Quand le militantisme devient modeux
Au taquet sur les questions identitaires et le droit des femmes, sur les rambardes des manifestations, et au front quant aux questions écologiques, rien d’étonnant à ce que la jeunesse cristallise les nouvelles obsessions des marques. Valentin Etancelin, journaliste culturel et mode au HuffPost, décrit cette ambiguïté : “Plus connectée que jamais, la Gen Z est aussi sensible aux questions qui ont trait à la santé mentale et à l’écologie qu’à la mode et aux tendances grâce à l’ultraconnexion. Ce qui en fait une cible parfaite.” Parce que la Gen Z est allergique à la notion de genre, le marketing s’immisce dans ce combat et se pose alors la question des washings. Traduction ? La récupération d’un mouvement pour le rendre le plus lucratif possible.
Prenons l’exemple du terme “queer”, que la mode a décidé d’exploiter au maximum, quitte à y laisser des plumes : “S’il s’agissait d’une insulte à l’origine, le mot queer est aujourd’hui plus populaire que jamais. Mais mettre Harry Styles, cisgenre blanc, en une, le tout en jupe, c’est en réalité un pinkwashing. Embrasser une masculinité décomplexée ? On assiste en réalité à l’invisibilisation des codes de la communauté gay, c’est-à-dire reprendre les emblèmes des communautés marginalisées et les vider de leur connotation politique. Le marketing voit dans cet acte un outil infaillible, mais sûrement pas les concerné.e.s qui risquent leur vie en se vêtant comme tel”, souligne le journaliste.
Et cette réappropriation des codes du militantisme ne s’arrête pas là. La pop culture et les médias se sont fait les avocats de ces nouvelles formes d’activisme, quitte à en dénaturer l’essence. La sociologue et journaliste Alice Pfeiffer analyse cette réappropriation des mouvements minorés : “En gros, c’est de l’inclusivité/diversité washing. Il faut faire attention au militantisme du dimanche. La tendance woke a généré sa propre tendance néolibérale : on te vend ta propre rébellion avec le package valeur, appartenance… Quand certaines marques sortent des t-shirts engagés avec slogans, on a du mal à s’enthousiasmer.” Moralité ? Toujours remettre en perspective son engagement et ses certitudes car la limite est parfois poreuse entre les intentions et la réalité.
Alors, si l’on salue le militantisme, attention à ne pas confondre les combats. Le monde de demain est-il réellement meilleur ? Bon, j’avoue, j’ai pas la réponse à la question. Alors oui, on te comprend, pas facile de garder le smile avec toutes les dernières news mais en vrai, à bien y regarder, tu peux trouver des persos qui te poussent à devenir “une meilleure version de toi-même”, ou en tout cas à prendre part à la marche, en rythme et attitude de préf’ !