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Musique

Sneazzy : « Karl Lagerfeld, pour moi, c’est une marque mythique »

Eminent échappé du collectif 1995 (Alpha Wann, Arena Jaz, DJ Lo’, Nekfeu et Fonky Flav) dont les rumeurs sur un éventuel comeback font le buzz en ce moment, Sneazzy te fait un cadeau bien particulier en cette fin d’année : une campagne Underwear en collaboration avec Karl Lagerfeld. L’occasion de se repasser la carrière du rappeur en revue et de parler de son futur.

©Vladimir Baranovsky

©Vladimir Baranovsky

Tes sons ont beaucoup évolués depuis la sortie de ton premier opus en solo, Dieu bénisse Supersound… je pense notamment à ton dernier album Nouvo Mode ; mais surtout ton EP 38 degrés que tu as sorti cet été et qui sera ré-édité en cette fin d’année. Comment vis-tu cette évolution ?

Aujourd’hui, quand je fais un bilan des dix premières années, je suis fier et heureux, parce que c’était pas forcément gagné, mais avec tous les projets que j’ai sortis, toutes les expériences que j’ai vécues, les hauts et les bas, franchement je suis très content de ce que j’ai pu accomplir. Je suis pas de l’école des gens qui veulent savoir s’ils sont côtés ou sous-côtés, ou ce genre de choses. Je pense que je suis à la place que je dois avoir. J’ai tout fait pour : j’ai fait des tournées dans toute la France, je l’ai fait en groupe avec 1995, puis je l’ai fait en solo. J’ai joué dans un film ; j’ai sorti des projets musicaux, certains ont marché, d’autres moins. J’ai tout vécu. En dix ans, je pense que j’ai acquis énormément d’expérience et aujourd’hui, je suis très fier du chemin parcouru.

Tu as joué un rôle principal dans le film La Source de Rodolphe Lauga aux côtés de Christophe Lambert et Alice David. Qu’est-ce que tu retiens de ton expérience sur le grand écran ?

C’est bien évidemment différent du rap et de la musique de manière générale, mais ça se rejoint sur plein de points quand même. Souvent les gens qui ne sont pas du métier me demandent : « Amine, t’as pas stressé quand t’avais 50 personnes derrière la caméra ? » Je leur ai dit « C’est ce que je faisais déjà dans la musique à travers mes clips, sauf que là, c’est juste un exercice différent, mais en soi, c’est le même principe. » Pour te dire la vérité, je n’ai jamais pris des cours ou fait de théâtre, je n’ai jamais réellement eu de coach, si ce n’est quelques semaines avant le début du tournage pour dérouler les dialogues des scènes. J’y suis allé comme le réalisateur me l’a demandé : au naturel. J’ai puisé dans ce que j’avais de plus profond en moi, mais c’était assez naturel puisque le réalisateur me demandait juste d’être moi-même ; du coup, c’est ce que j’ai fait.

Tu as été toi-même tout en rentrant dans un rôle qui n’est pas le tien, et loin de ton personnage de scène. J’imagine que l’exercice as dû être un peu schizophrène ? 

Justement, dans la musique, c’est ce qu’on te demande de faire. Il s’agit surtout de créer un personnage tout en racontant un peu ta vie mais en restant dans une forme de mise en scène maitrisée, ce qui se rapproche beaucoup du métier d’acteur au final. En ce qui me concerne, il n’y a pas un écart énorme entre la personne que je suis, ce que je fais dans ma musique, ce que je raconte et la manière dont je vais le raconter. Dans le cinéma, c’est tout autre chose, parce qu’on te demande de jouer quelqu’un d’autre qui existe déjà, qui a déjà été écrit, qui a déjà été formé et du coup, tu dois rentrer dans la peau d’un personnage que tu ne connais pas, tout en y ajoutant ton propre style. Mais le vrai challenge de ce film, c’était le surf qui est un sport que j’avais jamais fait auparavant. Je suis pas très à l’aise dans l’océan, dans l’eau, dans la mer… J’aime bien aller à la plage, bronzer, faire de ta trempette, soit, mais là, j’ai été mis dans des conditions de surf hardcore avec des vagues de quatre mètres. On y est allé à fond. C’était surtout ça dont j’étais le plus fier, c’est que j’ai réussi à relever ce challenge à la fois physique et mental. J’ai jamais rechigné devant aucun obstacle et franchement, il y en a eu.

Ne pas rechigner devant des obstacles, c’est aussi emblématique de ce que tu fais à travers ta musique. Pour chaque nouveau projet, tu expérimentes avec des sons et styles différents…

J’aime bien sortir de ma zone de confort parce que je trouve que c’est plus intéressant pour mon public. Ce que j’essaie de faire dans la musique, c’est de prendre des risques. Après, je suis aussi très éclectique dans mes goûts musicaux, donc j’aime de tout ; j’ai envie de tout explorer ! Quand je suis en studio, je me cantonne pas à faire ci ou ça… Donc par projet, ma musique a une couleur un peu différente.

En parlant de styles différents : quand on pense à ton dernier EP 38 degrés, je trouve que « Toi & moi » et « Vaisseau » sont des morceaux dansants et beaucoup plus pop que ce que tu as pu faire par le passé.

J’ai toujours eu envie de faire danser les gens et c’est ce que je n’ai jamais réussi à faire. Si tu écoutes mes projets précédents, soit c’est du rap, soit c’est des thèmes un peu deep comme dans Nouvo Mode où la majorité des morceaux parlent d’une histoire d’amour un peu sombre… J’ai toujours eu des morceaux soit introspectifs, soit fédérateurs pour la scène mais je n’ai jamais composé pour les clubs. L’été dernier, je me suis dis que c’était le moment d’essayer autre chose. Je n’avais plus de dates de concert ou de de tournée qui allait suivre à cause du Covid, donc je me suis dit : « Vas-y, t’as deux semaines devant toi, fais du studio. » C’est ce que j’ai fait. J’ai réussi à faire neuf titres qui me plaisent de ouf.

Génial, neuf titres en 2 semaines !

J’en avais un ou deux d’avance que j’avais fait au Maroc avant l’été. Ensuite, les six, sept autres sont arrivés en deux semaines. C’était une vibe… J’ai bossé avec la même équipe de producteurs. On s’est enfermés ensemble dans le studio, on a fait ça d’un trait et j’ai balancé le projet au public sans aucun calcul ou promo. 

Est-ce que tu peux déjà teaser la réédition de 38 degrés, ou c’est un peu trop tôt ?

La ré-édition va sortir avant la fin de l’année et elle sera dans le même style, parce que c’est un projet qui se veut comme ça. Par contre, j’ai rajouté un morceau qui est un peu une sorte d’ovni… Je ne saurais même pas avec quoi je pourrais le comparer… Il est vraiment spécial et j’ai hâte d’avoir des retours dessus. 

©Vladimir Baranovsky

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Tu as participé au nouveau projet du Classico Organisé. Est-ce que tu peux me parler un peu de ce projet-là ?

C’était avant l’été, en juin ou juillet. J’ai reçu un message du chef de projet qui me disait que Jul est en train de préparer cette compilation et qu’il me voulait dessus. J’étais très honoré, très content, parce qu’on avait bien vu le résultat de la première compil, c’était super l’engouement que ça a déclenché ! L’image de solidarité qu’il y a maintenant dans toute cette zone de Marseille, du Sud change l’image du rap en France. Tu vois que les mecs sont soudés, qu’ils s’entraident et ce dans un super bon esprit. Du coup, j’étais super chaud quand j’ai entendu parlé de ce projet entre Paris et Marseille. Bien sûr, c’est Jul, j’ai donc accepté l’invitation et après, ça s’est fait naturellement. Un groupe WhatsApp a été créé, je t’explique même pas le nombre de…

Le nombre de gens qui étaient dedans ?

On était vraiment plus de 150, donc t’es obligé de le mettre en sourdine à un moment (rires). J’ai vu les noms et j’étais très content de partager le projet avec tous ces gens-là. Ça a pris un peu de temps avant que les sons se mettent en place, les choix d’instru, etc… on choisissait tous ensemble et chacun envoyait ses couplets. Pour te dire la vérité, j’ai découvert le son entier au moment de sa sortie. Je connaissais juste mon couplet, du coup, je l’ai découvert comme tout le monde et je l’ai kiffé de fou, j’étais trop content. Ça prouve qu’il n’y a pas mieux que l’entraide et la solidarité. Le Classico Organisé montre bien que le rap ce n’est pas que du clash et de l’égo trip. 

Et toi, tu te sens plus proche d’un style ou d’un autre ?

On a commencé par les battles avec 1995, du coup je suis de toutes les écoles. Tout est respectable à partir du moment où tu le fais avec passion. En tout cas, le fait de réunir plus de 150 rappeurs sur un projet unique – des plus grosses têtes d’affiche aux mecs les moins connus – c’est un coup de génie parce que t’as des mecs qui ont pas une très grosse audience et qui vont surement éclore grâce à ce projet. C’est là où Jul a été bon.

Parlons d’une autre de tes passions : la mode. Le style vestimentaire a une part importante dans tes clips…

Quand je pense « clip », je pense directement à la direction artistique, ce qui comprend forcément une réflection stylistique liée à la mode. Ensuite dans la musique, la mode intervient au niveau des paroles où parfois, tu vas citer des marques dans tes morceaux. La mode aujourd’hui n’est plus l’industrie fermée qu’elle a pu être par le passé et le rap, lui, est devenu mainstream. Les marques de luxe collaborent avec des rappeurs en les invitant à leurs défilés, en participant à leurs clips, en co-créant des collections ensemble… et franchement, c’est chanmé !

Du coup, est-ce que tu peux m’en dire plus sur ta relation avec Karl Lagerfeld et cette collaboration spéciale sur la collection Underwear qui vient de sortir ?

Je connais les équipes de Karl Lagerfeld depuis quelques temps déjà, et du coup, la Maison m’a proposé de collaborer sur cette campagne Underwear. Karl Lagerfeld, pour moi, c’est une marque mythique de part le génie de son créateur, bien évidemment, donc je n’ai pas pu refuser. Je savais que faire une campagne Underwear est complètement différent de ce que les rappeurs font habituellement dans la domaine de la mode, car la plupart d’entres-eux sont souvent très réservés et maintiennent une sorte de façade vis-à-vis de leur public. Moi, je suis à l’aise avec mon corps, du coup, j’ai accepté cette collaboration et le résultat est mortel.

Quelle était ton implication au sein de la campagne ?

Du côté de la direction artistique, j’ai travaillé avec avec Vladimir Baranovsky, un photographe et vidéaste avec qui je fais mes clips, mes photos et mes covers depuis quelques temps déjà. J’étais donc vraiment à l’aise sur cet aspect-là où je me suis dit : « Ok, je sais ce que ça va rendre. La DA de cette campagne va être cool. » Karl Lagerfeld nous a donné carte blanche : on a collaboré avec l’équipe qui a toujours su être à l’écoute et le résultat final est simplement mortel ! J’ai également été impliqué dans le choix des pièces et au niveau du stylisme ce qui m’a permis de maitriser la direction artistique de la campagne jusqu’au bout. Franchement, ils m’ont laissé énormément de place pour m’impliquer, ce qui se voit dans le résultat final.

Est-ce que tu as d’autres actualités hormis cette collaboration trop cool avec Karl Lagerfeld et la sortie de la nouvelle édition de 38 degrés ?

En fait, je devais faire un Olympia en 2020, que j’ai du annulé face à la crise sanitaire. Comme beaucoup de rappeurs, je n’ai pas fait de concerts depuis super longtemps. Je n’appréhende pas, au contraire, j’ai hâte, mais j’ai l’impression qu’on se relève d’un monde de zombies. J’ai hâte de retrouver la scène et mon public dans tous les cas !

©Vladimir Baranovsky

Photographe : Vladimir Baranovsky
Hair and Make Up : Emilie Vacher
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