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Beauté

Barbie est-elle féministe ?

Ou si je pose la question à l’envers, à quoi ressemble exactement une féministe ?

Aujourd’hui sort le film Barbie que j’attends tout de pleather grenadine et de cristaux Faux-rowski vêtue. Annoncé il y a maintenant deux ans, il est réalisé par la féministe indé Greta Gerwig, avec un crew inclusif et en grande partie queer. Assez d’arguments donc, pour m’ôter toute culpabilité de nager en apnée dans une mer rose bonbon pendant deux heures. 

Ma couleur préférée depuis l’enfance tapisse le Barbie World, comme tu as pu le découvrir dans le trailer, des briques de maisons aux pavés des rues en passant par les escaliers-toboggans. Le pitch : Margot Robbie vit dans un monde Tagada entourée de ses amies également prénommées Barbie. Elle dort en sandales à talons aiguilles, a le pied naturellement arqué et, chaque matin, a le choix d’enfiler n’importe quelle panoplie de métier “puissant”.

Mais un jour, c’est la catastrophe, sa douche est froide et ses pieds sont devenus plats : “Tu es dysfonctionnelle, tu vas devoir aller te faire réparer par Barbie Bizarre”, insistent ses copines affolées. Enter ma queer queen Kate McKinnon : “On a joué un peu trop fort avec mon corps alors je suis devenue bizarre”, dit celle qui ne se déplace dorénavant qu’en grand écart et salto arrière. À comprendre : ces deux personnages sont les itérations humaines de leur variante poupée hors Barbie World – et elles subissent les aléas de leur traitement en tant qu’objet plastique dans le “vrai” monde. 

Barbie Bizarre présente alors un choix à Barbie Cliché (her actual name in the film) : un talon aiguille Louboutin ou une sandale Birkenstock. Dans un clin d’œil à Matrix, elle lui dit : “Tu peux choisir de continuer de vivre dans une fiction ou découvrir la réalité.” Par réalité, elle entend The Real World, un lieu à part entière. Je reviens sur ce faux choix un peu plus tard.

Barbie Matrix !

Spoiler alert : Barbie arrive dans Réelville, et découvre qu’elle suscite deux réactions : du harcèlement sexuel par tous les hommes qu’elle croise, et la haine et l’agressivité d’autres femmes, l’accusant d’être un agent infiltré du patriarcat. Elle rencontre le PDG de Mattel, très inquiet de l’intrusion de Barbie Cliché dans le Réel. Celui-ci est joué par l’humoriste Will Ferrell, mâle grisonnant en costard-cravate rose, hyper tactile et paternalisto-orgueilleux : “Tais-toi Barbie, c’est moi qui te sauve, tu me dois tout, je suis la définition même d’un féministe, je suis un mec super, c’est mon métier de libérer les femmes alors laisse-toi faire, retourne dans ta boîte maintenant.”

Elle prend lentement conscience que l’opposition entre Birkenstock et Louboutin, entre Barbie World et Real World, n’est pas un vrai choix entre fiction et réalité. La fiction produite par Barbie est centrale à l’illusion de réalisme du Réel. Et en la croyance en un quelconque dépassement.

Je m’explique. Quand Margot Robbie fait l’expérience de la brutalité d’hommes lubriques autant que de femmes la sommant d’adopter une allure “convenable”, elle m’évoque le réel de l’identité fem : le paradoxe décrit par Joanne Nesle d’un patriarcat affublé d’un discours féministe qui autorise un slut-shaming entre femmes – les “bonnes” punissant et/ou “sauvant” les “mauvaises”.

J’aimerais te demander plutôt : à quoi ressemble une féministe ? 

L’accusation de “faire la Barbie” sous-entend la performance d’une pose, d’un pseudo-engagement limité à une panoplie reproduisant les normes qu’elle vient se targuer de contrer. (Dans mon cas, vilaine Barbie Féministe, Barbie Addiction Issues, Barbie Gouine, Barbie-Turique.)

Mais n’est-ce pas ce que le white feminism bourgeois, institutionnalisé, “neutre”, produit, main dans la main avec le pink et queer washing actuel ? Un mimétisme des apparats, vocables, folklores des classes et femmes opprimées, ordonnées de la fermer et d’aller se rhabiller ? Qui se déguise en féministe exactement, et que produit cet apparat fructueux si ce n’est de nouvelles oppressions ?

@watchmojo Kate McKinnon as Barbie Morpheus TAKE MY MONEY 👠 #barbiethemovie #thematrix #margotrobbie ♬ original sound – watchmojo

Barbie Libre Arbitre ou libre d’être Barbie ? 

La Barbie est le corps du paradoxe capitaliste : libre d’acheter des Louboutin, ou au contraire des Birkenstock. Le paradoxe, aussi, du corps subalterne : tu peux te déconstruire pour réaliser qu’au mieux, tu ne seras que Barbie Déconstruction. Non pas libre, mais Barbie Libre Arbitre – Libre Barbie pour les intimes –, la voilà qui dort non pas dans, mais à côté de la boîte (ou est-ce la boîte qui dort à côté d’elle ?).

J’aime les “Objets méchants” de l’artiste surréaliste féministe Joyce Mansour, qui sublime cette réalisation d’impuissance du corps minoré, mais dont l’air menaçant effraye. Et si être fem était la dernière des subversions pour faire chier le monde ? Jouir et rire à pleines dents de sa féminité outrageuse et des paradoxes auxquels on ne coupera pas ? Dire  “I contain multitudes, like Barbie herself !” ou  “I can be anything, even want to be a Barbie !” Et rappeler au passage qu’on parle encore de la tenue de la femme dans les affaires d’agression.

Ce soir, c’est la sortie non pas d’un mais de deux films très attendus : Barbie et Oppenheimer, qui raconte l’histoire du père de la bombe atomique. Sur Insta, tu verras la question brûlante buzzer : “Tonight 💅 or 💣 ?”. Entre nail art et bombe atomique, qui peut prévoir l’issue du combat? Entre Mattel ou Universal Studios, 2023 balance. L’année où Meta Barbie ne regardera plus les couleurs pastel de la même façon, essuyant sa candeur perdue. Et répond plutôt dans les mots du poète T. S. Eliot : “The Single Rose is Now the Garden Where All Loves End”. Xoxo, Atomik Barbie :vernis_à_ongles::bombe::rose:🌹

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