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Culture & Lifestyle

Playbabe x P3 : le calendrier qui “reclaim the feminine space”

Ces deux collectifs 100 % women-identifying s’associent autour d’un calendrier pour la Pride célébrant les identités fem et soutenant les droits des sex workers.

Aurélia Majean et Lucy Owen Jones sont les fondatrices de PLAYBABE, duo designer/photographe qui lance par cette plateforme ce qu’elles nomment une “conversation entre femmes centrée autour de la sororité, le collectif et la créativité qui en émane”.

Aujourd’hui, elles dévoilent un calendrier avec la P3 et son trio Mariana, Stencia et Sephora autour d’un calendrier spécial Pride. En jouant avec les codes du calendrier érotique, elles “reclaim the space” de l’iconographie et la prise de parole féminine.

À 100 % composé de femmes, dans l’envers et l’avant du décor, le projet vise à soutenir “sœurs, amies, idoles”. Et produire des images de femmes se sentant empuissancées. Cette approche est fondamentale à ce que l’identité dite “fem”, “femqueer” ou “femdyke” a toujours visé : retourner le stigmate de la codification féminine et son assignation à l’objectification pour en faire un terrain d’interrogation politique. Qui ne s’arrête pas à la simple production d’images : tous les bénéfices des ventes de ce calendrier seront reversés au STRASS (Syndicat du TRAvail Sexuel) pour défendre les droits des travailleur.ses du sexe (TDS). Rencontre avec Aurélie et Lucy.

Pourriez-vous vous présenter et me dire ce qui vous a menées à la création de ce projet ?

Lucy et moi nous sommes rencontrées il y a six ans à Berlin. Etant toutes deux expatriées et dans le monde du design, on a toujours rêvé de travailler ensemble. Lucy a étudié le design de mode, à la Kunsthochschule Weißensee – Berlin, et j’ai étudié quant à moi le design graphique et la direction artistique à l’École de Condé – Paris. Nous pratiquons aussi toutes les deux la photographie depuis des années, sur notre temps libre comme dans notre métier.

Chacune dans des domaines artistiques différents, nous avons voulu créer un projet alliant les qualités esthétiques de la photographie de mode à l’engagement de la photographie documentaire. On s’est prêté des dizaines d’essais féministes et de bouquins politiques, on a partagé de nombreux podcasts et il nous a semblé évident de devoir allier cet engagement à notre créativité. Fonder un projet comme PLAYBABE, ça nous a permis d’oser, d’expérimenter et de proposer un univers visuel qui nous appartient entièrement.

Notre amitié est l’essence de ce projet que l’on vit comme une sincère histoire de sororité avant toute chose. Nous sommes très présentes dans les projets de l’une et de l’autre, et aujourd’hui, voir PLAYBABE grandir et s’accomplir, c’est une fierté et un bonheur partagé. On se complète aussi dans nos compétences respectives : je m’occupe de la direction artistique globale, comprenant l’image de “marque”, l’identité visuelle, la communication, le site web, les impressions… Lucy, elle, s’occupe du design et de la production des pièces upcyclées ; on partage ensuite sur une base de 50/50 la réalisation technique des photographies, la direction artistique des shootings, les castings et bien plus.

Que vouliez-vous faire, sublimer, communiquer, via l’édition 2023 ? Quelle a été la volonté de “casting” cette année ?

L’édition 2023 est l’occasion pour nous de représenter des femmes puissantes qui défient la stigmatisation des TDS en se solidarisant à leurs combats. En effet, le casting n’est pas exclusivement constitué de TDS et beaucoup des participantes sont des alliées. On est super fières de la diversité du casting du calendrier PLAYBABE x P3 Pride, rendu possible par cette belle collaboration. Pour nous, “Femme” est compris comme un concept sous lequel des identités variées se reconnaissent et sont toutes légitimes à être représentées dans leur singularité.

Quel discours sur les corps, et le “beau” ? Et le rapport au sexy, au vêtement ?

Merci pour cette question qui est extrêmement pertinente pour notre projet. Étant un projet relativement récent, PLAYBABE est régulièrement critiqué pour son association à une esthétique dite sexy qui viendrait desservir les combats féministes en faisant du corps des femmes un argument marketing. On est conscientes de susciter ces conversations qui sont révélatrices de la stigmatisation de la nudité féminine et des contextes dans lesquels elle est acceptée, voire célébrée, ou au contraire dans lesquels elle est critiquée. Ce qu’on communique, c’est avant tout la beauté dans la sororité, dans la participation collective de toutes ces femmes à un projet commun dans le but de lever des fonds, ensemble.

Ça se traduit principalement par un discours visuel sur l’empouvoirement puisqu’elles décident toutes de participer et choisissent la manière dont elles souhaitent être représentées. On revendique le sexy dans l’attitude et pas nécessairement dans la nudité. On a des femmes pour qui il est important de montrer à quel point elles sont musclées, d’autres dont le corps est exclu des discours sur la beauté et qu’on souhaite célébrer. On s’assure tout au long du processus de la justesse de cette représentation, en se basant sur l’échange constant entre nous et chacune des PLAYBABES. C’est cette liberté de choisir la manière dont elles se sentent puissantes et sexy associé au langage visuel singulier de PLAYBABE qui fait la différence.

De quel genre de fierté vouliez-vous parler pour cette Pride ?

Pour rejoindre la question précédente, on parle de fierté de femmes sans limites, qui viennent briser les codes de ladite “féminité” dans notre société hétéronormée. L’édition Pride, c’est rendre visible toutes ces identités singulières, queers, dans leur complexité, leur entièreté afin de créer des modèles d’identifications puissants. On espère ainsi permettre à une large audience de femmes de s’identifier à travers ces représentations.

Cela parle aussi des identités queers dites fem, ici mises en avant.

En s’associant avec la P3 et ses fondatrices Mariana, Stencia et Sephora, il était clair que les identités queers et fem seraient mises en avant. Avec leurs soirées en non-mixité, elles proposent des safe spaces pour les femmes queers et/ou racisées dans la nightlife parisienne. A la suite de chaque édition de la P3,  les teasers publiés sur les réseaux sociaux viennent déconstruire les clichés sur la communauté queer en célébrant les identités queers dites fem. C’est pourquoi la collaboration entre PLAYBABE et la P3 nous semblait judicieuse, en associant ces deux entités afin de créer un commentaire pertinent sur l’essentialisation de la féminité.

Comment avez-vous travaillé avec les modèles pour qu’elles se sentent représentées comme elles le veulent, qu’elles aient une agentivité et une safeness dans le projet et la prise de vues ?

C’est vraiment un point capital pour nous que les collaboratrices qui sont représentées dans le projet soient actives dans la prise de décision car on travaille avant tout avec leur image. Cette démarche s’articule à deux moments clés du projet. Tout d’abord en amont : lors des premières rencontres/appels, on explore toujours les idées qui sont potentiellement déjà là, de notre côté comme du leur, et on décide ensemble quelle direction prendre. C’est aussi un moment où l’on explique clairement que la nudité ou le fait de poser en sous-vêtements n’est en aucun cas une obligation dans PLAYBABE. On rappelle qu’on aime réinterpréter les codes des calendriers érotiques mais que l’érotisme est libre d’être pensé de diverses manières et ne doit pas être une contrainte. On s’assure de leur demander les choses qu’elles ne souhaitent pas montrer ou les craintes possibles par rapport au résultat final car on veut créer une relation de confiance. Les équipes qui travaillent sur le projet sont constituées à 99 % de femmes, ce qui implique souvent des espaces en non-mixité propices au safeness contrairement à la majorité des équipes dans l’industrie de la mode, de la publicité ou du cinéma par exemple. Le deuxième moment où l’on sollicite leur opinion, c’est sur le résultat final. On leur propose deux ou trois options afin de décider ensemble de ce qui sera imprimé dans le calendrier final.

C’est aussi un projet circulaire, responsable : pouvez-vous m’en dire plus ?

On parle de responsabilité et de circularité à plusieurs niveaux et notamment via les matériaux qu’on utilise pour la production de notre merch. Les t-shirts sont soigneusement chinés dans nos adresses berlinoises et sont sérigraphiés par Aurélia dans un atelier collaboratif. Les strings PLAYBABE que j’ai designés et que je produis avec amour dans mon atelier sont également coupés dans des pièces de seconde main que j’achète à droite et à gauche. On pense aussi la responsabilité dans les relations humaines qu’on établit via ce projet. Le format du calendrier nous engage à travailler sur environ 12 ou 13 shootings à chaque édition et donc avec au moins une douzaine de femmes différentes avec lesquelles on établit des relations pérennes. On part du principe qu’elles nous font un cadeau extrêmement généreux en se livrant à nous avec leur image et souvent avec leur vécu autour des discussions qui émergent dans le contexte d’intimité du shooting. On aspire à ce que PLAYBABE devienne un collectif allant au-delà du calendrier à but non lucratif qui permettrait de nous réunir sur des projets rémunérés. Une partie du budget de chaque projet serait automatiquement reversée à des associations féministes. Ce serait aussi une manière circulaire pour nous de renvoyer l’ascenseur à toutes nos incroyables PLAYBABES en les bookant sur d’autres projets.

Enfin, parlez-moi de votre collaboration et votre soutien à Hydra (Berlin) et le STRASS (Paris) ? Quel message portez-vous sur les sex workers et les droits des TDS aujourd’hui ?

C’est important pour nous de soutenir et défendre les droits des TDS car on a toutes les deux énormément appris des nombreux contenus créés et distribués par des TDS, que ce soit en France, en Allemagne ou aux Etats-Unis. Il est clair que la représentation du travail du sexe dans notre culture est aujourd’hui encore inexacte, ce qui engendre une stigmatisation qui dessert la cause féministe à nos yeux. L’amalgame entre travail du sexe et traite des personnes est extrêmement dangereux et perpétuellement utilisé dans l’imagerie populaire.

Cela a pour effet de donner une vision déresponsabilisée, apolitique, voire de victimes des TDS et donc d’appliquer des mesures qui n’ont absolument aucun lien avec leur protection et l’amélioration de leurs conditions de travail. En tant qu’alliées, on espère pouvoir amener la discussion sur le travail du sexe dans des espaces où elle n’a pas nécessairement lieu. On utilise PLAYBABE comme un amplificateur du discours des TDS afin de rappeler qu’iels sont des travailleur.se.s comme les autres. Il est primordial qu’iels obtiennent au minimum les mêmes droits face au travail, au traitement médiatique et à la dignité. On sait que la société aurait énormément à gagner en écoutant les revendications éclairées des TDS. C’est aussi super intéressant pour nous de soutenir deux assos dans deux pays distincts avec des législations différentes sur le travail du sexe. A chaque édition, on a fait le choix de travailler avec les associations qui étaient en place depuis longtemps dans les villes de Berlin et Paris car on part du principe qu’elles ont une expérience du terrain et un réseau établi qui permet véritablement d’avoir un impact.

Le nouveau calendrier PLAYBABE x P3 (format A4) est une édition spéciale Pride, allant de juin 2023 à mai 2024

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