Quand la mode joue le jeu dangereux des paparazzis
Et POV : ça ne date pas d’hier !
Et POV : ça ne date pas d’hier !
GCDS – Campagne “Baci da L.A.” – 2024
Cet hiver, le city bag de Balenciaga s’est offert une cure de jouvence dans une campagne intitulée « The City Paparazzi », dans laquelle des clichés paparazzés de stars Y2K comme Tyra Banks, Alek Wek ou Paris Hilton sont utilisés près de vingt ans après leur publication, tandis que la marque incruste numériquement son sac star aux bras de ces célébrités. Avant elle, Bottega Veneta ou Gucci ont mis en scène Rihanna, ASAP Rocky, Kendall Jenner et Bad Bunny lors de fausses paparazzades destinées à promouvoir leur nouvelle collection. Tout comme Yeezy, qui, pour sa saison 6 en 2017, avait déjà compris que photographier Paris et Kim Kardashian à la volée dans les rues de Los Angeles était le summum du cool.
Des clichés à mille lieues des campagnes léchées de photographes comme Annie Leibovitz ou Mert & Marcus, prouvant ainsi qu’une marque de mode peut se montrer populaire, capturant de vrais/faux moments de vie ordinaire tout en s’amusant avec l’esthétique normcore. Mais si la mode se plaît à inventer un quotidien à ces stars, elles sont, dans la réalité, à deux doigts de craquer tant la pression des paparazzis leur gâche souvent la vie.
Bottega Veneta – Campagne « READYMADE » – 2024
Balenciaga – Campagne « Le City Paparazzi » – 2025
Stars à domicile
On se souvient tous de Britney, armée d’un parapluie, en 2007, prête à défoncer la voiture d’un paparazzi. Si la star de Baby One More Time a longtemps fait la bonne élève devant ceux qui revendaient ses clichés à prix d’or aux magazines people, elle est aussi l’une des célébrités qui a le plus morflé de cette usurpation d’identité, allant jusqu’à craindre pour sa vie. Les clichés de ses virées nocturnes avec Paris Hilton et Lindsay Lohan sont, eux aussi, entrés au panthéon de la pop culture, tout comme ces scènes cringe à souhait durant lesquelles la jeune mère de famille, traquée, manque de louper le trottoir alors qu’elle porte son bébé dans les bras. Elle ne cherche pourtant qu’à protéger ce dernier, mais les clichés la font passer, aux yeux du monde entier, pour une femme incapable de gérer sa progéniture. Tels des charognards, les paparazzis se délectent de voir ainsi tomber en désuétude l’idole des jeunes, une dizaine d’années après avoir traqué une autre star qui, tout comme Britney, ne demandait seulement qu’on lui foute la paix : Lady Di.
Si la Princess of pop n’a cessé, depuis le début de sa carrière, de se montrer aussi docile qu’imprévisible face aux paparazzis, elle a surpris tout le monde en entamant une relation amoureuse avec l’un de ses bourreaux, le paparazzi Adnan Ghalib, en 2008. Une idylle express de 3 mois sous forme de syndrome de Stockholm qui se termine par une trahison, puisque la chanteuse largue son boyfriend en l’accusant d’avoir délibérément placer un test de grossesse à côté d’elle afin de lancer une énième rumeur à son sujet.
Depuis la fin de sa tutelle, en 2021, elle n’hésite d’ailleurs plus à afficher sur ses réseaux sociaux ceux qui l’ont tant fait souffrir – et qui continuent de la traquer malgré le mal déjà causé : « Les paparazzi savent où je suis et ce n’est vraiment pas drôle« , écrit-elle sur Instagram lors de ses vacances hawaïennes. « C’est assez difficile d’aller n’importe où à cause de ces idiots qui continuent à pointer le
bout de leur nez pour prendre une photo… Mais ils ne font pas que me photographier, ils déforment mon corps en modifiant l’image et c’est embarrassant. Je sais que mon corps n’est pas parfait, mais je ne ressemble pas à la façon dont ils me présentent. C’est grossier et méchant. Alors, les paparazzi : allez gentiment vous faire foutre ! »
APAB (All Paparazzi Are Bastards) ?
Une fronde que connaît un autre enfant star : Justin Bieber, qui depuis quelques mois tente de nous alerter sur la toxicité des paparazzis. Tandis qu’il se rend, en avril dernier, dans un café de Palm Springs, il se voit comme souvent pourchassé par une meute de photographes. Alors qu’il se couvre le visage pour éviter d’être photographié, l’un d’eux ose le saluer, ce qui fait partir en vrille le chanteur canadien : « Pourquoi êtes-vous ici ? Pour la thune, la thune, et la thune. Foutez le camp ! L’argent, c’est tout ce que vous voulez. Vous ne vous souciez pas des êtres humains. » Depuis, Justin n’en démord pas, en venant même jusqu’à filmer ses agresseurs afin de nous partager sa traque sur son Insta, le 25 avril, façon POV : « Look at these guys » nous répète-t-il durant toute la vidéo, filmant ces hommes sans foi ni loi qui ne cessent de faire crépiter leur flash dans un silence assourdissant.
Mr. Bieber n’a pas eu la chance, contrairement à sa femme, de croiser Miles Diggs, alias Diggzy, un paparazzi 2.0 dont le compte Instagram rassemble plus de 325 000 followers. Contrairement à ses collègues (et concurrents), ce photographe de 30 ans a compris qu’un paparazzi pouvait être éthique en demandant aux célébrités si elles acceptaient d’être photographiées, tout en restant poli et courtois, comme il l’explique lors d’une interview pour Vogue en 2021 : « Il faut parfois accepter de laisser tomber une photo si vous êtes face à une star qui ne veut pas être photographiée. Je respecte lorsqu’une célébrité me dit que ce n’est pas un bon jour pour elle, ou qu’elle ne veut pas qu’une photo soit prise à la sortie d’un club si elle a trop bu, ou quand elle se rend chez le médecin. S’ils ne le sentent pas, vous devez le respecter. Ça va dans les deux sens. » Résultat : le photographe est devenu un proche d’Ariana Grande ou de Rihanna, qui lui confie la réalisation des clichés présentant son second enfant au monde entier. Des photos à l’ambiance paparazzée, mais pour lesquelles la star de la Barbade et ses bambins gardent entièrement leur droit à l’image.
Yeezy – campagne Season 6 – 2018
Génération selfish
Lorsque Kim Kardashian interviewe sa fille de 11 ans en novembre dernier pour le magazine Interview, la préado, connue pour son franc-parler, ne mâche pas ses mots lorsque sa daronne lui demande ce qu’elle pense des paparazzis : « Quand je viens juste de me réveiller et que je vois qu’ils sont partout, je suis en mode ‘YO, je vais tous porter plainte contre vous.’ Mais si j’suis préparée, que je ne suis pas trop fatiguée et que mon outfit est ok, ils ont le droit de me prendre en photo. »
North West résume ainsi parfaitement le paradoxe d’une génération élevée dans le culte de soi, où l’iPhone est devenu un miroir et les réseaux sociaux notre journal intime. Et puisque, pour les paparazzis, les stars n’hésitent pas à s’exhiber sur les réseaux, pourquoi ne pas leur voler le peu d’intimité qu’il leur reste ?
En reprenant l’esthétique paparazzi lors de leurs campagnes, les marques perpétuent cette idée que les corps exposés appartiennent désormais à qui veut bien les consommer, reléguant ainsi la notion de consentement aux oubliettes. Les stars se prêtant à cet exercice cultivent, quant à elles, l’ambiguïté de normaliser une pratique qui ne devrait plus exister, brouillant ainsi les frontières de l’intimité.
You want a piece of me ? Contre un gros chèque : oh oui !