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Culture & Lifestyle

Kick it like Kenza Dali

"Que du virtuel, loin du réel", précise la bio de Kenza Dali. La footballeuse, retenue dans l’équipe des Bleues pour l’Euro 2022 et égérie Nike, souligne ainsi la distance entre le privé et le récit 2.0 de sa carrière – pour garder l’équilibre dans sa vie de plus en plus médiatisée, tout en continuant de faire le pont avec ses fans avides de ses conseils.

Photographe : Francesco Bonasia
Styliste : Jill Gattegno

Maillot, ballon, short, brassière et chaussettes NIKE
Veste NINA RICCI
Boucles d’oreilles LOUIS VUITTON

Néanmoins, j’effectue un deep dive sur Internet et découvre une fan de mode, une collectionneuse invétérée de sneakers, une amoureuse de voyages et de déconnexion. Le reste, elle le réserve à ses proches, sa famille, notamment à son neveu, « son ombre », dit-elle pendant l’interview, qui la suit partout. Quand je la rencontre, je meurs d’envie de lui poser des questions sur les clichés encore lourds qui pèsent sur les footballeuses – quand celles-ci ne sont pas tout bonnement invisibilisées –, sur ce que j’imagine être une absence de role models sportives en grandissant. Elle et moi, on est (presque) de la même génération, et je devine déjà qu’elle pourra m’en dire long sur l’évolution de l’image et de ce qu’on attend des femmes dans le sport. Et je n’ai pas tort. Kenza Dali m’offre un portrait qu’elle livre rarement d’elle – un véritable statement de force et de liberté.

Kenza Dali pour NYLON France

Chemise LANVIN / Lunettes de soleil NIKE / Boucles d’oreille PHILIPPE AUDIBERT

Peux-tu me parler de ta relation avec Nike ?

Nike, c’est mon premier sponsor et j’aimerais finir ma carrière avec eux. Aujourd’hui, les choses bougent vite contractuellement – mais cette loyauté est importante pour moi. Nike a toujours été une passion : je suis une sneakerhead, j’ai beaucoup, beaucoup de baskets. (Rire.) Je suis quasiment née avec une paire de Nike aux pieds, j’ai des photos de moi à 5-6 ans avec des Air Max. Pour moi, Nike, c’est tout un état d’esprit, c’est un mode de vie, et ça a un impact sur la société, ça influence les jeunes.

Les réseaux sociaux ont changé quoi au foot ?

Aujourd’hui, les réseaux sociaux ont changé la donne ; dans une carrière de sportif.ve, ça en fait partie : tu peux être d’un niveau moyen mais suivi.e sur les réseaux et ça peut tout changer contractuellement, en termes de sponsoring, tu reçois plus de cadeaux au quotidien. Et puis on est vite jugé.e. Moi, je prends les good vibes des réseaux sociaux et je ne révèle rien de personnel de moi-même : il y a des côtés magiques que tu vis (grâce aux réseaux sociaux) avec tes fans de tous âges. En étant athlète de haut niveau et en représentant mon sport par mon image, j’inspire la jeune génération – je reçois tous les jours des messages de petites filles qui rêvent aussi de devenir pros, qui demandent des conseils. Contrairement à quand j’étais plus jeune, ce dialogue est possible, alors je réponds au maximum de personnes, notamment les plus jeunes que j’encourage, à qui je répète « Accroche-toi et continue de croire en toi ».

Qu’est-ce qui a changé dans l’image du foot depuis ton enfance ?

Petite, je ne pouvais pas m’inspirer de joueuses féminines : on n’en voyait pas à la télévision et je ne savais pas que je pouvais faire ça professionnellement. Alors je m’inspirais des seules personnes qu’on voyait, donc des joueurs masculins. J’étais fan de Ronaldinho ! C’était le Brésil, les couleurs, l’élégance en jouant, toujours souriant, il m’a donné envie de faire du foot. Mais je ne savais pas que je pourrais un jour vivre de ça étant femme, ça a été une succession d’opportunités et la passion qui m’ont finalement permis d’arriver là. J’ai eu un premier contrat pro à 16 ans, mais entre-temps, j’ai eu un bac + 2, un DUT en techniques de commercialisation, après ça, je me suis lancée dans les langues… Mais finalement, mes diplômes ne m’ont pas servi !

Je réponds au maximum de personnes, notamment les plus jeunes que j’encourage, à qui je répète “Accroche-toi et continue de croire en toi ».

Kenza Dali pour NYLON France

Veste et jupe ACNE STUDIOS / Body WOLFORD / Chaussures FREE LANCE / Baskes à main NIKE x SACAI / Boucles d’oreilles PHILIPPE AUDIBERT / Col ANN DEMEULEMEESTER / Collier MARA PARIS

Kenza Dali pour NYLON France

Parle-moi de ta vie au UK ?

Le UK, c’est la pluie. (Rire.) J’ai vécu deux ans à Londres qui est immense mais ne m’a pas tellement changée de Paris. Disons que quand, comme moi, on aime la mode et le sport, l’Angleterre, c’est le perfect match. Déjà la mode : on voit des allures sorties de Matrix, incroyables, c’est Fashion Week tous les jours. Et puis là-bas, les gens parlent de leur club comme s’ils parlaient d’un membre de leur famille. Leur vie est organisée autour de leur passion pour le foot. À Liverpool, où je vis actuellement, les magasins de maillots sont partout, les petits en portent tout le temps. C’est beau à voir ! Ce qui manque le plus de la France, c’est la nourriture. Là-bas, c’est du fish and chips with gravy sauce, ils nous disent « Vous les Français, vous aimez manger avec vos yeux » ! Les boulangeries, un vrai croissant, une bonne baguette, voilà de quoi je rêve !

Tu es fan de mode alors ?

Oui, j’ai toujours aimé les vêtements et les magazines de mode, je suis beaucoup ça sur Instagram. Côté marques, j’aime beaucoup ce que fait Acne, ils ont vraiment level up. J’ai aussi beaucoup aimé la collection Re-Nylon de Prada ; j’adore Gucci, le logo fait vraiment la diff ! Et Dior a vraiment improve le game. Et puis énorme respect à Virgil Abloh qui a révolutionné une génération. Aujourd’hui, grâce à lui, il y a des Air Max sur des défilés de mode.

Quelle est la différence dans l’entraînement entre la France et l’Angleterre ?

En France, on s’entraîne beaucoup avec le ballon, et en Angleterre, beaucoup sans ballon. L’Angleterre est beaucoup plus physique, beaucoup plus intense en termes d’entraînement, de kilomètres parcourus, il faut être physiquement prêt.e.

Qu’est-ce que ça te fait de représenter les Bleues à l’Euro 2022 ?

Le maillot bleu (Sourire)… Dans ton sport, représenter un pays entier, 23 joueuses parmi des milliers, et toi, tu bosses tous les jours, tu attends les noms annoncés, et tu découvres que t’es choisie… C’est l’élite…

Comment as-tu appris la nouvelle ?

À la télé, comme tout le monde ! J’attendais ça comme les résultats du bac ! Une école pour les petites filles qui commencent à jouer au foot m’avait invitée à les rencontrer ce jour-là. Elles me posaient des questions trop mignonnes comme « Est-ce que, quand tu as la varicelle, tu joues au foot ? », elles ont 8 ans quoi ! Alors on s’était dit qu’on allait découvrir la liste ensemble le soir : si j’y suis, on célèbre ensemble, si j’y suis pas, on pleure ensemble ! Alors on était toutes là, avec l’iPad posé au milieu du terrain, et là, j’entends Kenza Dali ! On a filmé tout le moment que j’ai posté sur mon Insta, j’aurais ce souvenir pour toujours. Après ça, j’ai offert des maillots, des places et des crampons à tout le monde.

C’est quoi le team spirit pour toi ?

Le team spirit, c’est pour ça que je fais du foot. Je suis sportive donc j’aurais pu faire plein de sports, mais c’est vraiment l’esprit d’équipe du foot qui m’a attirée. Là, je pars à l’Euro 2022 avec l’équipe de France, on est ensemble 24 heures sur 24, tu es entourée de gens que tu vois plus que ta famille, pendant au moins deux mois j’espère. Alors si t’as pas l’esprit d’équipe, tu ne performeras pas. Le foot, c’est assez magique pour ça : tu ne gagneras jamais un match toute seule, alors l’esprit d’équipe doit être le plus sain possible. Dans une équipe, moins tu as de stars, plus tu gagnes ! Tu peux t’entraîner tout ce que tu veux, tu as toujours besoin des autres, tu travailles pour être la best version de toi-même pour les autres. Dans le sport, c’est génial, il y a tout un truc d’entraide et de solidarité qu’on ne voit pas à la télé mais qui est essentiel.

Kenza Dali pour NYLON France

Maillot, ballon, short, brassière et chaussettes NIKE / Veste NINA RICCI / Boucles d’oreilles LOUIS VUITTON / Chaussures NEU_IN @neu_inofficial

Kenza Dali pour NYLON France

Dans une équipe, moins tu as de stars, plus tu gagnes ! Tu peux t’entraîner tout ce que tu veux, tu as toujours besoin des autres, tu travailles pour être la best version de toi-même pour les autres.

Quels sont tes objectifs pour l’Euro ?

C’est simple, quand on commence, c’est pour gagner. On n’a pas encore gagné de trophées en France, mais on est réputé pour avoir les meilleures joueuses… On y va pour gagner, on se cache pas ! (Rire.) 

As-tu un cheat meal favori ?

Alors je suis terrible en cuisine donc je ne me fais rien moi-même. (Rire.) J’ai des meal preps, ce sont des repas faits sur mesure en fonction de tes entraînements, j’ai juste à les mettre dans le micro-ondes ! Sinon, j’aime trop les desserts, particulièrement un flan ou un éclair à la vanille – oui, plus que chocolat –, ou alors le tiramisu ou le fondant au chocolat avec une boule vanille. Quand je culpabilise, je me dis que je le mérite, que je m’entraîne tous les jours.

As-tu une diète spécifique à suivre ?

Oui, quand même, il faut garder la ligne et faire en fonction de son poids de forme. Parce qu’il y a un impact bien sûr, si tu prends du poids, tu vas moins vite, si tu vas moins vite, t’es moins forte, si t’es moins forte, tu atterris sur le banc de touche. Il faut faire globalement plus attention à son hygiène de vie. Personnellement, je ne bois pas une goutte d’alcool, même quand j’ai un trophée à célébrer, je suis au jus de pomme ! Ça vient de mes parents qui sont algériens musulmans – qui me laissent faire ma vie mais qui m’ont apporté une éducation sans alcool ; alors je fais la fête sans. J’ai une vie très saine, je ne sors pas beaucoup, c’est ton métier, t’es payée pour !

Quel est ton week-end détente préféré ?

Un mot : Netflix & chill. En ce moment, je regarde The Bold Type, sur trois filles qui travaillent pour un magazine de mode à New York, une côté réseaux sociaux, une sur le stylisme et une en rédaction, et on suit leur quotidien. Je me dis tout le temps que c’est ça que je veux faire en fait ! Un peu comme toi à NYLON !

Sans rire, que voudrais-tu faire après ta carrière de footballeuse ?

Après ma carrière, je veux être dans le marketing digital, ou bien travailler chez Nike ! J’aimerais trop réfléchir à comment vendre une marque, un magazine ; j’aimerais aussi être sur un shoot mais derrière la caméra, penser à la direction artistique, l’univers qui va autour. Poser, c’est dur en vrai, c’est tout un métier !

Peux-tu me parler de l’ambiance dans l’équipe ?

On a un vestiaire super happy en équipe de France, on danse, on met de la musique à fond, on chante, on célèbre… C’est un mood, le vestiaire – il n’y a pas de caméras, pas de photos, on se retrouve entre nous et c’est une motivation géniale.

Maillot et ballon NIKE FFF / Veste et short GUCCI / Bracelet TÉTIER / Boucles d’oreilles MOUTON COLLET / Baskets et chaussettes NIKE

As-tu une routine beauté ?

Oui, je fais très attention à ma peau, ce que j’ai commencé à faire un peu tard. J’aime beaucoup les marques Kiehl’s et Estée Lauder. Je mets de la crème à l’avocat, de l’anticerne, j’ai une bonne crème de nuit, j’hydrate mes jambes qui en ont besoin car je suis en short tout le temps. J’ai toute une routine que j’adore faire, c’est un bonheur d’arriver démaquillée et fraîche devant la glace le soir.

Quels sont les clichés récurrents autour des footballeuses ?

Il y en a deux : d’abord, celui qu’une fille, ça ne sait pas vraiment jouer au foot. Même si je suis joueuse pro, on me laisse comprendre souvent que tout ça, ce n’est pas vraiment sérieux. On m’écrit beaucoup ça sur les réseaux, alors je propose toujours direct de faire un un contre un. Et puis quand on me voit jouer, on me dit « Oh elle est forte », et soudain, tout le monde veut bien jouer dans mon équipe. Deuxièmement, on entend beaucoup qu’une footballeuse, c’est une camionneuse, excusez du terme. Alors déjà, c’est faux : il y a six ou sept joueuses en équipe de France qui jouent maquillées. Et puis camionneuse, c’est quoi ? Ça veut dire garçon manqué, autrement dit quelqu’un qui s’émancipe, qui a du caractère, qui peut s’entraîner sous la pluie, jouer dans des conditions extrêmes, accepter de mettre son corps en souffrance pour être meilleure, tous les jours ? Alors je suis un garçon manqué !

Couverture Kenza Dali pour NYLON France

Maillot et ballon NIKE FFF / Veste NINA RICCI / Boucles d’oreilles LOUIS VUITTON

Journaliste : Alice Pfeiffer
Photographe : Francesco Bonasia
Assistant Photographe : Viatceslav Senkevic
Vidéaste : Jeanne Martinet
Vidéaste BTS : Laurène Vanacker
Styliste : Jill Gattegno
Coiffeur : Simon Chossier
Maquilleuse : Orystella Viti
Set Design : Antoine Meffrechol & Léna Moreau
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