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Mode : comment le vintage est devenu le nouveau luxe

Les créateur.rice.s s’inspirent de leurs anciennes collections, les pièces d’archives sont un must sur le red carpet… La seconde main change de statut et devient un symbole luxueux et ultra-désirable.

Elle a encore une fois break the Internet : au Met Gala 2022, Kim Kardashian fait sensation avec la robe de Marilyn Monroe, portée par l’actrice en 1962 pour l’anniversaire de Kennedy. Fut un temps, s’afficher avec un vêtement déjà porté était symbole de cheap. Avec ce statement, certes controversé, Kim Kardashian participe au renversement de paradigme et à la redéfinition d’un nouveau luxe. Car aujourd’hui, porter une pièce d’archives, quasi muséale, est devenu un symbole d’exclusivité.

 

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Vintage everywhere

Dua Lipa qui s’inspire d’anciennes collections pour sa collaboration avec Donatella Versace, Léna Situations qui inonde ses apparitions on et off red carpet à Cannes de looks vintage de luxe, Bella Hadid qui joue les collectionneuses de pièces de seconde main dans ses streetstyles… Tu l’as sûrement remarqué sur ton feed, le nouveau symbole du cool n’est pas tiré des dernières collections. Être on point dans la mode aujourd’hui consiste à se saper d’une pièce d’archives bien précise et identifiée d’une marque de luxe.

Marie Laboucarié, créatrice du shop de mode vintage de luxe Nina Gabbana Vintage (mix de Nina Ricci et Dolce Gabbana), se souvient des débuts de cette tendance. “Pour moi, le moment où ça a shifté, c’est majoritairement pendant le Covid car les gens étaient bloqués chez eux et faisaient du shopping en ligne. C’est vraiment le moment où mon business a commencé à cartonner. Un autre facteur, c’est que j’ai bossé avec des stylistes pour des célébrités, ce qui m’a donné beaucoup de visibilité. Une des premières était Kourtney Kardashian, ça m’a apporté une sorte de crédibilité. Il y a aussi le moment où les célébrités ont commencé à porter des pièces vintage. Je me souviens qu’en 2018, Bella Hadid commençait à porter du JPG en résille, idem pour Kim Kardashian etc.. À partir de là, il y a eu une plus grosse demande.”

Pour elle, si des stylistes de stars viennent la voir pour acheter ou louer des pièces, c’est par nostalgie : “La mode aujourd’hui est moins créative et unique que ce qui était présenté dans le passé.” Pour Dolce Cioffo aussi – l’attachée de presse et heritage manager chez Vivienne Westwood –, “il y a de plus en plus d’intérêt” pour les archives, particulièrement depuis le Covid. 

Mais la tendance des archives est-elle vraiment nouvelle ? Selon Alexandre Samson, responsable des départements haute couture et création contemporaine à partir de 1947 au Palais Galliera, ce phénomène existait déjà dans les années 70 avec des it-girls comme Tina Chow qui s’habillaient en Paul Poiret, ou dans les années 90 avec Kate Moss et Christina Ricci portant des robes des années 50. “Depuis les années 70, la mode n’a pas changé. Les créations sont portables et jamais hors mode”, analyse-t-il.

La seconde main, nouveau luxe ?

Selon le sociologue Thorstein Veblen, la fonction de l’habillement est le témoignage d’”une capacité de paiement” ; le port d’archives est alors la preuve d’une relation privilégiée avec les sphères les plus hautes du luxe et de la mode. Pour Dolce Cioffo de Vivienne Westwood, “il faut avoir un.e meilleur.e ami.e qui travaille pour une marque” pour avoir accès à ces pièces uniques.

L’engouement des célébrités pour ces archives est-il simplement une nouvelle façon de se rendre inaccessible ? Selon le sociologue allemand René König (cité par Frédéric Monneyron dans La Sociologie de la mode), “pour qu’elle remplisse son rôle, la distinction doit correspondre à quelque chose que l’entourage considère comme tel… Se distinguer et s’intégrer dans un groupe social ne s’exclut pas.” Georg Simmel, l’auteur de La Tragédie de la culture (cité dans le même livre), est raccord : “Si la mode est imitation d’un modèle donné et satisfait un besoin d’appui social en menant l’individu dans la voie suivie par tous, elle satisfait tout autant le besoin de distinction, la tendance à la différenciation, à la variété, à la démarcation.” En résumé, “la mode est le produit de la division des classes”.

“Il y a cet esprit ‘Je ne veux pas le même truc que tout le monde’. En termes d’image, la star montre qu’elle ne porte pas n’importe qui, qu’elle connaît les références mode”, estime Marie de Nina Gabbana Vintage. Pour Dolce Cioffo, il y a aussi une volonté d’expression : “Avant, les stars voulaient porter des pièces d’archives auxquelles les autres n’avaient pas accès. Maintenant, sur le red carpet, elles veulent marquer un moment symbolique.”

 

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La trend archives : bonne ou mauvaise idée ?

Que ce soit pour marquer le coup sur le red carpet, montrer son érudition sur l’histoire de la mode ou afficher ses connexions avec les maisons de luxe, le port d’archives crée des débats.

Revenons à Kim Kardashian. Suite à son apparition au Met Gala dans la robe de Marilyn Monroe – featuring un régime drastique pour rentrer dedans –, le choix d’un musée privé de prêter cette archive a été critiqué. Cette réappropriation en met certain.es. mal à l’aise. Pour Dolce Cioffo, “on ne peut pas forcer un nouveau récit sur un objet”. Pareil pour Marie de Nina Gabbana Vintage, qui trouve “déplacé” d’utiliser une image qu’on a imposée à Marilyn tout au long de sa carrière. En plus, la robe, dont la valeur historique est immense, aurait été rendue dégradée !

Pour éviter d’abîmer des pièces historiques, les marques ont trouvé une solution : la réédition, quasi à l’identique. Le look Vivienne Westwood automne-hiver 1994 porté par Léna Situations au Festival de Cannes en est une. “Ces pièces sont stockées depuis vingt ou trente ans et ont été affectées par le temps”, justifie Dolce Cioffo. De plus, le look initialement porté par Naomi Campbell n’aurait pas fit, Léna Situations n’ayant pas la même morphologie. Ces rééditions permettent de préserver les pièces d’archives – particulièrement importantes pour la maison Vivienne Westwood –, de faire passer un message fort, de créer un sentiment de nostalgie et ainsi renforcer la stratégie marketing de la griffe.

Une solution intéressante, mais qui ouvre un autre débat : la tendance vintage serait-elle détournée par les marques pour recréer du neuf ? Pour éviter ce problème, Marie Laboucarié estime qu’il est essentiel d’“être transparent et de dire que c’est une réédition”.

Réédition ou pas, Alexandre Samson du Palais Galliera trouve cette tendance “rétrograde”. “Cette pratique est dommage pour la mode. Il y a plein de jeunes créateur.rice.s aujourd’hui, plein de maisons pertinentes. Je trouve ça dommage que les célébrités n’aient pas la curiosité et qu’elles manquent autant d’audace. Sous couvert de faire noble ou intellectuel, elles portent un vêtement de mode ancien. Ça dénote une sorte de conservatisme que j’aime moins. Je trouve ça triste de toujours se tourner vers le passé.”

Si le label cool apposé sur la tendance de la seconde main a ses bons côtés pour des raisons écoresponsables ou pour assurer la postérité de pièces historiques, la façon dont les membres de l’élite de la mode l’utilisent a des effets pervers. Comme toute réappropriation par la machine capitaliste, créer de la désirabilité autour d’une pratique décroissante peut provoquer l’effet diamétralement opposé.

On voit d’ailleurs que si les grandes maisons ne reproduisent pas elles-mêmes ces pièces historiques, ce sont les griffes de fast fashion qui imitent ces looks – à la base de seconde main. J’espère néanmoins que les maisons de luxe et les célébrités ne traiteront pas ce phénomène comme une simple trend – très fructueuse – mais comme un levier afin d’entamer une véritable transition écologique dans le monde de la mode.

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