
M.D. : J’espérais que les gens aimeraient cette fantaisie ou ce personnage que j’ai créé, et qu’ils aimeraient l’approfondir, parce qu’il y a tellement de couches. Je ne pense pas que cela corresponde vraiment à la réalité de ce que la presse a pensé. Je sais que, au niveau des fans, beaucoup d’entre eux étaient intrigués, et qu’ils l’aient aimé ou non, ils étaient intéressés. Mais pour ce qui est de la presse, je pense que les personnes qui ont chroniqué l’album et en ont parlé étaient d’une génération plus ancienne que la mienne et n’ont pas compris. Cela a provoqué beaucoup de sentiments négatifs en moi. Parce que, évidemment, pour n’importe qui dans l’œil du public, si vous êtes critiquée et que vous n’êtes pas vraiment habituée à cela, et si en plus vous êtes nouvelle, cela peut être assez difficile à vivre.
R.N. : Je pensais que toutes nos chansons avaient le potentiel pour devenir des hits, surtout au Royaume-Uni et en Europe où les chansons plus audacieuses passent à la radio.
M.D. : À l’époque, comme je recherchais délibérément le succès commercial et que cela faisait aussi partie de l’ironie du personnage que je créais, j’avais l’impression que si je n’obtenais pas ce genre de succès, ce serait en quelque sorte un échec. Ce qui est bizarre, c’est que je l’ai obtenu. J’ai été l’album numéro 1 dans mon pays. J’ai vendu plus d’un million de singles aux États-Unis. Tous les « marqueurs » habituels du succès étaient au rendez-vous, mais je ne le ressentais pas.
Étrangement, ce n’est que récemment, il y a peut-être deux mois, alors que j’étais en tournée aux États-Unis, quatorze ans après le début de ma carrière, que j’ai eu ce sentiment : « Oh, j’ai réussi. » C’était vraiment inattendu parce que ce n’était pas basé sur quoi que ce soit. C’était plus comme un sentiment interne d’être heureuse et satisfaite de ce que j’ai créé en quelque sorte. J’existe en tant qu’artiste, et je pense que c’est très différent de la façon dont j’aurais réagi sur Electra Heart. C’était plus basé sur une validation externe, je suppose, et sur l’opinion que j’avais de moi-même.
L.H. : Elle nous a donné des ballades, elle nous a donné des bangers, elle nous a donné une histoire cohérente à travers différents archétypes… C’est un album de cœur brisé, donc je pense que c’est un truc universel. Je ne pense pas que les critiques aient parcouru son Tumblr pour comprendre les archétypes et ce qu’elle essayait de dépeindre. Je pense qu’ils ont juste dit : « OK, il y a le son de The Family Jewels et il y a le son d’Electra Heart. Elle a vendu son âme. » Pour moi, c’était un album très réussi en raison de ce qu’elle voulait en faire. Je pense qu’elle a atteint son but.
C.K. : Marina était sur une trajectoire incroyable et elle s’est établie comme une artiste qui allait durer. Je crois qu’elle a dépassé toutes les attentes.
M.D. : L’industrie était vraiment différente à l’époque. Le simple fait de vouloir faire un disque de pop conceptuelle était analysé et critiqué comme un manque d’authenticité. Maintenant, beaucoup d’artistes ont la liberté de faire ce qu’ils veulent, et personne ne considère que ça va à l’encontre de leur authenticité. Je pense aussi qu’au niveau de l’infrastructure, on n’est plus obligé de passer par la radio. Il y a tellement de façons différentes de gagner sa vie en tant qu’artiste et d’avoir une fan base. C’est tellement mieux maintenant.
J’avais l’impression que si je n’obtenais pas ce genre de succès commercial, ce serait en quelque sorte un échec.
Marina Diamandis
Ce qui semblait autrefois le secret le mieux gardé de la pop est aujourd’hui en train d’exploser grâce à – tu l’as deviné – TikTok. Neuf ans après leur sortie, « Bubblegum Bitch » et « Primadonna » ont été certifiés respectivement or et platine par la RIAA en juin dernier, ce qui les a fait passer d’une modeste circulation sur une plateforme Internet à une autre, cette fois-ci à une échelle massive et mondiale. On peut dire sans se tromper qu’Electra Heart, bien qu’il soit un produit de son époque, conserve une sensibilité intemporelle. Et vraiment, peut-on faire plus pop que ça ?
M.D. : En 2019, « Hollywood » et « [I Am Not a] Robot » ont commencé à revenir à la mode, et puis il y a eu Electra, je pense que ça date de l’année dernière, mais je n’étais pas super présente sur TikTok. Donc j’étais juste en mode « Oh, c’est cool, peu importe”. Et puis je pense qu’au cours des six à huit derniers mois, j’ai réalisé que ça ne s’arrêtait jamais ! Ça continue encore et encore, et c’est un plaisir de voir ça. C’est une belle surprise qu’après dix ans, il ait trouvé une nouvelle vie.
Ce qui est bizarre, c’est que je n’apparais jamais sur ma page For You. Je n’ai jamais entendu aucune de mes chansons qui sont devenues virales sur TikTok sur ma propre page For You. C’est pas dingue ? (Rire.) Mes amis disent qu’ils me voient tout le temps, mais je ne me suis pas vue une seule fois. Peut-être qu’ils se disent juste « Pas besoin de pousser ses propres chansons sur sa page ».
R.N. : Je suis vraiment heureuse que « Bubblegum Bitch » ait une seconde vie. C’est fou qu’il soit devenu un tube pour Marina dix ans plus tard ! Il a maintenant plus de streams sur Spotify que ma chanson [avec Belinda Carlisle] « Heaven is a Place on Earth ». C’est un truc de fou.
M.D. : Je pense que c’est parce qu’elle exploite ce côté coquet, innocent, mais aussi sournois de la féminité auquel toutes les jeunes femmes et les personnes non-binaires peuvent s’identifier, ou du moins qu’elles peuvent observer et apprécier. Je pense que c’est un attrait intemporel. Peu importe comment sonne le morceau, je pense que les jeunes seront toujours séduits. C’est quelque chose que je n’avais pas envisagé jusqu’à cette année, mais je pense que c’est la raison pour laquelle ces deux titres [« Bubblegum Bitch » et « Primadonna »] ont eu un tel succès sur une plateforme comme TikTok. Ils sont ludiques et amusants et c’est ce qui caractérise cette application.
C.K. : Marina m’a définitivement inspirée dans ma façon de travailler avec d’autres artistes, pour leur donner les moyens d’être eux-mêmes et les aider à donner vie à leurs idées.
C.B. : J’ai été assez surpris que [les photos et les vidéos] soient devenues si cultes et qu’autant de gens en parlent encore. Je l’ai ressenti dans les années qui ont suivi la campagne. De nombreux fans m’ont contacté par le biais de mon site web ou des réseaux sociaux pour me demander de montrer davantage de vidéos et de photos. Les gens s’intéressent vraiment aux personnages qu’elle a dépeints et peuvent s’identifier à eux.
L.H. : Je suis allée à un concert en février, et les gens s’habillent encore comme les personnages d’Electra Heart. Il y avait une photo d’elle sur Tumblr avec une jupe plissée et un haut blanc, et j’ai vu quelqu’un la porter. Je vois encore des gens qui portent les nœuds de ruban rose dans les cheveux et le cœur sur la joue. C’est drôle, les images qui restent dans l’esprit des gens. Je pense que je l’écouterai dans dix ou vingt ans et que je serai toujours transportée à cette époque de ma vie, et que je me sentirai comme à l’époque.
M.D. : Je veux absolument rester connectée [à Electra Heart]. Je ressens beaucoup de joie quand je pense à l’album, ce sont vraiment mes fans, les anciens et les nouveaux, qui ont permis ce changement. Franchement, il m’a fallu un certain temps pour me sentir émotionnellement à l’aise avec cet album. La dureté de la réaction de la presse m’avait vraiment ébranlée ; honnêtement, il m’a fallu deux ou trois ans pour m’en remettre. Mais maintenant, j’ai l’impression que c’était il y a des lustres.