IN MOGA WE TRUST
DJ sets, cours de surf et de yoga dancing sur la plage au coucher du soleil… Welcome to the MOGA Festival ! NYLON te dit tout sur l’un des festivals électro indé les plus cool du moment.
DJ sets, cours de surf et de yoga dancing sur la plage au coucher du soleil… Welcome to the MOGA Festival ! NYLON te dit tout sur l’un des festivals électro indé les plus cool du moment.
Tu as toujours voulu savoir comment naissent et se produisent les festivals de musique indépendants ? Stay right here ! Pour toi, NYLON a rencontré Matthieu Corosine, cofondateur du MOGA Festival, un festival indépendant de musiques électroniques qui a lieu tous les ans au Maroc et au Portugal — et bientôt au Sénégal. Plus qu’un festival, le MOGA a la volonté de créer un cercle vertueux et holistique qui valorise et amplifie la culture de la région dans lequel il s’installe. Dans cette interview, Matthieu raconte l’incroyable histoire de la création du MOGA et évoque la responsabilité que les festivals ont dans le bien-être et le développement de la culture et de l’économie locale et la gestion de leur impact sur l’environnement.
Avant de nous parler de MOGA, raconte-nous ce qui t’a donné envie de te lancer dans la production de festivals de musique.
Un alignement de planètes ! J’ai grandi en Martinique et je suis venu faire mes études à Nice en 2002. Cette même année, j’ai rencontré le président du foyer de la fac de lettres, qui organisait des soirées reggae à la fac et qui était barman dans le seul bar de Nice qui jouait du reggae. Ce mec, je l’ai recroisé six ans après — entre-temps, je suis parti faire mes études aux Etats-Unis — à la sortie d’un concert. Il m’a dit qu’il organisait un festival en Martinique et m’a demandé si je voulais venir l’aider puisque je connais bien la culture créole. J’ai accepté, et ça fait douze ans qu’on est associés (les associés de Matthieu Corosine sont Benoit Geli, Antoine Biehler et précédemment Abdeslam Alaoui, ndlr)!
Oh, génial ! Ce que j’apprécie particulièrement avec le MOGA, c’est que ce n’est pas juste un festival de musique, il y a une dimension humaine, holistique et multiculturelle qui semble être le véritable pilier du festival.
C’est très juste ce que tu dis, cet ADN vient de la ville d’Essaouira, au Maroc, où nous avons fait notre première édition en 2016.
Voir cette publication sur Instagram
Pourquoi avoir choisi Essaouira pour la première édition ?
C’est encore un alignement de planètes ! Avant de s’établir au Maroc, on a organisé un festival dans le désert, en Tunisie, où se trouvent les décors de la saga Star Wars. Un jour, un pote nous a dit qu’il y avait les décors de Game of Thrones au Maroc. Intrigués, on a pris notre sac à dos, on est partis à Essaouira et on a découvert les décors de Game of Thrones, qui se prêtaient parfaitement à hoster un festival hors du commun. Et là commence une aventure : on est allés à l’hôtel et on a spontanément dit à la réception : “On aimerait bien faire un festival de musique à Essaouira, est-ce que vous connaissez des gens pour nous aider ?” La réceptionniste un peu confuse nous a orientés vers la médina en nous indiquant un chemin qui nous semblait labyrinthique… Il fallait qu’on trouve un gars qui buvait son café tous les jours à 19h à un endroit précis, et aujourd’hui, ce gars, qu’on a fini par trouver et rencontrer et qui nous a aidés à mettre en place la première édition, c’est le maire d’Essaouira ! Incroyable !
J’adore ! Mais pourquoi avoir choisi Essaouira au lieu de villes plus prisées par les festivalier.e.s et touristes comme Casablanca ou Marrakech ?
Quand on est arrivés à Essaouira, on a vu un potentiel incroyable ! On a vu une ville qui est au patrimoine mondial de l’Unesco, une ville qui repose sur une économie très particulière car c’est une ville qui fabrique l’huile d’argan, et l’argan ne peut être travaillé que par les femmes, c’est une particularité économique au Maroc. On a aussi vu une ville intéressante d’un point de vue logistique, car elle est seulement à deux heures de Marrakech, qui abrite le plus grand aéroport du Maroc. On a aussi vu une ville qui avait un lifestyle particulier qui mêle sport, bien-être et nature, entre la culture surf et kitesurf, les digital nomades… Et finalement, on a vu une ville qui a un lien avec le Portugal, ce qui nous a amenés à lancer une édition du MOGA à Caparica en 2021. La ville d’Essaouira est un ancien comptoir portugais. Son ancien nom, donné par les Portugais, est Mogador, dont on a tiré celui de notre festival.
Quels challenges as-tu rencontrés avec tes associés quand vous avez lancé la première édition du MOGA au Portugal ?
Il y a eu des challenges à plusieurs niveaux. Le premier, c’est que le jour où l’on a annoncé le festival et son line-up en conférence de presse, c’était un succès de ouf, mais ce soir-là, c’était le soir des attentats de Nice. Notre plus gros événement à Cannes, les Plages électroniques, se déroulait quinze jours après, donc c’était compliqué et on a vraiment failli ne pas faire MOGA. Mais à l’époque, bizarrement, on s’est dit qu’on tenait quelque chose et qu’il fallait continuer, quitte à prendre le risque de se mettre en difficulté financièrement.
Contrairement à Caparica, où la scène électro n’existait pas vraiment à l’époque, à Essaouira, il y avait déjà une scène, encore naissante. La scène électro au Maroc a surtout commencé par la scène de psytrance. A l’époque, c’était considéré comme des rassemblements satanistes par le grand public, mais c’est entré petit à petit dans les mœurs. On est arrivés au Maroc en 2015, il n’y avait quasiment aucun festival électro à part l’Oasis qui s’est lancé la même année à Marrakech. À Essaouira, on a voulu se démarquer en proposant un festival qui était accessible aux Marocain.e.s, et avec un line-up composé de Marocain.e.s, qui se tenait non pas dans un gros lieu mais au sein de plusieurs petits lieux à Essaouira pour créer un cercle vertueux avec l’économie de la ville et de son agglomération.
L’idée, c’est de faire vivre la culture locale aussi, et donc les commerçants et artisans.
C’est ça, et surtout, ça nous permet de proposer à la population, d’Essaouira ou d’ailleurs, des évènements accessibles pour tous.tes, de 0 euro jusqu’au prix du ticket.
C’est un aspect important, comparé à l’approche presque néocoloniale de certains festivals — ils se reconnaîtront — qui s’approprient la culture d’une ville, qui investissent les espaces urbains et naturels sans se soucier de l’impact environnemental et qui mettent la billetterie à des prix excluant la population locale.
C’est ça, ils viennent, ils produisent, ils encaissent, ils repartent. Alors que nous, avec MOGA, on n’est certes pas parfaits, mais on a envie de laisser une trace positive — même quand on n’est pas là, le festival existe toujours à travers les commerçants qui lui sont associés d’une édition à l’autre. On croit plus à une vision globale et sociétale où l’engagement positif, ce n’est pas juste mettre des pailles en papier au bar. Il faut impliquer tous les tissus sociétaux, les commerçants locaux. Par exemple, à Caparica pendant le MOGA, on donne aux festivalier.e.s une liste d’une trentaine de hotspots qui sont uniquement des business locaux et indépendants. Chaque fois qu’un.e festivalier.e vient consommer ou acheter quelque chose dans le hotspot en question, il peut profiter d’une offre découverte, un code promo ou d’une réduction. Cela incite le public à aller dans les commerces locaux. On bosse avec toutes les écoles de surf et de yoga locales qu’on fait découvrir à nos festivalier.e.s, et les cours deviennent un moyen de faire des belles rencontres, de créer une communauté.
Et côté environnement, vous proposez aux gens de participer à des sessions de nettoyage de plage, c’est top !
Pour l’instant, on n’a pas les moyens de nos ambitions sur le volet environnemental, cependant, on a la volonté de faire des choses. Cette année, on a passé tous les lieux en gobelet consigné, on a organisé en effet des sessions de beach cleaning pour nos festivalier.e.s, mais on fait surtout des nettoyages de plage nous-mêmes chaque soir avec des machines qui diggent jusqu’à 20 cm sous le sable pour ramasser les mégots. On travaille également avec une association qui s’appelle Planet Caretakers, mais on ne communique pas beaucoup dessus pour l’instant, tant qu’on n’est pas satisfaits de notre niveau d’action. Le festival n’a que trois éditions et deux ans de vie, on s’améliore avec le temps.
Comment as-tu vu évoluer le MOGA depuis son lancement au Portugal ?
Ce qui nous fait extrêmement plaisir, c’est que, la première année, on était à 30 % de Portugais, à 30 % d’expatriés qui habitent au Portugal et le reste de touristes. Cette année, nous sommes à 45 % de Portugais ! Pour nous, c’est le marqueur le plus important de l’évolution, parce qu’avec le MOGA au Maroc, nous sommes à 75 % de Marocains. Côté line-up, on est à quasiment 40 % d’artistes portugais, au Maroc, on arrive à faire 50/50, mais ça fait un bon moment qu’on y est. C’est ça pour nous la vraie inclusivité, pas juste dire que tout le monde est bienvenu, mais impliquer les locaux devant et derrière la scène. Là, pour l’ouverture du festival, on a fait appel à un marching band local qui a été fondé par un éducateur spécialisé pour les jeunes issus de quartiers difficiles — ils sont absolument géniaux, ils sont arrivés en quart de finale de Portugal Got Talent !
Voir cette publication sur Instagram
Quelle est la ligne directrice de la prog musicale des festivals MOGA ?
Avec MOGA, on aime faire découvrir des artistes locaux et des DJ pointu.e.s de la scène électro internationale — on n’est pas très fans des énormes têtes d’affiche. L’idée, c’est de faire découvrir des artistes autant aux locaux qu’aux touristes ; la plupart des gens qui viennent à MOGA disent ne pas connaître beaucoup de monde du line-up mais savent que ça va être cool, qu’iels vont kiffer la musique et passer un bon moment. C’est ce qu’on essaye de traduire dans le festival.
Quelle est la suite pour MOGA ?
On vient de finir l’édition 2023 à Caparica, et la prochaine édition du MOGA à Essaouira aura lieu en octobre 2023 — inscris-toi à notre newsletter pour ne rien louper ! On travaille aussi à créer un axe culturel transatlantique, en ajoutant une édition du festival au Sénégal, en plus des éditions au Portugal et au Maroc. La prochaine étape, c’est donc MOGA au Sénégal ! Il n’y a pas encore de dates mais tu en sauras plus très bientôt !
Pour en apprendre plus sur le MOGA Festival et ne louper aucune des prochaines éditions au Maroc et au Portugal et bientôt au Sénégal, rendez-vous sur mogafestival.com.