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Love letter à Lady Gaga

Alors que le Chromatica Ball s’apprête à ouvrir ses portes au Stade de France, mon monde ne tourne plus autour du Soleil mais de Stefani Germanotta. Voila ce que j'attends de ma retrouvaille entre Little Monsters.

En 2009, ma vie a basculé le jour où je me suis rendu à mon premier concert : le Monster Ball de Lady Gaga. J’avais 13 ans et, depuis la sortie de “Just Dance”, j’étais en boucle. Intrigué, fasciné par ce personnage hors du réel dont l’envergure semblait annoncer un changement imminent dans la pop culture. Au fil de ses sorties – “Poker Face”, “LoveGame”, “Paparazzi”, “Bad Romance”… –, l’impression ne faisait que se confirmer. Pour la première fois, j’avais la sensation d’être face à une jeune artiste déterminée à bousculer nos préjugés et à apporter un véritable regard sur la nature de notre époque : le progrès technologique, le tabou de la sexualité féminine, la mode, la quête de célébrité, notre fascination parfois toxique à l’égard du star-system… Pour un gamin de ma génération passionné par la pop culture, Lady Gaga était une révolution, un emblème.

À l’époque, tout le monde n’était pas vraiment de mon avis… Beaucoup ne voyaient en elle qu’une simple excentrique promise à une carrière éphémère. S’afficher comme fan de Lady Gaga, c’était souvent la promesse d’essuyer quelques remarques méprisantes, homophobes voire complotistes : “Ah ouais, t’écoutes ça, toi ?” / “Lady Gaga, c’est juste une pop star américaine débile” / “Pff, c’est de la musique de pédé” / “Non mais tu ne vois pas que c’est un coup des satanistes illuminatis !” Aveugles à l’aspect métaphorique de son personnage – ou effrayés par l’affirmation amazoniaque de sa sexualité –, peu réalisaient qu’elle composait et écrivait elle-même sa musique, en plus de concevoir toute son imagerie en compagnie de son collectif, la Haus of Gaga. Peu réalisaient, surtout, sa détermination à laisser son empreinte sur le monde et à quel point son arrivée avait, pour tous les Little Monsters, un goût de providence.

Safe space et grand spectacle

Mais en vérité, j’étais loin de m’imaginer l’ampleur du spectacle qui m’attendait. Peut-être que les critiques avaient raison et que le show ne sera pas à la hauteur de mes espérances. Mais j’y croyais si fort que j’ai décidé de camper aux portes du Palais omnisports de Paris-Bercy, en plein mois de décembre, sous une tempête de neige si violente que je me suis réveillé au petit matin avec une couche de dix centimètres de poudreuse au pied de ma tente. La veille, mon amie et moi avions passé la soirée avec d’autres fans hardcore prêts à affronter le froid. J’étais encore trop jeune pour réaliser ce qui me liait à tous ces gens mais, pour la première fois de ma vie, j’avais le sentiment d’avoir trouvé une famille de cœur. Des personnes qui, chacune à leur manière, avaient fait le choix d’embrasser toutes les couleurs de leurs identités, et représentaient un espoir pour le préadolescent assoiffé de liberté que j’étais.

Le premier exploit qu’a réalisé Gaga avec son Monster Ball, c’était ça : réunir un public qui partageait son goût pour l’anticonformisme et l’imagination. Plus qu’une simple queerbaiteuse, elle cherchait à réunir une communauté à son image pour lui offrir un véritable safe space à grande échelle. Dans toute sa composition, le Monster Ball était pensé comme un rite initiatique de libération pour celles et ceux qui, comme elle, se sentaient trop à l’étroit dans les codes de notre société.

Après quinze minutes de show intense, elle détaillait son approche : “J’ai créé le Monster Ball afin que mes fans aient un endroit où se rendre. Un lieu où tous les freaks sont de sortie et dont j’ai fermé les putains de portes ! Peu importe qui tu es, d’où tu viens ou combien d’argent tu as dans la poche car ce soir, et tous les autres soirs, tu peux être qui tu veux.” Plus tard, elle poursuivait : “Ce soir, je veux que vous oubliiez toutes vos insécurités, que vous rejetiez quiconque vous a jamais fait ressentir que vous n’étiez pas raccord, pas à votre place, pas assez joli.e, assez fin.e, ou que vous ne pouviez pas chanter ni danser suffisamment bien, ni écrire une assez bonne chanson, gagner un Grammy ou jouer à guichets fermés. Souvenez-vous seulement que vous êtes une putain de superstar et que vous êtes born this way !”

Plus tard, calmement assise au piano, elle se confiait sur son adolescence à New York, le harcèlement dont elle avait été victime dans son lycée huppé de l’Upper East Side et les difficultés qu’elle rencontrait en tant que femme artiste. Au premier rang, alors que je découvrais pour la première fois la Stefani qui se cachait derrière Gaga – cette femme de 1,55 m à peine plus âgée que moi – et comprenait le combat qu’elle menait afin de m’offrir un tel spectacle, je réalisais ce qui m’attirait vraiment chez elle. Si sophistiquée et impressionnante soit Gaga, Stefani, elle, était une personne comme nous. En la voyant réaliser son rêve de se tenir là, au milieu de milliers de fans extatiques en dépit de tous les obstacles sur son chemin, tout était plus clair : certes, je n’étais pas tout à fait comme les autres – et le monde ne se priverait pas de me le rappeler –, mais rien ne m’empêchait de réaliser mes rêves si je trouvais la force de me battre, de travailler et de rester fidèle à moi-même. Si Lady Gaga l’avait fait, pourquoi pas moi ?

Depuis, treize années ont passé et, alors que j’écris cet article et m’apprête à la voir pour la seconde fois, je réalise le temps précieux que m’a fait gagner le Monster Ball dans l’affirmation de ma personnalité et ma quête professionnelle. En sortant du concert, mon objectif était fixé : devenir journaliste, retranscrire avec justesse la parole des artistes, permettre au public de mieux les comprendre et défendre, à ma façon, le même message de compassion et de liberté.

Dans toute sa composition, le Monster Ball était pensé comme un rite initiatique de libération pour celles et ceux qui, comme elle, se sentaient trop à l’étroit dans les codes de notre société

Monster Ball 2.0

Si je pense autant au Monster Ball aujourd’hui, c’est que les premières images de sa nouvelle tournée en ravivent les souvenirs. Avec son approche théâtrale et son inspiration brutaliste, le Chromatica Ball traduit un retour inattendu à l’esthétique et l’ambition des débuts de mon idole. Inattendu car, après tout, Gaga a bien changé en treize ans. Après avoir atteint le sommet pendant l’era Born This Way, son album ARTPOP ne suscite pas le même engouement et révèle des failles dans son entourage. Déjà fragile, elle sombre dans la dépression en 2013, expliquant au magazine People : “En me réveillant le matin, je réalisais que j’étais Lady Gaga et cela me rendait triste. Je n’avais plus envie d’être moi.” Après s’être séparée de Troy Carter, son manager historique, Gaga s’accroche et opère un virage radical.

En 2016, elle conquiert un nouveau public avec Joanne, un cinquième album sur lequel elle tombe le masque et révèle la femme cachée derrière le personnage. Dans la foulée, Bradley Cooper l’engage pour jouer le rôle principal de son film A Star Is Born. L’occasion pour elle de réaliser le premier de tous ses rêves, être actrice, et prouver tout son talent à celles et ceux qui refusaient encore de le voir. En signant la bande originale du film, elle offre certaines de ses chansons les plus intemporelles— “Shallow”, “Always Remember Us This Way”, “Look What I’ve Found” – et s’affirme définitivement comme songwriter d’exception. En s’éloignant de Lady Gaga, Stefani se rapproche d’elle-même et redynamise sa carrière.

Au fil des années, j’aurai donc vu Gaga se battre contre le harcèlement, le mépris de l’élite culturelle, ses addictions, sa dépression, sa fibromyalgie, l’échec et la pression du succès… Et alors qu’elle n’a jamais été aussi populaire, enfin reconnue par le grand public pour l’ensemble de ses talents, je pensais que Mother Monster était partie pour de bon. Mais les images ne trompent pas. Après être partie en croisade pour obtenir la reconnaissance du grand public et de ses pairs, Stefani Germanotta signe avec le Chromatica Ball le retour d’une Lady Gaga raffinée, une déclaration d’amour vibrante aux Little Monsters qui ont toujours cru en elle. Après la première date, elle publiait sur Twitter : “Je vous aime tous tant, je n’oublierai jamais : je suis un ‘Monster’ pour toujours et même les monstres peuvent guérir.”

Longtemps moquée, sous-estimée, Stefani Germanotta s’est battue avec sa chair, sa plume et son sang pour faire valoir son talent d’auteure, compositrice, interprète, actrice, et porter, aussi loin que possible, sa vision d’un monde qui ne laisserait aucune place au jugement – lui préférant l’amour et l’éclat saturé de nos différences. Un être humain aux radiations surnaturelles dont le courage et la créativité auront su faire taire les prédicateurs patriarcaux, les mondains, les cool kids… Tous ces gens à l’allure rigide qui portaient sur elle – et sur nous – leurs regards méprisants. Ce long chemin de croix, le Chromatica Ball en serait la traduction symbolique, comme l’analysait un fan dans un tweet validé par Gaga herself.

En trouvant la force de croire en elle-même, Stefani Germanotta a offert à tous.tes ses semblables la force de croire en eux également. Serais-je la personne que je suis aujourd’hui si, tout au long de sa carrière, elle ne s’était pas battue pour prouver que l’on peut venir à bout de tout ? Plus qu’une simple tournée, le Chromatica Ball est une véritable revanche sur la vie. La sienne, la mienne, la nôtre. Une revanche que nous célébrerons tous.tes ensemble dimanche soir car le temps est venu de remercier Maman. Et n’oubliez pas, Little Monsters : “It’s not a tour, it’s a ball”, so be loud and proud !

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