Mon Compte Shop
Beauté

Comment le cancer du sein a changé mon rapport à mon corps

Lorsqu’on a une vingtaine d’années, on s’attend à beaucoup de choses sauf peut-être à un cancer du sein. Marie et Audrey nous racontent leur combat face à cette maladie souvent mal diagnostiquée chez les jeunes femmes.

En plein Octobre rose, il est important de parler du cancer du sein. Depuis vingt-sept ans, cette campagne a pour vocation de sensibiliser au dépistage mais aussi à récolter des fonds pour la recherche. Selon l’Institut national du cancer, il représente pas moins de 33 % des cancers féminins et 60 000 nouvelles personnes sont touchées chaque année. L’âge médian du diagnostic en France ? 63 ans. En dessous de 30 ans, elles ne sont qu’une poignée. Pourtant, avoir un cancer à cet âge-là n’a rien d’anodin. Il bouleverse le quotidien, change la perception de son corps mais aussi de la vie. 

Audrey

Audrey : “Je me suis demandé pourquoi ça m’arrivait à moi”

Aussi loin qu’elle se rappelle, Audrey a toujours été entourée par le cancer. Sa mère est décédée d’un cancer du col de l’utérus lorsqu’elle n’avait que 6 ans. Son père l’a élevée jusqu’à ses 52 ans, il est parti d’une tumeur au cerveau. Sa tante a 38 ans lorsqu’elle est diagnostiquée d’un cancer du sein. À 25 ans, son fiancé décède d’un lymphome. “Depuis que je suis jeune, je me suis toujours dit : ‘Si je passe le cap des 30 ans sans avoir eu de cancer, j’ai de la chance’”, raconte Audrey sur le ton de la plaisanterie. À 29 ans, elle apprend – presque sans surprise – qu’elle est atteinte d’un cancer du sein. 

À la fin du mois de février 2020, elle constate un écoulement jaunâtre de son sein. Elle avertit son gynécologue, qui ne se semble pas vraiment inquiet. “Il m’a dit que ça arrivait aux mamans qui avaient allaité (j’ai un petit garçon). Il m’a dit précisément : ‘Ne pressez plus.’” L’écoulement ne s’arrête pas pour autant. Six mois plus tard, elle est réveillée en pleine nuit par une douleur très forte dans la poitrine. “J’ai compris que c’était une alerte de plus, que je ne pouvais plus passer au-delà”, explique-t-elle. Elle décide d’aller voir une autre gynécologue. Une batterie d’examens plus tard, échographies, mammographies, biopsies, le verdict tombe : elle a un carcinome infiltrant HER2 triple positif, en d’autres termes un cancer du sein. “Je me suis demandé pourquoi ça m’arrivait à moi, si je n’avais pas déjà assez morflé dans ma vie. Mon monde s’est écroulé.” 

“Tu penses forcément à tes cheveux qui vont tomber”

Durant le mois de septembre 2020, Audrey enchaîne les rendez-vous médicaux pour savoir quel traitement sera le mieux adapté à son cas. “J’ai compris que j’allais avoir de la chimio, c’est encore un coup de massue. Tu penses forcément à tes cheveux qui vont tomber.” En mars 2021, en parallèle de son traitement, elle se fait opérer du sein afin d’enlever la tumeur. “Les chirurgiens avaient réussi à conserver mon mamelon et la forme de mon sein. C’était une chance !” Mais après un premier passage au bloc, le sort s’acharne : il reste des résidus de la tumeur dans les tissus. Audrey doit se faire à nouveau opérer, cette fois pour une ablation complète du sein. Pour la jeune femme, c’est un choc supplémentaire : “Je n’avais pas du tout envisagé cette possibilité-là…” Elle demande une reconstruction immédiate par prothèse, en même temps que son opération. “J’ai la forme d’un sein mais je n’ai plus de mamelon. Je ne suis pas sortie de l’opération sans rien, psychologiquement, ça m’a beaucoup aidée. C’est loin d’être un résultat satisfaisant, mais quand je mets des t-shirts, il y a quand même la forme”, explique-t-elle. Ce qui l’a aidée à surmonter cette étape ? Son fils de 2 ans et demi. “Oui, la poitrine fait partie de la féminité mais je préfère vivre et avoir un sein en moins.” Audrey sait que, pour son cas, il y a des possibilités de reconstruction mammaire. 

Perruque or not perruque ? 

Lorsque Audrey a commencé la chimiothérapie, ses cheveux sont évidemment tombés. La question de porter une perruque s’est posée pour la jeune femme. Après une visite chez un coiffeur spécialisé, elle déchante rapidement. “Il me faisait essayer des perruques, de la bas de gamme à la plus chère, aucune ne m’allait ! C’était mémérisant…” À 29 ans, elle ne se voit pas se balader avec des perruques qui la “vieillissent”, selon ses propres mots. “Je suis sortie du magasin en pleurant, je me disais : “C’est pas possible comment je vais faire ?”, raconte-t-elle aujourd’hui, amusée par ce souvenir. Mais la vie est bien faite : elle obtient le contact de Virginie, une femme qui tient une boutique d’accessoires spécialement conçus pour des femmes atteintes de cancer du sein. Là-bas, elle découvre les Franjynes, des bandeaux avec des cheveux intégrés. “Tu te retrouves, il y a tellement de possibilités de couleurs de cheveux et de bandeaux que tu t’éclates ! Je me suis amusée avec ça.” Pour ses sourcils, Audrey a opté pour un microblading (une technique de maquillage permanent des sourcils), elle qui ne se voyait pas sans. “C’était hors de question ! Je l’ai fait avant ma première chimio, c’est vrai que ça change tout quand tu as des sourcils.” 

Aujourd’hui, elle est encore sous chimiothérapie mais voit enfin le bout du tunnel. Au début du mois de septembre 2021, elle a passé de nouveaux examens de contrôle : “Je ne suis plus malade… J’ai beaucoup de mal à l’intégrer !” Audrey aimerait changer la vision fataliste que l’on peut avoir de la maladie et faire passer un message positif au monde. “Quand on t’apprend que tu as un cancer, c’est vrai que ça fait très peur. C’est surmontable. Il y a eu des moments difficiles mais j’ai fait de super rencontres. Le cancer m’a appris à doublement apprécier les choses que la vie met sur ton chemin.”

Marie : “Mon âge a vraiment joué contre moi”

En février 2021, Marie sent une boule dans son sein alors qu’elle est sous la douche. Pas inquiète, elle préfère tout de même aller voir son médecin traitant. Ce dernier pense à un fibroadénome, une tumeur bénigne et courante chez les jeunes femmes. “Par acquit de conscience, il m’a demandé de faire une mammographie et une échographie. Suite à ça, le radiologue pensait aussi à un fibroadénome”, raconte-t-elle. Voyant le corps médical serein, elle décide de ne pas faire de biopsie et de revenir trois mois plus tard passer une nouvelle échographie. “Entre-temps, j’ai senti que la boule grossissait. Quand je suis arrivée à l’écho en mai, on la voyait à l’œil nu.” Pourtant, le radiologue n’est toujours pas inquiet. Marie effectue finalement une biopsie. Une semaine plus tard, sa gynécologue l’appelle et demande à la voir. “C’est là qu’elle m’a annoncé que c’était un cancer.” 

Marie tombe de sa chaise, “mon monde s’écroule” répète-t-elle. Après tout, elle n’a que 28 ans. Au-delà de la tristesse, elle ressent également de la colère, principalement envers le radiologue. “Il m’a dit mot pour mot : “Je suis sûr à 99 % que c’est un fibroadénome.” Je pense que c’est parce que j’étais jeune. Mon âge a vraiment joué contre moi pour le diagnostic.” Marie en est persuadée, si elle avait eu une biopsie dès le départ, la tumeur (qu’elle a depuis baptisée Pénélope) n’aurait pas autant grossi. 

“J’avais peur de la réaction de mes proches”

Lorsqu’elle apprend qu’elle est malade, Marie a peur. Peur de l’annoncer à sa famille et ses amis. “Ce qui a été drôle, c’est que sur le moment, je n’ai pas pensé à moi. Je n’arrêtais pas de me demander comment j’allais l’annoncer à mes proches”, se souvient-elle. La jeune femme n’a qu’une angoisse : comment vont-ils réagir à l’annonce ? “J’avais peur de leur réaction, que ce soit un drame et que ça prenne des proportions énormes.” D’autant plus que lorsqu’on est jeune, la tumeur a plus de chance d’être agressive car les cellules se développent plus vite. Les bonnes comme les mauvaises. 

Le diagnostic de Marie est tombé le 4 juin 2021, elle s’est fait opérer dès le 11 juin et a commencé sa chimiothérapie le 24. “On a dû réagir vite. Entre-temps, j’avais des rendez-vous à l’hôpital presque tous les jours, alors je n’ai pas vraiment eu le temps de réaliser.”

Marie

“Pour les cheveux, j’ai fait un déni”

Fin septembre, Marie a appris qu’elle n’aura pas à subir d’ablation du sein. La nouvelle est rassurante pour la jeune femme qui a déjà constaté quelques changements corporels. “J’ai commencé à perdre du poids. Ça a été le seul autre indicateur que j’étais malade.” Si elle perd du poids, Marie en est persuadée : elle ne perdra pas ses cheveux. “J’ai fait un déni. J’ai appris par la suite que les chimios pour le cancer du sein sont les pires pour la perte de cheveux.” Mais dès la deuxième séance, le verdict est sans appel, la jeune femme voit sa crinière s’amenuiser. Une étape qu’elle appréhende particulièrement : “Ce qui me faisait peur, c’était d’avoir l’air malade. Que ça se voit sur ma tronche”, confie-t-elle. Elle se rend chez sa cousine, coiffeuse, et demande une coupe courte qu’elle gardera une semaine avant de demander qu’on lui rase la tête. La date, elle s’en souvient encore : le 18 juillet 2021. 

Ce jour-là, quelque chose d’inattendu se passe pour Marie : en se découvrant la tête nue devant le miroir, elle se sent femme pour la première fois. “J’ai un corps d’ado, j’ai une morphologie qui fait que je n’ai pas de forme. À cause de ça, je ne me suis jamais vraiment sentie comme une femme. Ce jour-là, face au miroir sans mes cheveux, je me suis sentie femme. Ça a été un choc positif.” Marie se sent belle, et prête à (re)découvrir sa féminité. Très vite, elle regarde des tutoriels sur YouTube pour apprendre à mettre des foulards et en achète de toutes les couleurs, qu’elle aime assortir à ses tenues. “J’ai commencé à mettre aussi des boucles d’oreilles. J’ai adopté pas mal de nouveaux gestes et je me maquille un peu alors que ce n’était pas dans mes habitudes.” A l’aide de ces nouveaux rituels, Marie a l’impression “d’apprivoiser sa féminité” comme elle aime le dire. 

Affirmations positives

Quand on a un cancer du sein, difficile de rester positif tous les jours. Le secret de Marie pour garder le moral ? Être bien entourée et voir souvent ses proches. La jeune femme essaie de rester occupée au maximum. Elle s’est également mise au sport (avec l’aide d’un kiné) afin de compenser la perte de masse musculaire. “Je sens que ça me tonifie et que ça me donne de l’énergie. Quand tu as des traitements violents pour le corps, maintenir une petite activité physique fait du bien en termes d’énergie et de moral.” Elle fait également un peu de marche et de vélo, mais ce qu’elle préfère, ce sont les affirmations positives et la méditation. “C’est quelque chose que j’ai beaucoup développé depuis que je suis malade. J’essaie de garder une vie normale. Pour moi, c’est primordial.” 

Au quotidien, Marie souhaite sensibiliser les gens au cancer du sein et à l’autopalpation, notamment sur les réseaux sociaux. Un geste qu’elle a pris l’habitude de faire et qui lui a sauvé la vie. “Quand j’ai senti la boule dans mon sein, je suis sûre que si je n’avais pas été sensibilisée, j’aurais laissé traîner”, assure-t-elle. Et de conclure : “La sensibilisation passe par du bruit. Octobre rose fait du bruit et c’est très bien.”

voir l'article
voir l'article
Beauté

Comment le cancer du sein a changé mon rapport à mon corps

Se Connecter

Mot de pass oublié ?

Nouveau mot de passe

S'Inscrire* Champs obligatoir

FermerFermer