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Musique

Måneskin dans la peau

Les loud kids les plus glams du moment ont entamé une tournée mondiale pour fêter la sortie de leur nouvel opus Rush!, un 17 titres qui monte en puissance. Avec leurs ballades kitsch, leur pop-rock uptempo et leurs morceaux aux influences punk, Damiano, Victoria, Thomas et Ethan continuent à prouver que le rock’n’roll is here to stay.

Photographe : Fabio Germinario

Måneskin portent des tenues de scène faites sur mesure par GUCCI ainsi que leurs vêtements personnels

En début d’année, les quatre Måneskin célébraient leur “mariage” lors d’une cérémonie organisée par Spotify à Rome pour la sortie de « Rush! », un album sans répit, puissant et ludique, qui continue à bâtir leur légende sur les fondements déjà bien solides de leur dernier album, Teatro d’Ira – Vol. I. Sur une scène, face à Alessandro Michele, l’ex-directeur artistique de Gucci qui faisait office de prêtre, Ethan Torchio (la mariée) embrassait Damiano David (le marié), puis Victoria De Angelis (la seconde mariée), puis Thomas Raggi (le second marié), qui ont continué la procession d’embrassades incestueuses avant de lancer tour à tour un bouquet de marié.e dans la foule. Une performance parfaitement en ligne avec l’esthétique théâtrale de ce groupe de rock romain qu’on adore, avec leur éclectisme musical, leurs clins d’œil délibérément iconoclastes et leur fluidité décomplexée qui défie les clichés genrés. 

Ce qui est génial, c’est qu’en plus d’avoir rendu le “groupe de rock” à nouveau désirable pour le grand public d’aujourd’hui – un concept qui était depuis une bonne décennie tapi dans l’ombre de la pop mainstream et figé dans un imaginaire construit sur les codes d’une masculinité toxique –, Måneskin a contribué à la déconstruction des totems machistes, misogynes et impérialistes du rock en prônant une masculinité et une féminité fluides, plurielles et vulnérables, tout en apportant un contrepied très dolce vita, populaire et flamboyant à une culture rock protestante qui se prend souvent trop au sérieux. 

S’il y a bien quelque chose qu’on ne peut donc pas faire, c’est ranger Måneskin dans une case et Rush! le démontre : sur “Kool Kids”, le titre punk façon Camden de l’album, Damiano vocifère “We’re not punk, we’re not pop, we’re just music freaks” confirmant qu’il est difficile d’étiqueter avec précision les influences musicales de Måneskin, et ce depuis ses débuts. Des influences qui vont d’Arctic Monkeys et Queens Of The Stone Age à Britney Spears et Rosalía en passant par The Four Seasons et la chanson italienne, à l’image d’une nouvelle génération qui vit à l’ère du streaming musical post-genre, où l’on revendique ses coups de cœur musicaux sans se vanter d’une appartenance à une tribu ou un genre musical en particulier. 

Rush! est ainsi à l’image du rock non genré et je-m’en-foutiste de sa propre génération – au grand dam de certains journalistes musicaux qui continuent à remettre en question la légitimité rock des Måneskin, malgré les preuves que le groupe a apportées en faisant la première partie de la tournée américaine des Rolling Stones ou en collaborant avec des légendes du rock telles qu’Iggy Pop et Tom Morello, sans parler de leur reprise de “If I Can Dream” d’Elvis Presley pour la bande originale du film de Baz Luhrmann – et bien évidemment de leurs propres morceaux et performances scéniques qui, à ce rythme, vont sans doute leur valoir une nomination au Rock & Roll Hall of Fame un jour. Ce que j’ai envie de dire à ces détracteurs, c’est simplement : OK boomer, you’re missing the point, in Måneskin we trust, parole de fan avérée ! Avant qu’ils entament leur tournée, j’ai eu la chance de rencontrer Damiano, Victoria, Thomas et Ethan à Paris pour parler de Rush! of course, mais aussi de leur parcours fulgurant. Cette interview t’est donc dédiée, fan de Måneskin qui lit ces mots. Enjoy ! 

Parlez-nous un peu de l’évolution de votre musique. Quelles différences y a-t-il entre vos premiers albums et celui d’aujourd’hui ?

Damiano : Si tu écoutes cet album et que tu le compares aux autres, tu peux entendre que dans les précédents, nous voulions toujours trouver un terrain musical commun. Avec Rush!, nous avons décidé de laisser chacun d’entre nous prendre le lead, donc tu peux vraiment entendre et sentir les différentes idées musicales que nous avions tous les quatre pour cet album. 

J’ai l’impression que vous passez par trois registres de chansons sur cet album : des chansons rock & pop rythmées, des chansons expérimentales et des ballades mélancoliques. Pouvez-vous m’en dire plus sur la façon dont votre musicalité s’articule ? 

Thomas : Quand tu écoutes l’album, tu peux vraiment capter les goûts et l’identité de chaque membre. Musicalement, j’ai beaucoup évolué à la guitare et perfectionné ma façon de jouer, notamment grâce aux belles collabs et featurings qu’on a pu faire. Le fait de jouer et d’enregistrer avec une icône de la guitare comme Tom Morello (guitariste historique de Rage Against The Machine, ndlr) m’a permis d’entrer dans un échange musical inspirant autour de l’expérimentation des pédales et des effets spéciaux. Et bien évidemment, le fait d’être constamment en tournée nous a permis d’évoluer avec nos instruments. 

Victoria : Quand on tournait moins, on pouvait se permettre de travailler sur nos instruments en solo, alors que depuis qu’on enchaîne les tournées et la promo, on est dans une dynamique de groupe. On pourrait croire qu’on se perfectionne moins bien comme ça, mais au contraire, je trouve que cela nous permet d’avoir une meilleure synergie musicale. Les tournées sont fucking inspirantes ! 

Avez-vous rencontré des difficultés pour composer et terminer cet album ? Ça ne doit pas être simple de devoir se montrer créatif pour produire quelque chose d’aussi important pour vous, tout en étant constamment dans le rush justement…

Damiano : En fait, c’était à la fois une chose positive et négative, parce qu’être dans le rush, bien sûr, c’est stressant et ça enlève beaucoup de temps au processus d’écriture, mais en même temps, ça te garde en vie et ça te stimule et ça te permet de puiser beaucoup d’inspiration dans ce que tu vis au quotidien. Toutes ces nouvelles expériences ont finalement facilité l’écriture de la musique une fois qu’on a eu l’occasion de se poser. 

Victoria : Je pense que pour n’importe quel groupe, de rock ou d’autre chose, c’est toujours un challenge de trouver le juste milieu entre les goûts de chaque membre et de faire ressortir cela de manière impactante au sein d’un album. En trois mois d’enregistrement, on s’est mis en huis clos nuit et jour dans une maison et on a testé plein de choses différentes – au point d’avoir facile une quarantaine de chansons qu’on ne sortira sans doute jamais… Mais on s’est beaucoup amusé à le faire et à finaliser des chansons qu’on aime tous les quatre – sauf Ethan qui n’était parfois pas raccord avec nous autres. (Rire de Victoria ; Ethan lève les yeux au ciel.) Contrairement à l’enregistrement de Teatro d’Ira, où on était tranquilles à Rome, sur cet album, on était toujours en vadrouille entre plusieurs pays – voire continents – pour la tournée et la promo, donc c’était un plus gros challenge de composer dans ces conditions.

Quelle est votre chanson préférée de Rush! à jouer sur scène ? Et celle que vous avez le plus aimé enregistrer ou composer ensemble ?

Victoria : Pour ma part, j’adore “Kool Kids” et “Bla Bla Bla” qui sont bien rythmées.

Thomas : En ce qui me concerne, c’est une de nos chansons italiennes, “Mark Chapman” et “Gossip” avec Tom Morello, ainsi que “Don’t Wanna Sleep”.

Ethan : Pour moi, c’est “Kool Kids” et “La Fine”, celle-ci parce que j’adore la longue partie purement instrumentale de la fin.

Damiano : Ma chanson préférée à jouer est “Don’t Wanna Sleep”, nous l’avons jouée lors des répétitions de la tournée, et elle est très fun. Et ma chanson préférée de l’album est “If Not for You” parce qu’elle a quelque chose de magique. Pendant les sessions d’enregistrement, quelque chose s’est produit qui m’a fait m’y attacher particulièrement, donc c’est une chanson très spéciale pour moi.

Depuis le début de vos carrières, vous déjouez et détournez les clichés liés au genre mais aussi les clichés du rock. Par exemple, vous dites souvent “Fuck to drugs” dans vos interviews et dans vos chansons. Pensez-vous qu’il est grand temps que les rock stars se débarrassent de ce vieux cliché du “sex, drugs and rock’n’roll” et de la masculinité toxique qui y est attachée ?

Ethan : Avoir un certain niveau de célébrité et être écouté.e.s par tant de personnes nous donne beaucoup d’énergies positives, mais nous responsabilise également par rapport aux messages qu’on véhicule. On est toutes et tous égaux, toutes et tous des humains au même niveau, même si le capitalisme voit les choses autrement, nous voulons véhiculer des messages sociaux et politiques qui réagissent à une toxicité encore prédominante dans l’industrie musicale ou à la violence dans ce monde en incitant à la paix (comme sur “Gasoline”, une chanson anti-Poutine en réaction à la guerre en Ukraine sur l’album, ndlr ). Ce sont des messages qui nous tiennent à cœur et qui nous permettent d’avoir une conversation indirecte et importante avec celles et ceux qui nous écoutent.

Victoria : Je sais que c’est cliché de dire ça, mais on veut inciter les gens

à cultiver de l’empathie envers eux-mêmes et envers les autres, et surtout à être fan de soi-même, à rester authentiquement toi-même quand ton entourage va à contre-courant de tes convictions. Quand j’étais plus jeune, j’ai grandi dans un quartier plutôt conservateur de Rome, et jouer de la basse en admirant David Bowie et son alter ego Ziggy Stardust m’a vraiment donné la force et le courage de dire fuck à tout ce qui me retenait d’être moi-même. Même si les gens te prennent pour un weirdo, tu t’en fous.

Damiano : J’ai souvent dit “Fuck to drugs” parce que je trouve assez stupide que les gens continuent de se dire que parce que nous jouons de la musique rock, nous sommes accros aux drogues. Il faut cesser de juger les artistes au premier degré.

Que diriez-vous à votre jeune moi maintenant que vous avez réussi en tant qu’artistes ?

Thomas : De faire exactement ce que j’ai fait, sans aucun regret. Ces dernières années, on a grandi énormément en tant que membres du groupe, en tant qu’ami.e.s, en tant que famille et en tant que musiciens. Donc je dirais à mon jeune moi de ne rien changer et de faire exactement la même chose, et surtout de le faire pour lui.

Victoria : Je me dirais de m’écouter moi-même et pas les autres et de toujours penser à faire ce que je considère bon pour moi et pour mon groupe, parce que tous les gens avec lesquels tu travailleras dans l’industrie musicale vont vouloir te juger ou te dire comment faire les choses ; or, on ne peut pas plaire à tout le monde et c’est justement une différence à cultiver plus qu’une chose dont tu dois avoir peur. Je sais que c’est plus facile à dire qu’à faire, car on est tous.tes influençables, mais ça en vaut la peine.

Damiano : Je dirais à mon jeune moi de ne jamais oublier de continuer à s’amuser en faisant ce job, parce que c’est le plus beau métier du monde, même s’il peut être exténuant par moments.

Ethan : Je lui dirais d’écouter les autres, mais pas trop. Les opinions extérieures sont importantes, mais la tienne l’est encore plus. Il faut trouver son propre équilibre.

Allô Måneskin ? 

Nos questions de fan au groupe de rock le plus iconique du moment. 

Est-ce que vous avez déjà rencontré un.e fan qui a fait quelque chose de particulièrement surprenant pour vous ? 

Victoria : Oh, il y en a tellement de cool et de fun ! Je m’en souviens d’une, après un concert en Suède, juste après notre performance à l’Eurovision. On rentrait en van après notre concert et une fan ultra-déter s’est lancée dans une course-poursuite du van sur sa trottinette électrique, mais genre sur une route bondée de voitures, pas une autoroute mais presque ! (Rire.) Elle a persévéré jusqu’à l’arrivée à notre hôtel et en sortant du van, on pensait qu’elle allait juste vouloir un hug, ou nous demander une photo ou un autographe. Mais elle a sorti un pistolet à tatouage et a crié : “Tatouez-moi, tatouez-moi !” Elle était crazy mais iconique. 

Thomas : Absolument iconique, on l’aime ! 

Qu’est-ce que vous faites dans votre temps libre pour chiller et vous relaxer ? 

Victoria : Ethan joue toujours aux échecs ! 

Ethan : Ça me détend beaucoup et c’est vraiment cool. Un bon verre de vin et une partie d’échecs. Je joue depuis que j’ai 8 ans, je ne suis pas particulièrement bon mais ça me plaît. 

Victoria : Ne fais pas le mec faussement humble, Ethan ! (Rire.) L’autre jour dans le bus, il se vantait d’avoir gagné dix matchs à la suite et d’être le meilleur ! (Rire.) 

Thomas : T’es au top du ranking de toutes les compétitions que tu fais ! Un jour, tu nous lâcheras pour devenir champion d’échecs ! (Rire.)

Ethan : OK, OK, oui, sur une compétition d’échecs à laquelle j’ai participé, j’étais en effet le premier sur 50 000 personnes, mais juste pendant un mois. Je peux faire mieux ! 

Est-ce que vous allez sortir un best of de vos chansons italiennes un jour ? 

Victoria : Je ne pense pas. On a commencé à écrire en anglais avant d’écrire des chansons en italien. Et puis on s’est fait un peu tirer les oreilles par nos fans italien.ne.s qui voulaient bien évidemment avoir des chansons en italien, et depuis, on fait les deux tout naturellement, même si l’on sait que parmi les fans hardcore, il y a des gens qui apprécient plus nos chansons italiennes. Mais peu importe la langue dans laquelle on chante, l’important, c’est que nos fans ressentent notre musique et qu’elle les touche.

Quel est l’album que vous écoutez en boucle en ce moment ?

Thomas : Songs for the Deaf de Queens Of The Stone Age, encore et toujours. Je suis complètement accro à cet album depuis toujours.

Victoria : Favorite Worst Nightmare d’Arctic Monkeys. Cet album ne me fatiguera jamais !

Ethan : It Was Written de Nas.

En tournée, qui est la diva, qui est le clown de service, qui est le plus chill, et qui est le fêtard ?

Victoria : La plus grande diva sera toujours Damiano, mais il n’est pas là pour se défendre ! (Rire.) Le mec le plus chill : Ethan, of course. Thomas est celui qui nous fait le plus rire, et moi, la vérité, c’est que je suis la seule des quatre qui tient encore debout au petit matin après avoir fait la fête !

Journaliste : Elisabeta Tudor
Photographe : Fabio Germinario

Talent : Måneskin (Ethan Torchio, Damiano David, Victoria De Angelis & Thomas Raggi)

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