CE QU’IL FAUT RETENIR DES OSCARS 2023
Récompenses historiques, performances iconiques, confirmation du poids de Netflix et du cinéma étranger : petit résumé d’une cérémonie qui a marqué un tournant dans l’histoire des Oscars.
Récompenses historiques, performances iconiques, confirmation du poids de Netflix et du cinéma étranger : petit résumé d’une cérémonie qui a marqué un tournant dans l’histoire des Oscars.
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Grand favori de la compétition, EEAAO a enchaîné les statuettes les unes après les autres dimanche soir, à commencer par celle du meilleur film face à Avatar : La Voie de l’eau, Tar et Elvis. Une victoire historique, d’abord compte tenu du budget serré dont disposaient les Daniels pour réaliser cette épopée ambitieuse et déjantée, mais surtout pour son cast – principalement composé d’acteur.rice.s asiatiques et issu.e.s de la diaspora – et sa capacité à traiter de thématiques liées à la famille, à l’immigration, aux univers parallèles et à l’identité queer tout en mêlant les codes du cinéma d’auteur, des blockbusters américains et des films de kung-fu. EEAAO offre leurs premiers Oscars à Michelle Yeoh, Jamie Lee Curtis et Ke Huy Quan – tous.tes nommé.e.s pour la première fois par l’Académie.
Première femme asiatique en compétition pour le prix de la meilleure actrice, Michelle Yeoh, 60 ans, a remporté l’Oscar sous l’ovation du public : “Merci pour tous les petits garçons et filles qui me ressemblent et qui sont en train de regarder ce soir. C’est un signal d’espoir et de possibilités. C’est la preuve que les rêves peuvent être grands et que les rêves se réalisent. Et Mesdames, ne laissez personne vous dire que vous n’êtes plus assez fraîches.” Le réalisateur Daniel Scheinert, lui, a dédié sa victoire à “toutes les mamans du monde”, en particulier la sienne : “Merci de ne pas avoir écrasé ma créativité quand je faisais des films d’horreur vraiment dérangeants, que je pervertissais des comédies ou que je m’habillais en drag-queen quand j’étais gamin, ce qui n’est une menace pour personne.”
Ces six statuettes signent aussi la consécration du studio indépendant A24, qui enchaîne les succès depuis sa création en 2012 : Midsommar, Euphoria, Moonlight, Uncut Gems, The Whale, Everything Everywhere All at Once….
N’en déplaise aux puristes de la salle de cinéma, cette 95e cérémonie des Oscars a confirmé la place de Netflix comme l’un des producteurs majeurs d’Hollywood avec 16 nominations pour un total de huit films en compétition ; et six récompenses dont quatre pour l’adaptation d’À l’Ouest, rien de nouveau par Edward Berger, qui remporte les Oscars du meilleur film étranger, de la meilleure photographie, des meilleurs décors et de la meilleure musique originale. Depuis son apparition aux Oscars (en 2014), Netflix a décroché 116 nominations et remporté 16 trophées. Entre ses six récompenses et les remerciements émus de ses collaborateur.trice.s, la soirée de dimanche était un joli succès pour la plateforme de streaming – toujours accusée par certain.e.s de détourner le public des salles de cinéma.
Récompensée une première fois en 2018 pour son travail de costumière sur le premier volet de Black Panther, Ruth E. Carter remporte une nouvelle fois l’Oscar des meilleurs costumes pour Black Panther : Wakanda Forever. Crois-le ou non, elle devient la première femme noire à avoir remporté plus d’un Oscar au cours de sa carrière, après avoir travaillé sur une quarantaine de films depuis 1988. Une victoire qui intervient une semaine après la disparition de sa mère, lui inspirant un discours émouvant : “Merci à l’Académie de reconnaître le superhéros qu’est une femme noire. Elle endure, elle aime, elle surmonte. Elle est chacune des femmes de ce film. Elle est ma mère. La semaine dernière, Mabel Carter est devenue une ancêtre. Ce film m’a préparée pour ce moment. Chadwick, prends soin de maman s’il te plaît.”
Arrivée face aux photographes vêtue d’une robe Versace AW23 tout juste sortie des podiums, c’est avec un ensemble t-shirt et jean noirs que Lady Gaga est apparue sur scène au milieu de la soirée pour interpréter “Hold my Hand”. Une performance télévisée aussi sobre que magistrale pour ce titre extrait de la bande originale de Top Gun : Maverick, qu’elle présente comme une “chanson très personnelle” : “Je crois que nous avons tous.tes besoin les un.e.s des autres. Nous avons besoin de beaucoup d’amour pour traverser cette vie, et nous avons tous.tes besoin d’un héros ou d’une héroïne à un moment donné. Des héros, il y en a partout autour de nous mais nous pouvons aussi être notre propre héros, même si l’on se sent brisé à l’intérieur.” C’était la quatrième fois que Lady Gaga se produisait sur la scène des Oscars et elle est repartie sous une standing-ovation.
Quelques minutes plus tard, c’était au tour de Rihanna de monter sur scène pour l’un des enchaînements les plus iconiques de l’histoire des Oscars – à en faire blêmir les Grammy’s dont aucune performance n’aura retenu l’attention cette année. Toujours enceinte de son deuxième enfant, la Barbadienne est apparue sur un plateau sublime dans une tenue qui laissait entrevoir son baby bump, sa voix plus touchante que jamais pour “Lift Me Up”, cette chanson écrite en hommage à Chadwick Boseman, l’interprète de Black Panther disparu en août 2020.
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Malgré des performances à couper le souffle et le succès de leurs morceaux respectifs, Rihanna et Lady Gaga cèdent l’Oscar de la meilleure chanson à “Naatu, Naatu” – le tube extrait du film RRR. C’est la première fois qu’une chanson indienne est nommée dans cette catégorie, alors que les cérémonies et festivals de cinéma continuent de bouder les films sud-asiatiques, et notamment les productions bollywoodiennes. Une époque révolue, à nouveau grâce au travail de Netflix qui a beaucoup investi dans le cinéma international ces dernières années. Suivant le parcours de deux révolutionnaires contre les colonialistes britanniques, RRR a conquis un public mondial grâce à ses effets spéciaux spectaculaires, au succès de sa bande originale sur TikTok, mais aussi à sa toile de fond postcoloniale qui décrit un aspect encore méconnu de l’histoire indienne.
La Momie, George de la Jungle, Voyage au centre de la Terre… Pendant les années 90-2000, Brendan Fraser multipliait les blockbusters. Parmi les plus plébiscités d’Hollywood à l’époque, l’acteur avait suscité la surprise (et des rumeurs folles) en disparaissant du grand écran en 2010. L’an dernier, The Whale, le film de Darren Aronofsky, marquait le retour de Fraser au cinéma. Il y interprète avec génie et émotion le personnage de Charlie, un professeur d’anglais en obésité morbide qui tente de renouer avec sa fille. Alors qu’il avait choisi de boycotter les Golden Globes après avoir accusé le président de la Hollywood Foreign Press Association d’agression sexuelle en 2003, Brendan Fraser est apparu très ému sur la scène des Oscars pour recevoir son prix, décrivant cette victoire comme une “leçon d’humilité et de gratitude”.
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À deux mois de la sortie du film en salles, les stars de La Petite Sirène ont profité de la soirée pour en révéler la bande-annonce finale. Spectaculaires, les deux minutes d’extraits confirment le respect de l’œuvre originale et la qualité des effets spéciaux avec une scène explosive de la destruction du navire d’Eric, des fonds marins hyper colorés et le rendu parfait des looks d’Ariel et d’Ursula. Un concentré de nostalgie qui attend son climax grâce à la reprise légendaire de « Under The Sea » par Halle Bailey – chanson qui remportait déjà l’Oscar de la meilleure chanson originale en 1989.
Depuis l’annonce de son tournage, l’adaptation du classique Disney n’a eu de cesse de susciter la critique d’une partie du public vexée de voir le rôle d’Ariel confié à une actrice noire. Une polémique bruyante, certes, mais toujours moins que l’excitation des familles afro-americaines et de leurs enfants qui trouvent enfin une représentation solide au Panthéon des princesses Disney.