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Le retour de la school girl : symbole de girl power ?

L’articulation chemise blanche et jupe plissée is making a come-back. Cet uniforme d’éternelle femme-enfant peut-il être en adéquation avec your feminist fight ?

Minijupe, chaussettes hautes et pull Jacquard chez Ami par Alexandre Mattiussi, ou ballerines vernies à bouts pointus et barrettes dans les cheveux signées Chanel : la silhouette d’écolière envahit les campagnes de mode de la saison hiver 2023 et le hashtag #Backtoschool comptabilise plus de 16,4 milliards de vues sur TikTok.

Personnage familier, vu et revu dans les teen soaps et clips de la pop culture, la school girl se métamorphose de podium en podium, articulant ses parures à des codes masculins ou underground. Elle se dote d’un petit twist dominatrix en cuissardes et cuir chez Coperni. Elle joue sur le fil masculin/féminin avec ces caleçons de satin dépassant d’une ultra-minijupe portée avec des ballerines chez Miu Miu. Ses uniformes sont déconstruits, avec un Hampton style mâtiné de notes gothiques chez Rokh. Déjà-vu tu dis ? Think again : la school girl s’hybride avec différents univers. Une souplesse qui lui permet d’atteindre le top des tendances sur TikTok.

Et c’est sans doute car il raconte des univers pluriels et parfois contradictoires que l’uniforme school girl m’attire. Il m’accompagne depuis plusieurs décennies dans ma réflexion sur le regard porté sur le corps et le désir alors que je ne l’ai jamais enfilé : let me tell you why.

Déjà, je n’ai jamais été obligée de le revêtir pour me rendre en classe. D’emblée, c’était un accessoire mode irréaliste car loin de mon quotidien d’écolière hexagonale. Dans la classe se dessinait un paysage bigarré de différentes silhouettes entre Air Max & chemise dragon ou pull Lacoste & chaussures bateau. Un drôle de folklore collégien dans lequel je me suis égarée à travers diverses expérimentations. Parfois, j’aurais préféré ne pas avoir le choix et adopter une jupe plissée et un blazer à écusson mais la boarding school culture restait cloisonnée dans l’écran de télé.

Paradoxalement, je percevais cette panoplie enfantine comme le symbole d’une ultraféminité des plus adulte que je ne pouvais pas atteindre. Je la voyais sur Britney Spears dans “Baby One More Time” avec, sous ses airs d’écolière naïve, sa chemise nouée au-dessus du nombril ; je partageais ses tourments amoureux alors que mes relations romantiques se limitaient encore au partage de Choco BN. C’était le vêtement que j’associais à Cher Horowitz dans Clueless, elle qui passait sa vie à faire du shopping armée de son téléphone sans fil. 

Important fact : dans le film, le dress code scolaire n’était pas imposé, mais le résultat d’un choix avisé (on la voit choisir sa tenue le matin au milieu de milliers d’autres options moins connotées). Il permettait à Cher de se présenter sous des signes girly pour négocier telle une adulte with her daddy.

La school girl sexualisée

Alors, le school outfit, une weapon of power ? En tout cas, à la télé, il n’était pas le symbole de la discipline, mais celui d’héroïnes qui semblaient s’affranchir des règles. Mais en grandissant, je constatais que tout ce game comportait un big obstacle IRL : la construction patriarcale du désir dans la société occidentale. Je m’explique : porter des minijupes et des socquettes à rainures sexualise d’emblée le corps féminin pour le faire entrer dans un fantasme de type Lolita. You know le roman écrit par Nabokov dont la formule aura été reprise et adaptée par Gainsbourg et autres hommes cis blancs pour mettre en scène des jeunes filles. Leurs fantômes rôdent et justifient une culture où jupe means sex. Un raccourci validé par Playboy, qui lance en 1983 son supplément College Girl en assimilant étudiante/écolière et sexualité débridée. Si mon corps mince, validant des critères de beauté hégémoniques, me permettait de jouer la lolita à 15 ans passés, est-ce que j’étais une simple poupée piégée dans un conte patriarcal ?

Alors on rétrograde ? Historiquement, la sexualisation de la school girl s’inscrit dans des registres érotiques hétéronormés orchestrés par des hommes pour d’autres hommes adultes. Le personnage rapporte gros. Et il est rarement perçu comme une bonne chose dans le féminisme old school qui y décèle l’acceptation d’une passivité féminine – sans imaginer les détournements potentiels.

Freinée par ces récits toxiques, je n’ai jamais tenté l’expérience, même pour Halloween alors que mes copines n’hésitaient pas à le porter – and don’t be mistaken : ce n’était pas automatiquement pour séduire le BG ténébreux du lycée. Juste pour s’amuser, se préparer, avoir du temps pour soi, entre filles, une bulle loin du regard hétéronormé, encore fantasmé comme la seule modalité de désir valide. A kind of everyday feminism.

A la base, l’uniforme scolaire est pensé pour être hors du temps et donc hors de la mode, comme une forme de standardisation visant à effacer les différences sociales et économiques entre les élèves. ll est de rigueur dans les pays anglo-saxons mais aussi au Japon ou en Corée du Sud. En France, il n’a jamais été obligatoire et s’efface définitivement du paysage scolaire après les révoltes étudiantes de mai 1968. Très vite, il entre dans l’imaginaire collectif sous la forme d’un accessoire érotique habillant la pin-up, avant de devenir petit à petit l’uniforme de la tentatrice enfantine.

En 1965, Anna Karina porte un blazer, une jupe écossaise et des nattes roulées en macarons dans Pierrot le fou où elle incarne Marianne, la femme-enfant qui rendra Pierrot “fou”. À la même époque, Sheila chante que l’école est finie, couettes bombées, chaussures vernies, chemisier col Peter Pan. Elle devient un sex-symbol en pleine révolution juvénile, inspirée par les chanteuses américaines et anglaises. C’est le début de la culture adolescente.

La school girl détournée

Dans la littérature féministe, cette figure performant la jeunesse n’est pas donc vue d’un bon œil, car assignant la femme à un état de perpétuelle innocence (souvent associé à la blancheur, d’ailleurs…) et ayant un accès limité aux espaces de pouvoir et donc à la possibilité de prendre des décisions. En 1949, Simone de Beauvoir expliquait dans Le Deuxième Sexe qu’associer féminité et enfance éloignait les femmes du monde “adulte” et prolongeait leur dépendance vis-à-vis des hommes.

Le récit de la school girl et celui de la femme-enfant s’entremêlent régulièrement, mais Morna Laing, dans son ouvrage Picturing the Woman-Child: Feminism, Fashion and the Female Gaze, montre que c’est plus compliqué que cela, qu’il existe des limitations, et que certaines féminités sont exclues de ce récit. Elle rappelle que la femme enfantine ne peut pas être seulement analysée par le prisme des rapports de pouvoir femme/homme. Il faut aussi prendre en compte les différences entre les femmes et leurs expériences. En effet, le personnage de femme-enfant n’a pas le même sens partout et n’offre pas les mêmes horizons selon sa classe sociale, sa sexualité, son pays d’origine… 

Là-dessus arrive la troisième vague féministe, celle nourrie d’héroïnes pop affirmant leur désir et réclamant la construction d’une sexualité à rebours du male gaze, qui m’apprend qu’un même costume peut avoir plusieurs significations. Des chanteuses de t.A.T.u. s’embrassant sous la pluie en uniforme catholique à Megan Fox dévorant (littéralement) les hommes en jupe plissée dans Jennifer’s Body (réalisé par Karyn Kusama, une féministe revendiquée), ces héroïnes racontaient de nouveaux fantasmes – mais n’échappaient pas aux critiques et au slut-shaming. Car ces personnages, si elles sont aussi naughty qu’un calendrier de routier, sont réécrits en détournant les vieilles storylines patriarcales à leur avantage. Sugar daddy is dead, it’s time to rise and shine.

L’uniforme d’écolière trouvera une place de choix chez les punks, porté avec un Perfecto en cuir et des Dr. Martens qui remplacent les Mary Jane vernies. Dans la décennie 1980, la school girl dépasse la dichotomie naughty/nice pour se lier à d’autres modes, grunge ou goth notamment. Elle s’insère dans de nouveaux mondes underground où les rapports de genre et sexe se construisent de façon nouvelle.

 

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Pour l’historienne de la mode Rebecca Arnold, ces filles créent la confusion en associant un maquillage marqué avec des éléments enfantins. Elles sèment la panique chez les médias conservateurs et leurs références à l’idéologie punk permettent de déstabiliser les commentateurs, comme l’a montré Courtney Love en associant l’uniforme school girl à l’esthétique cocaïne chic dans les 90’s.

L’autre grande évolution pour la school girl, c’est l’arrivée en force du Japon dans le game avec la mode du kogal, qui propose de sortir l’uniforme de l’école. Ces adolescentes japonaises en uniforme deviennent un véritable phénomène au début des années 1990. Langage grossier, poses suggestives, jupes raccourcies, écharpes Fendi ou Burberry, lunettes de soleil, cheveux décolorés et sacs de designer, elles articulent symboles de luxe et traditions locales, marqueurs enfantins et adultes : un remix des codes reflet de la wild web culture.

 

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La school girl is back

Aujourd’hui, l’uniforme est de retour, habillant des corps juvéniles dans le reboot de Gossip Girl ou dans la série de Netflix Elite. Il fait le succès de Kenzo en version preppy, hybridé au workwear ou encore chez Thom Browne dans des versions décalées et non binaires. Et son ombre se devine sur les podiums de mode.

Pour Morna Laing, professeur en Fashion Studies à la Parsons Paris, “ce qui a changé depuis le début des années 2000, c’est la diversité des modèles portant de tels looks. Dans le défilé Miu Miu, on trouve des modèles non binaires (comme Maty Drazek, qui utilise les pronoms they/them) ainsi que des modèles de couleur (comme Anyiel Majok et Diana Achan). Cette situation peut être mise en contraste avec celle des années 1990 et le début des années 2000, où la féminité enfantine était très blanche et cisgenre, avec la présence persistante de ‘l’enfant des rues’ incarnée par des modèles comme Kate Moss. Le début des années 2000 a vu une vague de féminités enfantines du même type, avec la montée en puissance de mannequins russes comme Sasha Pivovarova et Natalia Vodianova, qui ont incarné des femmes enfantines dans le travail de photographes comme Tim Walker et Mario Testino.”

Si elle regrette l’uniformisation des tailles et des silhouettes androgynes, Morna Laing trouve intéressant “le travail des stylistes et des rédacteurs pour renouveler la figure. Je prends l’exemple de Shay Mitchell posant enceinte pour Numero Netherlands en crop top et minijupe, dévoilant son baby bump. C’est assez subversif, en défiant l’idée de la maternité asexuée. C’est un look qui joue avec le sens.”

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