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“Crossroads” : on ne parle pas assez du premier film de Britney Spears

La carrière d’actrice de Britney aurait pu prendre un autre tournant si ce film avait été reconnu à sa juste valeur plus tôt.

J’ai 8 ou 9 ans. Je ne me rappelle plus très bien dans quelle enseigne j’étais, si c’était Saturn ou Boulanger (à l’époque, ils vendaient encore des DVD). Nous sommes presque au milieu des années 2000 et, sans le savoir, je repars à la maison avec un trésor cinématographique : le premier film de Britney Spears. Promis, ce n’est pas une blague.

©Paramount Pictures

Le packaging est bleu ciel, il y a deux disques à l’intérieur et sur la jaquette, Britney sourit, entourée de deux actrices que je ne connais pas. Le titre ? Crossroads. Littéralement “À la croisée des chemins”. À l’époque, ma culture cinématographique se limite aux sœurs Olsen et à leurs aventures tout autour du globe. Je n’emprunte rien au vidéoclub de mon village en région parisienne car mes parents cèdent à tous mes caprices et tous les week-ends, je repars avec un livre, un CD ou un DVD (en somme, le Pass culture avant l’heure).

Bien sûr, je connais déjà Britney. J’ai déjà eu affaire à elle. Elle me fascine mais c’est un amour un peu honteux. Mes amis de l’école ne comprennent pas. Un garçon n’est pas censé écouter ce genre de musique, encore moins mimer les chorégraphies dans la cour ou aux goûters d’anniversaire (à ce sujet, je remercie mes parents de ne jamais m’avoir filmé lors de mes spectacles à la maison).

Mais cette fois-ci, c’est différent, je vais pouvoir la voir essayer autre chose. Cette fois, pas de serpent sur les épaules, de micro-casque ou de costumes élaborés laissant apparaître le piercing au nombril de ma pop star préférée. Britney va passer au second plan pour laisser son personnage sur le devant de la scène, dans l’écran de télévision de ma chambre d’enfant, dont les murs sont d’un bleu aussi pur que celui de l’affiche du film. D’avance, je le sais déjà, je vais aimer (spoiler alert : j’ai aimé).

Aujourd’hui, vingt ans se sont écoulés mais le film résonne toujours en moi. Sa qualité est encore débattue mais il a eu un certain impact, et pas seulement sur moi. Oui, c’est mon film doudou. Celui que j’aime regarder quand je suis malade. Quand j’ai besoin de retrouver l’innocence. Celui que j’aime faire découvrir à mes amis, même si certains l’accueillent en levant les yeux au ciel. Il me rappelle une époque où tout était plus simple et le petit garçon que je ne suis plus. Son importance dans ma vie ne fait aucun doute mais, plus que ça, au fil des années, Crossroads est aussi devenu un film culte. Et voilà pourquoi.

Crossroads me rappelle une époque où tout était plus simple et le petit garçon que je ne suis plus. Son importance dans ma vie ne fait aucun doute mais, plus que ça, au fil des années, Crossroads est aussi devenu un film culte.

Il y a 20 ans, un succès en demi-teinte…

En février 2002, Crossroads sort dans les salles américaines. Il faudra attendre quelques semaines de plus pour le voir en France. Le pitch ? Trois ex-amies se retrouvent le soir de la remise des diplômes à la suite d’un pari pris pendant leur enfance. Une audition à Los Angeles est le parfait prétexte pour partir ensemble sur les routes avant de se perdre de vue pour toujours et de prendre des chemins différents…

Au début des années 2000, Britney connaît son âge d’or : elle a déjà vendu plusieurs dizaines de millions de disques, forme un des couples les plus médiatisés de l’époque avec Justin Timberlake… Sans compter son contrat lucratif avec Pepsi. En juin 2002, Forbes la couronnera même du titre ultime de célébrité la plus puissante de la planète. A l’époque, elle vient à peine de sortir son troisième album, qui se vend moins que les deux précédents mais marque une étape importante dans sa carrière : la jeune écolière de Baby One More Time devient une femme. Les mélodies acidulées de ses premiers tubes se font plus rares, même s’il en reste encore quelques traces. C’est à cette époque que je la découvre véritablement, avec “I’m a Slave 4 U” et son clip ultra-sexy (aujourd’hui encore, je connais la chorégraphie par cœur) qui déchaîne les passions.

À sa sortie, Crossroads est un joli succès au box-office : avec un budget de 12 millions de dollars, il a été produit comme un film indépendant. Les recettes en fin d’exploitation s’élèvent à 61 millions de dollars. Les critiques, quant à elles, sont assassines et nombreuses sont celles qui parlent du physique de Britney ou de la force commerciale qu’elle représente plutôt que de sa performance de comédienne. Elle remportera d’ailleurs le Razzie Award de la pire actrice pour ce rôle.

Avec le recul, ces attaques (injustifiées pour la plupart) s’expliquent plutôt facilement. À cette époque, le vent commence à tourner : les ventes d’album de la pop star baissent, elle change de registre en passant de reine de la teen pop à dresseuse de serpent sur la scène des VMAs… Surtout, sa rupture avec Justin Timberlake fait la une de tous les tabloïds et cette fois-ci, la petite fiancée de l’Amérique n’est plus : c’est elle la méchante… “Je pense qu’il y avait beaucoup de pression”, explique aujourd’hui la réalisatrice du film, Tamra Davis, dans une interview à Variety. “Très vite après la sortie du film, sa vie a pris un autre tournant. Elle a rompu avec Justin, ses parents se sont séparés… Son monde a commencé à s’écrouler tout autour d’elle.”

Plus qu’une madeleine de Proust, un vrai bonbon de la pop culture

Si Crossroads a potentiellement contribué à la descente aux enfers de Britney, c’est aussi un projet tendre, sincère et bourré de charme. Deux décennies plus tard, il est temps de redonner ses lettres de noblesse à ce film. Crossroads, c’est un savant mélange de comédie (la scène de la chambre d’hôtel avec Justin Long, culte) et de drame (le twist du film, à ne spoiler sous aucun prétexte), un casting cousu main (Justin Long, Kim Cattrall…) et bien sûr de la musique (une reprise d’“I Love Rock ’n’ Roll” dans un bar de La Nouvelle-Orléans, une ballade au piano, “I’m Not a Girl, Not Yet a Woman”, coécrite par Dido…) Sans être un chef-d’œuvre, le film s’est avéré marquant pour un certain public. “J’ai l’impression que les critiques étaient injustes avec elle car nous avons fait énormément de projections tests. Le public, et en particulier les jeunes filles, adorait ce film. Il était fait pour elles. Il a fonctionné sur ces personnes-là. Britney était une cible facile”, poursuit Tamra Davis. Difficile de ne pas prendre les critiques de l’époque comme une forme d’élitisme culturel, voire de misogynie à l’encontre des œuvres produites pour un public féminin. Plutôt que de chercher à tout prix à pointer les failles du film, pourquoi ne pas plutôt y voir un divertissement efficace ?

Sans compter que Crossroads est loin du projet marketing qu’on l’accuse d’être. Si, jusqu’ici, Britney a fait quelques apparitions dans des séries télévisées (notamment dans Sabrina, l’apprentie sorcière), elle n’a pas encore fait le grand saut vers le cinéma, malgré de nombreuses propositions. Plutôt que d’accepter des rôles qui ne lui correspondent pas ou qui, au contraire, sont trop proches de la vision qu’on se fait d’elle, elle préfère construire le projet de A à Z. Scénario, musique, casting… Britney se jette à corps perdu dans cette nouvelle aventure, comme le décrit Tamra Davis, toujours dans Variety : “Elle a toujours été impliquée. Je ne pense pas que quoi que ce soit ait été décidé sur ce film sans que Brit n’en soit satisfaite.”

Britney se révèle à l’aise dans ce nouvel exercice. Malgré le stress des premiers jours, le tournage se déroule dans une atmosphère bienveillante, sur fond de sororité. Car Crossroads, c’est aussi un film de femmes. Derrière la caméra, Tamra Davis est une metteuse en scène confirmée qui a déjà travaillé avec Drew Barrymore. Côté scénario, on retrouve Shonda Rhimes (pré-Grey’s Anatomy et son empire Shondaland) qui, toujours aussi fière de ce projet, a partagé des clichés exclusifs du tournage sur Instagram pour célébrer les 20 ans du film. Et à l’affiche, on peut spotter deux futures chouchoutes d’Hollywood : Zoe Saldana (Avatar et Les Gardiens de la galaxie, rien que ça) et Taryn Manning (Orange Is the New Black), qui ne tarissent pas d’éloges sur cette expérience et sur leur partenaire de jeu.

Mais qu’en pense la principale intéressée ? En 2013, quand on lui demande si, au même titre que Chaotic (sa télé-réalité mettant en scène sa relation avec son ex-mari Kevin Federline, véritable pépite), Crossroads est la pire décision de sa carrière, elle s’exclame : “I like Crossroads ! Fuck you !”

©Paramount Pictures

Maintenant que Britney est libre après treize longues années de tutelle, on ne peut s’empêcher de penser aux nombreuses scènes du film où elle parcourt les routes des États-Unis avec ses copines, libre comme l’air, alors même qu’elle a été privée de ce droit pendant trop longtemps. Rétrospectivement, Crossroads sonne alors comme un hymne à la liberté, à l’amitié et à l’insouciance des années 2000, où tout nous paraissait plus simple. Friends et Sex & the City étaient encore diffusées à la télé, Brad et Jennifer formaient le couple idéal et nous passions notre temps sur MSN, pas sur Twitter.

Puis les années ont passé. Mary-Kate et Ashley ont arrêté de jouer les actrices pour se concentrer sur la mode. Hilary Duff est passée de Lizzie McGuire à Gossip Girl. Et quand il est temps pour Britney de faire son retour après une année compliquée, quelle est la première étape de la stratégie médiatique orchestrée par son management ? Un rôle en guest star dans How I Met Your Mother, comme pour rappeler au public qu’elle n’est pas qu’une poupée de son. Dans la série, Britney est drôle, attendrissante et bourrée de charme. Comme dans Crossroads ! Mais cette fois-ci, les critiques sont élogieuses et elle revient même pour un second épisode. Par la suite, elle apparaît également dans Glee et dans Jane the Virgin, où elle joue son propre rôle. Mais on attend toujours le rôle qui mettra tout le monde d’accord – du Mickey Mouse Club aux Oscars, il n’y a qu’un pas (demandez à Ryan Gosling).

De mon côté, je reste toujours aussi marqué par ce film qui m’a donné des envies de longs trajets en voiture, de soirées karaoké interminables et d’amitiés qui peuvent survivre à tout (au temps, à la distance, aux différences) – et à celles et ceux qui ne comprendraient pas cet amour inconditionnel, je répondrais la même chose que Britney : “Fuck you !”

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