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Igor Dieryck: Hyères, Aujourd’hui et Demain

Igor Dieryck, lauréat du Festival d’Hyères 2023, se livre sans détour dans cette interview exclusive.

 

Igor Dieryck, lauréat du Festival d’Hyères 2023, s’impose comme une figure montante de la mode contemporaine. De retour en tant que juré pour la 39ème édition du festival, il partage avec nous son parcours atypique, ses expériences et les inspirations derrière sa nouvelle collection. Alliant humour, engagement social et esthétique raffinée, il incarne parfaitement les designs d’aujourd’hui et se livre sans détour dans cette interview exclusive.

 

Qu’est-ce qui t’a conduit vers la mode ? Y a-t-il un moment ou une personne en particulier qui a déclenché cette passion chez toi ?

Ma passion pour la mode remonte à mon enfance. Je passais beaucoup de temps à regarder des clips musicaux à la télévision, fasciné par les tenues incroyables des stars. Cela m’a rapidement conduit à dessiner en parallèle. À l’âge de 10 ans, j’ai demandé à ma mère de m’inscrire à des cours de couture, et c’est là que tout a commencé. À 13 ans, j’ai même réalisé ma première petite collection. Ce désir de créer est venu très tôt, et malgré quelques moments de doute, j’ai toujours su que je voulais exprimer mon imagination à travers les vêtements.

 

En 2023, tu as remporté trois prix au Festival de Hyères. Comment as-tu vécu cette expérience et qu’est-ce que cela a changé pour toi, personnellement et professionnellement ?

Remporter ces trois prix a eu un impact énorme sur moi. Sur le plan personnel, c’est une véritable validation qui m’a permis de gagner en confiance. J’ai appris à écouter mes intuitions et à croire en mes choix créatifs. J’ai également rencontré des personnes formidables, notamment deux autres finalistes qui sont devenus de proches amis.

Professionnellement, cela m’a ouvert des portes. Cela ne signifie pas que tout est devenu facile du jour au lendemain, mais j’ai eu l’opportunité de rencontrer des gens incroyables et d’établir des connexions que je n’aurais jamais imaginées sans ces prix. Les rencontres que j’ai faites à Hyères ont vraiment été un tournant pour la suite de mon parcours.

 

Quelle est la plus grande leçon que tu as tirée après avoir remporté ces prix ? Cela a-t-il influencé ta façon de travailler sur tes projets futurs ?

La plus grande leçon que j’ai retenue, c’est de ne pas précipiter les choses. Après Hyères, beaucoup m’ont conseillé de lancer ma propre marque. J’ai hésité, mais finalement, j’ai choisi de prendre le temps. Je veux développer mon projet personnel de manière réfléchie, tout en continuant à évoluer au sein d’une grande maison comme Hermès. Pour moi, il est essentiel de poser des bases solides avant de me lancer. J’aimerais que mes créations reflètent un travail de qualité, et cela nécessite du temps, des rencontres et des collaborations avec une équipe en qui j’ai confiance.

 

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Comment ton expérience chez Hermès influence-t-elle ta manière d’aborder la mode ?

Mon expérience chez Hermès a transformé ma vision de la mode, m’amenant à plus de maturité et de réalisme. J’ai appris à simplifier mes messages pour les rendre plus percutants. Hermès m’a aussi enseigné l’importance de la qualité irréprochable et de la subtilité. Là-bas, la qualité des finitions et la conception sont primordiales. Cela m’a poussé à appliquer ces standards élevés à mon propre travail, pour créer des pièces qui allient esthétique et maîtrise technique.

Cette année, tu es membre du jury du Festival de Hyères. Comment te sens-tu dans ce rôle et qu’apportes-tu de ton propre parcours ?

C’est un honneur d’être juré cette année, d’autant plus que je suis proche des finalistes, non seulement en termes d’âge, mais aussi d’expérience, ayant été à leur place l’an passé. Mon objectif est d’apporter une perspective bienveillante tout en étant exigeant sur les critères de sélection. J’ai conscience des défis auxquels ils font face, et je veux les encourager à rester fidèles à leur vision tout en les guidant avec mes retours. Ce festival est unique par sa liberté créative, et je souhaite mettre en avant cette singularité en tant que juré.

Quels critères prioritaires utilises-tu pour juger les créations des nouveaux talents ?

Je cherche avant tout la cohérence. Pour moi, il est essentiel que chaque créateur soit “dans son axe”, c’est-à-dire que son univers soit bien défini et que l’on puisse saisir ce qu’il veut transmettre. Même si ses vêtements ne sont pas à mon goût personnel, il faut qu’il y ait un message clair et une identité forte. Je cherche à déceler un sens dans les choix esthétiques, qu’ils soient beaux ou non, et à comprendre pourquoi un créateur a opté pour telle ou telle approche. Idéalement, ses pièces doivent me donner envie de porter ses vêtements ou de rêver à travers eux.

Parlons de ta nouvelle collection “AD FUNDUM”. Comment l’idée de critiquer les traditions liées au bizutage étudiant est-elle née ?

L’idée m’est venue en partageant ces pratiques avec mes amis et collègues à Paris. Ce qui me semblait tout à fait normal dans mon contexte belge les choquait profondément. Cela m’a amené à questionner ces traditions que je n’avais jamais vraiment remises en cause. Le bizutage est ancré dans la culture universitaire belge, et cette prise de conscience m’a donné envie d’explorer ce sujet plus en profondeur à travers ma collection.

Pourquoi l’uniforme joue-t-il un rôle central dans tes créations, et comment l’as-tu intégré dans cette collection ?

L’uniforme a toujours été un thème central dans mon travail. Il modifie la perception des autres sans changer fondamentalement la personne. C’est un sujet fascinant pour un designer, car la mode est justement un outil de transformation. Dans cette collection, j’ai travaillé autour de l’uniforme étudiant, chargé de symboles et de traditions. Il représente non seulement l’appartenance à un groupe, mais aussi les codes et les histoires qui viennent avec. J’ai voulu jouer avec ces éléments pour proposer des pièces qui questionnent et transforment notre rapport à l’identité et au collectif.

La collaboration avec Lesage et Chanel pour les broderies sur cette collection est fascinante. Peux-tu nous en dire plus sur ce choix et l’importance symbolique de la bière dans ces motifs ?

Pour la collaboration avec Lesage, c’était une évidence pour moi d’explorer l’univers de la bière. Elle est centrale dans le bizutage : un symbole festif, mais aussi un facteur d’excès. La bière, souvent perçue comme amusante, devient un prétexte pour justifier des comportements déviants. Ce contraste m’a intéressé. J’ai voulu que les broderies sophistiquées de Lesage transforment des pièces banales comme un hoodie de 15€ trouvé en ligne. L’idée était de mélanger des éléments opposés – un vêtement usé, sans valeur, sublimé par un artisanat de haute couture, pour souligner ce pied de nez à la tradition de la broderie que Lesage réalise habituellement pour Chanel ou Balenciaga.

“AD FUNDUM” fait un contraste entre l’élégance du costume et la décontraction du streetwear. Comment as-tu articulé ces deux esthétiques pour donner vie à cette collection ?

Mon travail est vraiment une alchimie entre deux mondes : le tailoring et le streetwear. J’aime casser les codes en ajoutant des éléments décalés à un look strict, ou à l’inverse, rendre une tenue streetwear plus élégante. Cela peut vite basculer dans le mauvais goût, mais je joue avec cette frontière. C’est une recherche constante de l’équilibre entre des pièces modernes, dynamiques et sophistiquées. Mon but est de toujours garder une touche d’élégance, tout en insufflant cette énergie streetwear qui s’adresse aux jeunes générations.

Tu as également collaboré avec Dover Street Market, les Galeries Lafayette et KOMONO. Comment ces projets extérieurs enrichissent-ils ton processus créatif ?

Ces collaborations m’ont enrichi de différentes manières. Avec les Galeries Lafayette, j’ai appris à travailler la maille, un domaine que je maîtrisais peu. Le challenge était de donner une touche moderne à des pièces qui semblaient classiques au premier abord. Avec KOMONO, le travail des lunettes a ouvert de nouveaux horizons techniques et créatifs, en jonglant entre mes rêves de créateur et les exigences de portabilité. Enfin, Dover Street Market est une aventure personnelle et professionnelle, née d’une collaboration avec un ami designer, Martin Salier. Avoir mes chaussures exposées aux côtés de Prada ou Margiela dans cette boutique emblématique, c’était une vraie consécration.

Ton travail aborde souvent des thèmes sociaux ou critiques, comme dans “AD FUNDUM”. Penses-tu que la mode doit avant tout provoquer des réflexions, ou qu’elle peut simplement exister pour son esthétique ?

La mode, pour moi, a le pouvoir de susciter des émotions fortes. J’aime l’idée qu’un défilé puisse provoquer des rires, des pleurs, ou des critiques, tant qu’il ne laisse pas indifférent. Mon travail est ma façon de communiquer mes idées, d’analyser la société. Je respecte les créateurs qui se concentrent uniquement sur l’esthétique, mais personnellement, j’aime que mes créations véhiculent aussi un message. Je cherche à créer des vêtements qui sont désirables non seulement pour leur apparence, mais aussi pour les émotions qu’ils génèrent chez ceux.lles qui les portent.

Dans ton travail, tu mets en avant la « belgitude ». Quelle est ta vision de l’évolution de la mode belge sur la scène internationale, et quel rôle aimerais-tu y jouer ?

C’est vrai que j’apporte beaucoup de « belgitude » dans mon travail, et c’est un élément fondamental pour moi. La Belgique a une culture particulière, souvent méconnue à l’international, car elle est complexe, mélangeant influences germaniques et latines. Même entre Belges, il y a des différences culturelles notables, mais un élément commun nous unit : l’humour, le second degré, et cette capacité à ne pas se prendre trop au sérieux. Cela se retrouve dans mon travail, qui reste rigoureux dans sa conception, mais qui inclut toujours une touche de fun ou un détail surprenant. C’est cette essence belge qui nourrit mes créations.

Concernant l’avenir de la mode belge, je pense que nous avons déjà un héritage exceptionnel. Il y a une nouvelle génération de créateurs talentueux, belges ou issus des écoles belges, qui continuent de porter cette flamme. Personnellement, j’aimerais évoluer en représentant fièrement cette culture. La mode belge a cette particularité d’être réfléchie, souvent engagée, avec une dose d’humour et de légèreté qui la distingue. 

C’est cet équilibre que j’espère continuer à incarner sur la scène internationale.

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