PROBLEMATIC FANTASY ?
Evidemment, ce genre de progrès – si petit soit-il – n’est pas du goût de tous.tes. Tu te souviens encore sûrement de la colère provoquée par le casting de Nora Dumezweni en tant qu’Hermione Granger dans la pièce de théâtre Harry Potter and the Cursed Child en 2016, ou plus récemment celui de Halle Bailey dans le rôle de la Petite Sirène… À chaque fois, les mêmes nous chantent leur vieille chanson.
Dès la diffusion du premier épisode de House of the Dragon, l’acteur Steve Toussaint a évidemment subi les mêmes attaques. Dans le rôle de Corlys Velaryon – mari d’une princesse Targaryen présenté comme l’homme le plus riche de Westeros –, sa peau noire associée à son haut rang semblait perturber une partie du public. Aux haters, l’acteur a répondu, moqueur : “On dirait que certains ont vraiment du mal à l’avaler. Des dragons, des yeux violets et des cheveux blancs, ça ne les gêne pas. Mais un mec noir et riche ? C’est au-delà de ce qu’ils peuvent supporter !”
Cible des mêmes tentatives de gatekeeping, l’équipe du spin-off du Seigneur des anneaux a brisé le silence le 8 septembre : “Tolkien a créé un monde multiculturel par définition. […] Les personnes de couleur ont leur place en Terre du Milieu et sont là pour rester.” Une déclaration inspirante à relativiser, car l’œuvre de Tolkien a, comme l’explique la spécialiste Helen Young de tout temps attiré les racistes et suprémacistes blancs (même s’il était profondément antinazi), à cause de “la combinaison de stéréotypes raciaux et de hiérarchie raciale” dans son œuvre, reflet de la vision du monde étriquée de l’époque – les années 20-30. “L’imagination de Tolkien était vaste et variée, mais elle avait aussi ses limites”, écrit-elle.
Pour le médiéviste Paul B. Sturtevant, l’usage du terme “race” dans son œuvre serait en fait le “péché originel” de l’heroic fantasy : “Tolkien confond race, culture et compétence. Il dit que les Hobbits, en tant que race, se reconnaissent dans une combinaison de traits héréditaires et de pratiques culturelles qui les rendent plus dégourdis que d’autres. Les auteurs contemporains doivent se libérer de cette idée.” Il faut dire aussi que la version cinéma de Peter Jackson n’a pas aidé avec son casting désespérément monochrome – le seul Noir, Lawrence Makoare, récupérant le rôle de Lurtz, l’affreux boss des Orques…