Le zaddy, un iceberg cachant des discriminations
Déjà, en 2012, la maison Prada mettait en avant des masculinités zaddy en réunissant sur son podium les acteurs Willem Dafoe et Gary Oldman. La marque échafaude alors les fondements du “silver swagger”, réactualisé dans son dernier défilé. Plutôt que des anonymes, ce sont des acteurs cis, couverts de prix et tournant encore dans films, qui sont valorisés. Contrairement à 2012, en 2022, les critiques fusent sur les réseaux sociaux : “Combien d’années avant de voir la même chose pour les hommes plus size, les femmes ou les mannequins non-binaires ?”, questionnent certain.e.s tandis que d’autres estiment qu’il s’agit d’une énième déclinaison d’une masculinité privilégiée.
“De nos jours, le vieillissement réussi repose sur des fondements hétéronormatifs qui provoquent une marginalisation des représentations queers. Le précepte d’un bonheur uniquement hétérosexuel façonne la vision du vieillissement. C’est un récit puissant qui repose sur la valorisation des capacités physiques et de l’esprit niant la diversité. Cet imaginaire non inclusif est un véritable fléau dans des sociétés vieillissantes”, explique la sociologue Barbara L. Marshall.
“Regardez ces muscles !” Cheveux longs, barbe blanche et torse dessiné, l’acteur chinois de 85 ans Wang Deshun fait de manière récurrente le buzz à la suite de ses défilés dénudés valorisant une hypervirilité niant tout signe d’affaiblissement. Dans un autre registre, c’est la romancière américaine Joan Didion qui devenait l’ambassadrice de la maison Celine en 2015. Avec son petit visage marqué de sillons, son statut d’icône intellectuelle l’éloigne de toute suspicion de sénilité.
Un autre point souligné dans les commentaires : y a-t-il un équivalent féminin au zaddy ? “Avec l’âge, les hommes mûrissent et les femmes s’enlaidissent.” Dans son livre Beauté fatale : Les nouveaux visages d’une aliénation féminine, la journaliste Mona Chollet dénonçait cette inégalité face au temps condamnant les femmes à vivre dans la honte d’elles-mêmes. Chirurgie, crème antirides : ce double standard du vieillissement marque une frontière entre hommes et femmes.
“Le pouvoir de séduction féminin a été traditionnellement interprété comme un don, un devoir ou un service complémentaire du désir masculin”, explique de son côté la sociologue Chiara Piazzesi. Ainsi, les femmes doivent rester jeunes pour se faire désirer des zaddies. Suis-je séduite par mon propre bourreau ?