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D’Astérix et Obélix à Titanic : les plus gros anachronismes mode et beauté à l’écran

L’historien Julien Magalhães décrypte les pires boulettes anachroniques que tu peux voir dans tes films et séries favorites !

Consultant en histoire, Julien Magalhães a commencé par débunker les anachronismes de films et séries ultra-populaires dans des stories aussi pédagogiques qu’hilarantes sur son compte Instagram. Devant le succès de ses analyses, il a décidé d’en faire un livre, Erratum (chez Hoëbeke). Marie-Antoinette, La Chronique des Bridgerton ou Peaky Blinders : il revient avec nous sur les plus grosses boulettes anachroniques en vidéo.

 

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D’où est venue l’idée de faire ce livre ?

Au début, c’était vraiment pour faire rire mes potes. Je montrais les erreurs que je voyais dans les films en costumes, parce que moi, j’ai toujours regardé ça. J’ai toujours été passionné par l’Histoire. Et en plus, tout le monde aime le jeu des sept erreurs ou le secret derrière quelque chose. Et ça a fonctionné.

Ce qui m’a étonné et m’a poussé à écrire le bouquin, c’est que les erreurs ne sont pas des erreurs dans les films. La plupart du temps, les gens qui travaillent dessus, les costumiers et les costumières, savent très bien ce qu’ils font. Ce sont les productrices et producteurs, les réalisateurs et réalisatrices qui décident du costume.

Par exemple, une des erreurs les plus récurrentes, dans tous les films en costumes, ce sont les cheveux lâchés et beaucoup de peau visible pour les femmes, parce que, pour nous, c’est séduisant, ça a l’air naturel, c’est à ça que ressemble une jeune fille. Ce n’était pas du tout le cas à l’époque : on cachait les cheveux, on cachait la peau. C’était aussi très érotique de dévoiler juste la naissance des cheveux, une mèche qui dépassait. Le regard de la société a changé parce que nos luttes sociales, la libération des corps, font que les codes de beauté sont différents.

Erratum est né des listes d’erreurs que je tenais. J’ai compris qu’elles étaient récurrentes, qu’elles revenaient toujours à peu près de la même manière, qu’elles appuyaient beaucoup les masculinités et féminités, puis je me suis rendu compte que c’étaient des choix conscients de représentation de société. Travestir l’Histoire en faisant en sorte qu’elle ressemble à nos critères à nous, ça nous prive d’une grande richesse de représentation, et même esthétique.

En faisant croire aux gens que ça a toujours été comme ça, que les femmes ont toujours été sensuelles et que les hommes ont toujours eu la barbe ou se sont toujours battus, déjà, ce n’est pas vrai, et surtout, ça fausse le regard. Après, on entend des gens qui disent : “Avant, les mecs étaient des mecs et les femmes étaient des femmes.” Non, ce n’est pas vrai : c’est juste que les fictions qu’on produit aujourd’hui ne représentent pas l’époque qu’elles dépeignent mais la nôtre.

Comment se matérialise cette réinterprétation dans les films et séries ?

Dans tous les films et séries qui se tiennent à la Renaissance – Les Tudors, Deux Sœurs pour un roi, Elizabeth… –, on ne voit jamais des hommes en collants et en petites chaussures sensibles. Les hommes portent des bottes en cuir, avec des pourpoints en cuir, brun, noir, sombre. Alors qu’en fait, les hommes dont on parle à cette époque, ils portent du turquoise, ils ont des perles, leurs jambes sont moulées dans des collants. C’est la séduction de l’époque.

Ça, ça m’a choqué. Je suis consultant historique, je sais comment ça se passe. On va montrer des images aux producteur.rice.s qui vont dire : “Ah non, on ne va pas habiller Vincent Cassel avec un collant turquoise. Il aura un pantalon, des bottes, c’est comme ça. C’est à ça que ressemble un bonhomme.” C’est ça qui m’a dérangé. On se prive d’une richesse esthétique, ce qui est quand même dommage. Et puis ça peut être très sexy un mec en collants.

C’est toujours la même histoire. Ce sont toujours les mêmes personnes qui financent, qui décident, sur la fiction. Moi, ça m’énerve un petit peu. J’aimerais bien qu’on élargisse ces représentations, tout comme aujourd’hui la mode dézoome un peu ses exigences étroites de représentation. J’aimerais que la fiction accompagne ce mouvement. C’est difficile. Ça coûte très cher de produire un film ou une série. En fait, tout le monde est très frileux là-dessus et on pense que les gens ne vont pas comprendre. C’est vraiment prendre les gens pour des cons et leur retirer une grosse part de découverte et de plaisir.

Tu as des contre-exemples de films et de séries historiquement précis ?

Dans Elizabeth, ils n’ont pas peur de la montrer parfois avec les cheveux ras, car elle était quasiment chauve à la fin de sa vie. Son processus de maquillage montre ce qu’il y a derrière la fiction. Même si c’est un film très esthétique et que c’est compliqué de mal filmer Cate Blanchett.

Il y a aussi Orlando. Ce film qui se tient au XVIe siècle montre un homme en collants et en ballerines, mais cet homme est joué par Tilda Swinton. C’est déjà un film qui joue sur l’androgynie…

On me demande souvent des contre-exemples. En vrai, je n’en ai pas beaucoup parce que ce sont des risques qu’on n’aime pas prendre. On en a certainement plus dans les films à moins gros budget et dans les courts-métrages. Parce qu’on n’a pas peur de ça.

Le film ou la série dont le travail historique sur les costumes t’a le plus marqué ?

Le Parfum, un film adapté du livre de Patrick Süskind. Ce que j’aime dans ce film, c’est que les vêtements, on ne dirait pas des costumes, mais de véritables vêtements. Ils sont sales, il y a des taches de transpiration, d’huile… On a l’impression de voir du vêtement historique et pas du costume historique. En plus, il montre beaucoup le peuple et les ouvrier.e.s, et ce ne sont pas des choses qu’on voit beaucoup.

Quelle est la pire bourde anachronique repérée dans un film ou une série ?

C’est une série en entier, Reign : Le Destin d’une reine, qui a été tournée au milieu des années 2000 et qui est censée parler de la vie de Marie Stuart. On est dans l’absurde total, c’est-à-dire qu’ils ont décidé de sortir une ligne de vêtements, qui est vendue sur Wish ou un truc comme ça, et d’en faire une série historique. Il n’y a rien, absolument rien, d’historique. On dirait qu’elle va au festival de Glastonbury. C’est vraiment n’importe quoi. Pour moi, c’est le pire crash, vraiment jamais vu dans l’histoire de la reconstitution historique.

Quelle est l’erreur anachronique la plus souvent commise à l’écran – à part les cheveux et la peau dévoilée ?

Il faut arrêter de mettre des faux cils et du mascara avant 1960. Vraiment, arrêtez s’il vous plaît, ça se voit.

Qu’est-ce que tu as appris en analysant ces anachronismes ?

On pense souvent que je suis bien plus érudit que je ne le suis vraiment sur le costume. En fait, c’est impossible de connaître 3 000 ans d’histoire occidentale du vêtement. Donc je fais des recherches très ciblées, qui prennent beaucoup de temps. C’est un plaisir la recherche, c’est là où j’apprends des choses. J’ai des gros trous de culture sur le vêtement, mais parce que c’est tellement précis. Imagine, si on voulait parler de ce que tu portes là, en février 2023 : pourquoi est-ce que tu le portes maintenant et pas deux ans avant, et pourquoi tu ne le porteras pas dans deux ans ? C’est extrêmement difficile, extrêmement précis. Et encore, aujourd’hui, on a Instagram et tout. On peut garder une trace.

C’est pour ça que je fais attention à ne pas dire : “On n’a jamais porté ça comme ça.” On peut simplement dire qu’on a des traces de ça. Mais même les portraits royaux et les portraits de gens importants, les vêtements qu’iels portent, on ne savait même pas s’iels les portaient vraiment. Ça peut être une performance, comme les couvertures de magazines. Les traces du vêtement sont parcellaires – elles sont au mieux lacunaires et il faut relier tout ça comme des petits points.

Quel était ton parcours avant d’arriver à ce métier de consultant historique ?

J’ai fait du design de produit, je me destinais à ça. Puis je suis allé à l’Ecole Duperré et j’ai fait un DSA qui n’existe plus, qui s’appelait Mode et Environnement, c’était de la direction artistique. Je suis rentré chez Hermès pour faire de l’accessoire de cuir. Ensuite, j’ai fait du bijou en Angleterre, puis je suis parti vers le prêt-à-porter et la mode chez Givenchy et Balmain. Je dessinais de la mode contemporaine, ce qui ne me plaisait pas beaucoup. Ce que j’aimais, c’était faire des recherches. Pendant ces sept années où j’ai travaillé dans la mode, c’est ce qui a formé mon œil. Petit à petit, quand je voyais des films, ça m’a sauté aux yeux.

Quand j’ai décidé de quitter la mode et de me consacrer à l’écriture de la mode, j’ai approfondi mes recherches, mais c’est un truc que j’ai fait en autodidacte. Je n’ai jamais étudié l’histoire du costume, j’ai toujours fait ça par plaisir. J’aime l’Histoire en général, et le vêtement, ça raconte tout. Sur un tableau, par exemple, ça raconte où on habite, ce qu’on fait dans la vie, les conditions économiques et sociales… Pour moi, le vêtement, c’est la société, il n’y a pas plus clair.

Cet amour pour l’histoire des modes et du vêtement, c’est arrivé assez tôt ou c’est venu comme une révélation en travaillant dans le milieu de la mode ?

Mon intérêt pour l’Histoire a toujours été là. En revanche, c’est en travaillant dans la mode que mon intérêt pour le costume historique est apparu. C’est là que j’ai lié les deux et ensuite, ce que j’ai beaucoup aimé faire, c’est créer mon boulot. Je suis consultant en Histoire, on est trois je pense en France. Je le fais sur les réseaux, on est deux… J’ai de la chance que ce soit une niche qui plaise en ce moment. Mon travail, je l’ai inventé moi-même et ça, c’est assez cool. Et avec les réseaux sociaux, c’est chouette car on peut avoir une audience. Avant, on nous écoutait si les gens avaient la gentillesse de nous interviewer. Aujourd’hui, c’est quand même plus fluide. C’est Instagram qui m’a donné du travail au départ. Je trouve ça enthousiasmant que ce qu’on appelle de l’amateurisme conduise à une carrière.

Un dernier mot ?

Avec ce livre, au-delà d’apprendre des choses, j’aimerais que les gens se questionnent sur ce qu’on leur montre. J’aimerais que les gens se demandent pourquoi un vêtement est choisi comme ça. Qu’est-ce qu’on veut nous dire avec ce costume ? Le costume sert aussi à montrer le caractère d’un personnage, qu’on comprenne quelque chose tout de suite en voyant une silhouette… Quand c’est bien fait, ça fonctionne. Mais je voudrais qu’on s’interroge sur les codes qu’on nous vend.

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