Love letter à Helmut Lang et à sa révolution de la mode minimaliste
Comment Helmut Lang a-t-il contribué à créer mon amour de la mode minimaliste ?
Comment Helmut Lang a-t-il contribué à créer mon amour de la mode minimaliste ?
Alors que la première collection de Peter Do pour Helmut Lang sera présentée à la NYFW le 8 septembre, j’ai pris le temps de réfléchir à toutes les raisons pour lesquelles j’adore Helmut Lang et à la façon dont son travail a contribué à façonner mon petit cœur de fashionisto. Celui-ci est pour vous, Lang fandom !
Bien qu’on ne parle pas beaucoup de lui dans la fashionphère d’aujourd’hui, le créateur autrichien Helmut Lang, avec sa marque éponyme, a laissé un héritage fait d’innovation, de créativité et de révolution. Lorsqu’on a appris en mai dernier que Peter Do, créateur new-yorkais révélé il y a quelques années qui a, à sa manière, déclenché une révolution, deviendrait le nouveau directeur de la création d’Helmut Lang, en tant que fan, j’étais super enthousiaste. En tant que passionné de mode, il y a plusieurs designers qui m’ont touché, mais depuis que j’ai découvert le travail de M. Lang – malheureusement à une époque où je n’étais encore qu’un bébé, je n’ai donc pas pu profiter pleinement de son génie –, il a gardé une place très spéciale dans mon cœur et dans mon subconscient esthétique. Je t’explique pourquoi.
Avant tout, quand on parle de mode, il est important de contextualiser. Si tu cherches sur Google, tu trouveras de nombreux articles et documentaires YouTube qui iront dans les détails, mais je te fais un petit résumé : quand on pense à la mode dans les années 1980, on pense automatiquement à l’excès. C’était l’époque du toujours plus, plus de bouffissures, plus de paillettes, plus d’organza de soie brillante, d’épaulettes, de néons… La mode était dominée par des créateurs comme Christian Lacroix, Thierry Mugler, le Chanel de Karl Lagerfeld, Jean-Paul Gaultier, Gianni Versace… La liste est longue mais t’as compris : tous ces créateurs n’avaient pas peur d’en faire trop et de pousser l’excentricité à l’extrême – et on les adore pour ça.
Mais comme tu le sais probablement, la mode doit toujours évoluer pour rester fun, et c’est alors que, dans les années 80, une révolution s’est produite ; elle a commencé lorsque les créateurs japonais ont pris le pouvoir à Paris. Issey Miyake, Rei Kawakubo de Comme Des Garçons, Yohji Yamamoto, Kenzo Takada présentaient une vision de la mode qui contrastait complètement avec ce qui avait été fait auparavant. Le moins commençait à devenir plus, l’accent a été mis sur la construction, et les formes architecturales – parfois même pas humaines – des vêtements remplaçaient les tailles cintrées et les épaules XXL ; le savoir-faire se concentrait davantage sur la réalisation de plis parfaits au lieu de broderies complexes d’inspiration baroque, les couleurs étaient plus subtiles au lieu d’être extravagantes.
Les choses sont devenues un peu plus “réelles” en fait. La poésie de la mode ne se concentrait plus seulement sur ce que l’on peut voir, mais sur ce qu’un vêtement peut nous faire ressentir, sur un état d’esprit plutôt que sur du bling. Et ça a permis de faire éclore des voix plus diverses dans la mode, ouvrant la voie à une décolonisation de la beauté et des valeurs de genre, un phénomène qui allait bientôt se mondialiser.
Cette petite révolution a ouvert la voie à une autre, qui allait définir le moment de la mode pour la décennie suivante : le minimalisme. Le minimalisme est vraiment le mouvement qui a tout changé dans l’industrie et qui annonçait à quoi allait ressembler le nouveau millénaire. Après les excès en tout genre est venue une phobie totale de l’excès. On s’est concentré sur les vêtements, la coupe, la construction, la pureté d’un vêtement conçu pour durer toute une vie – et non plus pour être vu et porté une seule fois. Et devine qui était le boss du game quand la mode est devenue minimaliste ? Le roi lui-même, Helmut Lang.
Helmut Lang a créé sa marque en 1979 à Vienne, en Autriche, il a présenté son premier défilé officiel au Centre Pompidou à Paris en 1986 et a inauguré le concept de défilé de mode “séance de travail” peu de temps après, en 1988. Le génie d’Helmut Lang a alors pris son envol et atteint son apogée au début des années 90 en introduisant une nouvelle façon de penser la mode avec une conception utilitaire – il était super inspiré par les vêtements de travail et les uniformes – qui n’avait pourtant rien d’ordinaire. L’aspect sexy et le désir étaient là, mais ils étaient simplement pensés d’une manière jamais vue auparavant.
En outre, entre 1988 et 2004, Helmut Lang a révolutionné la publicité pour la mode, le concept de magasin, le concept de denim de designer : il a aussi changé la donne avec le premier défilé diffusé sur Internet et, par sa simple volonté, il a fait avancer la date de la Fashion Week de New York, passée première dans le calendrier. Pas mal, non ?
Trouver de nouvelles façons de penser la mode n’est pas chose aisée, mais quand ça arrive, c’est une véritable révélation. C’est ce que j’ai ressenti en découvrant le travail d’Helmut Lang – j’ai même consacré mon mémoire de fin d’études à ce sujet, je te jure. J’ai toujours été fasciné par la mode et, bien sûr, j’avais déjà beaucoup d’admiration pour d’autres figures minimalistes comme Martin Margiela, Ann Demeulemeester et Miuccia Prada à l’époque. Mais Helmut m’a ouvert les portes d’un nouveau monde, il m’a fait ressentir des choses que je n’avais jamais ressenties. Je me souviens avoir passé une nuit entière à parcourir la page d’archives Helmut Lang sur Tumblr (https://helmut-lang-archive.tumblr.com/) et avoir été hypnotisé par sa façon de faire du vêtement un article conceptuel. Entre ses mains, il n’était plus seulement un ornement du corps, mais il l’accentuait ou le désaccentuait pour en faire une sculpture à part entière.
Le sentiment que j’ai eu en analysant pour la première fois ces pièces – scannées à partir de magazines et de catalogues vintage et disponibles sur un écran d’ordinateur de 2014 car je n’avais aucun moyen de voir l’une d’entre elles IRL bien sûr –, c’était que, si tu la regardes juste comme ça, posée sur un cintre, on dirait une chemise blanche comme un autre, mais une fois que tu la contextualises sur un corps, cette pièce qui semblait si simple devient quelque chose de complètement différent. C’est comme si elle venait d’un autre monde et qu’elle se camouflait dans le nôtre. De la pure fashion love !
Tout ce qu’il a fait est tellement extra, juste en réimaginant l’ordinaire : les pièces emblématiques comme le jean de peintre de l’été 1998, la veste M69 Flak de l’hiver 1999, qui prend son inspiration dans les uniformes militaires et le vestiaire BDSM, ou toute la collection de l’hiver 1995, avec Naomi, Linda et Shalom Harlow en train de slay des pièces en noir et blanc avec des plumes dans les cheveux.
Il m’est difficile de décrire avec des mots ce que le travail d’Helmut Lang représente pour moi, mais le plus important, c’est qu’il m’a appris à apprécier la mode avec mon esprit plutôt qu’avec mes yeux. Il a déclenché une révolution en moi, car il m’a montré une façon d’être extra de l’intérieur, d’une façon si discrète qu’elle devient un sentiment plutôt qu’une attitude. Et après, il décide de prendre sa retraite de la mode (en 2005) et de devenir un artiste à part entière, sans jamais regarder en arrière ? Honestly, goals !
Je suis vraiment impatient comment de voir comment Peter Do va réimaginer cet univers. Quatre décennies plus tard, on sent toujours l’influence d’Helmut Lang dans la mode et j’ai envie de voir cet héritage recontextualisé pour la fashionsphère d’aujourd’hui. Mais en attendant le défilé, je vais me faire une petite soirée à mater les photos scannées toutes pixélisées de ses archives…