Il est 12h30 du matin sur la Côte des Basques. Le soleil commence à peine à percer la brume atlantique, et déjà, des silhouettes convergent vers la plage, planches sous le bras, combinaisons colorées, sourires radieux. Certaines sont là pour la première fois, d’autres reviennent pour la troisième édition consécutive. Toutes ont une chose en commun : elles savent qu’ici, pendant trois jours, elles vont vivre quelque chose de différent, de rare, de profondément généreux. Le Queen Classic Surf Festival n’est pas un événement comme les autres. C’est une expérience totale, une parenthèse enchantée où le surf cesse d’être une discipline élitiste et masculine pour devenir ce qu’il aurait toujours dû être : un espace de liberté pour tous.tes.
L’expérience Queen Classic : bien plus qu’une compétition
Dès l’arrivée au village festival installé face à l’océan, on comprend que l’on n’est pas dans un énième contest de surf formaté. Ici, pas de sponsors géants qui écrasent l’espace visuel, pas de podiums intimidants, pas de cette ambiance compétitive qui peut parfois étouffer la joie pure de surfer, seul Vans est présent comme chaque année. À la place : des poufs bardés du logo de la marque culte, des stands d’artistes locaux mais aussi primordiaux comme Safer – « un dispositif visant à réduire les violences sexuelles et sexistes en milieux festif »– mais aussi Le Club de Surf Queer, une cartomancienne et surtout, cette énergie palpable de bienveillance collective.
Cette générosité n’est pas anecdotique : elle est au cœur du projet. Les compétitions de longboard et de shortboard, loin d’être de simples affrontements sportifs, fonctionnent sur un système de teams où surfeuses confirmées se retrouvent côte à côte. Karina Rozunko, figure tutélaire du longboard européen, a ainsi passé des heures dans l’eau. Juliette Lacome, Manon Pouget, Holly Wawn : toutes les pros présentes ont joué le jeu à fond, partageant leurs tips techniques lors d’ateliers improvisés sur le sable, participant aux sessions de surf collectif où le niveau importe moins que le flow et la connexion avec l’océan.
Un safe space radical dans un milieu encore rigide
Parlons franchement : le surf, malgré son image bohème et libertaire, reste un univers où les codes masculins dominent. Où les femmes doivent souvent se battre pour être prises au sérieux. Où les personnes queer et trans peuvent se sentir en insécurité. Où les corps non-conformes aux standards de la plage californienne idéalisée sont scrutés, jugés, parfois exclus. Le Queen Classic Surf Festival pulvérise ces codes avec une radicalité joyeuse et assumée. Ici, les surfeuses sont célébrées. Les corps de toutes morphologies investissent l’océan sans crainte du regard. Cette inclusivité n’est pas qu’un mot sur un flyer : elle est tangible, incarnée, vécue. Et surtout, le festival a mis en place une équipe de référent.es formé.es pour prévenir et gérer toute situation de discrimination ou de harcèlement. Résultat ? Zéro incident signalé, et une ambiance où chacun.e peut baisser la garde et être soi.
« Ce qui me touche le plus, c’est de voir des gens découvrir qu’un autre surf est possible », confie l’une des surfeuses, Juliette Lacôme. « Des filles qui n’osaient plus aller à l’eau à cause de remarques sexistes, des personnes queer qui avaient abandonné le surf parce qu’elles ne se sentaient pas en sécurité… Elles reviennent ici et elles se réapproprient ce sport. C’est politique, c’est émotionnel, c’est libérateur. »
Une programmation culturelle qui élève l’expérience
Si le surf est le cœur battant du festival, la programmation off transforme l’événement en véritable écosystème culturel. Le Queen Classic a compris que pour changer la culture surf, il faut l’hybrider, l’ouvrir, la mettre en dialogue avec d’autres univers.
La soirée d’ouverture, vendredi soir, a donné le ton : sur la scène face à l’océan, des drag queens locales ont performé un show explosif « Je ne m’attendais pas à ça dans un festival de surf », s’exclame Inès, 23 ans, venue avec ses potes de Bordeaux. « C’était tellement puissant, tellement beau. Ça m’a fait réaliser que le Queen Classic, ce n’est pas juste du surf, c’est un statement. »
Tout le week-end, la programmation a alterné entre podcasts enregistrés en direct, des sets electro-féministes, des concerts de groupes locaux, une battle de bras de fer hilarante organisée par le Club de surf queer, où muscles et rires se sont mêlés dans une explosion de (fake) testostérone positive et de camaraderie décomplexée. « Le concours de bras de fer, c’était mon moment préféré », rigole Joséphine, bénévole. « C’était tellement absurde et joyeux. On était toutes à fond, à s’encourager, à crier. C’est exactement l’énergie du festival : on ne se prend pas au sérieux, mais on prend notre place au sérieux. »
Dimanche, l’émotion a atteint son paroxysme lors de la cérémonie de clôture improvisée sur la plage. Pas de trophées clinquants ni de champagne qui gicle. Juste un cercle géant où chaque participante a été invitée à partager un mot, une sensation, une gratitude. Certaines ont parlé de guérison, d’autres de renaissance, beaucoup de communauté retrouvée. Les larmes ont coulé librement, mêlées au sel de l’océan et à l’écume des vagues qui continuaient de rouler derrière, indifférentes et éternelles.
L’héritage d’une révolution douce
Alors que les dernières participantes rangeaient leurs planches dimanche soir, une évidence s’imposait : le Queen Classic Surf Festival 2025 a marqué un tournant. Pas seulement pour Biarritz, pas seulement pour le surf français, mais pour le mouvement global vers un sport plus inclusif, plus généreux, plus humain. Mais au-delà des stats, c’est l’impact qualitatif qui impressionne : combien de femmes vont retourner surfer dans leurs spots locaux avec une confiance renouvelée ? Combien de personnes queer vont oser rejoindre un club de surf en se disant qu’elles aussi ont leur place ? Combien de jeunes filles vont voir les photos du festival et se dire qu’elles aussi peuvent devenir surfeuses ?
Le Queen Surf prouve qu’un autre modèle est possible. Dans un contexte où les sponsors et les médias continuent de favoriser le surf masculin traditionnel, ce festival mais surtout l’appui de Vans démontre qu’il existe un public immense et enthousiaste pour des événements centrés sur les femmes et les minorités de genre. Et surtout, il prouve que l’inclusivité n’est pas incompatible avec l’excellence sportive ou l’ambiance festive. C’est même ce qui rend l’expérience plus riche.
La génération Z, en particulier, s’est emparée de l’événement comme d’un symbole de ce que devrait être le surf en 2025 : ouvert, divers, joyeux, politique sans être dogmatique.
Et maintenant ?
Alors que Biarritz retrouve son calme habituel, une question persiste : comment transformer l’énergie du Queen Surf en changement durable ? Le Queen Classic devient peu à peu un mouvement, pas juste un événement. Et pour toutes celles qui y ont participé, une certitude : elles reviendront. « L’année prochaine, je ramène dix copines », promet Inès en quittant la plage. « Elles doivent vivre ça. Tout le monde devrait vivre ça. »
Dans l’eau, une dernière surfeuse attrape une vague parfaite. Elle glisse avec grâce, les bras levés vers le ciel, le sourire éclatant. Sur la plage, une cinquantaine de personnes l’acclament, l’encouragent, célèbrent sa ride comme si c’était la leur. Parce qu’au fond, c’est exactement ça : au Queen Surf, chaque victoire est collective, chaque vague est partagée, chaque moment est une célébration de ce qui nous unit plutôt que de ce qui nous divise.
C’est ça, la révolution. Et elle n’a fait que commencer.
Le Queen Classic Surf Festival reviendra en septembre 2026. Pour plus d’infos et pour ne rien rater de la prochaine édition : [suivez le mouvement sur les réseaux]