Magie blanche ou magie noire ?
Mais Willow n’est pas seulement une icône de la communauté LGBTQI+ ; elle a aussi révolutionné la représentation de la sorcellerie. Alors qu’elle débute le show dans l’ombre de Buffy, elle s’impose progressivement comme l’une des sorcières incontournables de la télévision des années 90, une époque marquée par un regain d’intérêt de la pop culture pour l’occulte. À la différence de Charmed, Sabrina, l’apprentie sorcière ou de The Craft, qui rencontrent un succès phénoménal au même moment, le parcours magique de Willow échappe à la lecture moralisatrice de la décennie ; tandis que les sorcières sont généralement encouragées à utiliser leur pouvoir pour faire le bien et se divisent en deux camps – les bonnes et les mauvaises –, Willow est plus chaotique.
Le discours moral à propos d’un usage éclairé de la magie n’est pas absent de la série, et la fin de la saison 6, durant laquelle Willow succombe au pouvoir de la magie noire et devient franchement evil, est ancrée dans un contexte éthique qui articule de manière classique les notions de bien et de mal. La série innove cependant en ce qu’elle refuse de punir Willow pour sa déviance et lui offre une réelle possibilité de rédemption, à la différence d’autres sorcières maléfiques, comme Nancy dans The Craft, qui paye le prix fort pour avoir voulu être trop puissante.
Dans son article The Rage of Willow : Malefic Witchcraft Fantasy in Buffy the Vampire Slayer, Lisa M. Vetere analyse les enjeux de cette dualité : “La série met en scène la pression sociale à être une good witch, qui retranscrit les normes de genre traditionnelles et force les femmes à jouer le rôle de la good girl.” Cette trajectoire non linéaire permet en fait de dépasser l’antagonisme magie blanche/magie noire à l’écran et de rappeler que la sorcellerie, comme la vie, n’est jamais manichéenne. Synonyme dans la série d’homosexualité – la magie est présentée comme exclusivement féminine et le terme “witch” est régulièrement utilisé comme un nom de code pour “lesbienne” –, Willow contribue à ancrer la sorcellerie dans le discours féministe et queer. Tout en permettant au personnage de prendre confiance en elle, son parcours de sorcière annonce, au début des années 2000, la renaissance de cette dernière comme figure empowering, capable de faire usage de sa puissance de manière décomplexée.