Dans les coulisses de G-STAR : archives, art et anatomie du denim
Entre reboot créatif, manifeste artistique et gorille couture, G-STAR réaffirme sa vision radicale du denim.
Entre reboot créatif, manifeste artistique et gorille couture, G-STAR réaffirme sa vision radicale du denim.
Le ton est donné dès l’entrée : esthétique brutaliste, comptoir central signé Marc Newson, meubles inspirés des années 1940 dessinés par Jean Prouvé et détails soignés du sol au plafond. On est là pour parler de mode, oui, mais aussi (et surtout) de design, d’archives et d’expérimentation textile.
« The Art of Raw » : une collection d’art privé by G-STAR
Au détour des couloirs, Tanne Donjacour Gielen – Editor in Chief de la marque – nous embarque dans un art tour passionnant. Entre robes de drag queens entièrement pensées autour de leur personnalité, objets design et œuvres hybrides (faites à partir de stocks inutilisés ou recyclés), le message est clair : le denim devient médium.
Mention spéciale à la table de réunion circulaire « Residual Blueprints » de Bruno Baietto, moulée en aluminium et texturée à partir de jeans recyclés. Boutons, coutures, empiècements, tout y est incrusté comme une empreinte fossile. Originaire d’une famille de boulangers, Bruno Baietto s’inspire de son héritage et pétrit son approche artistique avec un certain sens de l’artisanat. Il explique : « In a bakery, you produce things from scratch, and the craft is essential. This relates to the work of a designer, where you mix materials to create a final product ».
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En exclusivité, on découvre la toute nouvelle collaboration KNWLS x G-STAR baptisée THE DENIM 002. Pensée comme une réinterprétation sensuelle et structurée des pièces G-STAR, cette collection emprunte au vestiaire du biker et au tailoring anatomique : jean low-rise aux pinces visibles, coutures volontairement retournées et volumes qui épousent sans contraindre. Dans cette construction « envers, endroit », Charlotte Knowles et Alexandre Arsenault expliquent : « Nous voulions un pantalon qui soit slim mais sans être trop serré (…) un peu garçon manqué, un peu cowboy (…) mais aussi anatomique, avec les pinces structurantes au niveau des genoux. Et quand nous avons retourné le jean, nous nous sommes rendu compte que le travail de piqûre était vraiment de toute beauté. Alors nous avons décidé de le laisser visible ».
Le résultat est brut, sexy, un peu tordu, mais surtout très réussi.
Un autre moment fort de cette visite : la collection des archives. Impossible de ne pas se perdre dans cette immense pièce avec des allées et des kilomètres de vêtements. Un intervenant passionné nous plonge dans les racines stylistiques de G-STAR et nous présente un ensemble de pièces post-Seconde Guerre mondiale : vêtements militaires, combinaisons anti-radiations, ou encore tenues de biker. Il explique qu’à cette période, les jeunes européens sont fascinés par la pop culture américaine, notamment par le cinéma, certains styles musicaux, les blousons college ou encore les t-shirts. Ils rêvent eux aussi d’un tout nouveau style et d’une esthétique « USA coded ». Alors les jeunes générations de créateurs tentent de s’en emparer et de la (re)créer, une façon de traduire le rêve américain à l’européenne.
Peu de temps après, en 1996, Pierre Morisset, designer star de la maison, lance le modèle Elwood. Ce dernier, véritable pièce phare, incarne le tournant technique et stylistique de G-STAR avec ses coutures apparentes et détails techniques empruntés à l’utilitaire. Inspiré des pantalons de moto usés, Pierre Morisset imagine un jean en denim brut pour ce modèle. Une idée qui va à contre-courant des tendances de l’époque, où le délavé règne en maître, et qui marquera à jamais l’ADN de la marque.
Quelques rues plus loin, c’est un tout autre genre de spectacle qui nous attend au Art Zoo Museum, où G-STAR dévoile The Denim Gorilla. Oui, un gorille, en denim, de 3,5 mètres de haut. Imaginé par le duo néerlandais Darwin, Sinke & van Tongeren — artistes taxidermistes à l’esthétique baroque — le primate semble tout droit sorti d’un rêve à mi-chemin entre Renaissance et runway. Musclé, sculptural et surtout cousu main, il adopte une posture digne des statues antiques. Une manière spectaculaire de rappeler que chez G-STAR, même les gorilles portent le denim avec aplomb ! On peut également saluer le travail colossal derrière les 150 muscles imprimés en 3D, les 700 heures de couture et les 3 000 mètres de piqûres.
Ici, l’anatomie devient surface, le tissu devient chair, et le gorille — souvent figé dans une pose dominante dans les musées d’histoire naturelle — nous regarde, comme s’il posait. On pourrait presque mettre en fond Vogue de Madonna, avec son célèbre refrain « strike the pose ». L’idée ? Brouiller les frontières entre art, artisanat, science et mode. Et peut-être, aussi, nous rappeler que le denim, ce tissu a priori simple, n’a pas fini de muter.