Pabllo Vittar : She runs the world
L’artiste drag la plus suivie du monde se livre à NYLON sur son amour de la culture brésilienne et son dévouement à la communauté LGBTQIA+
L’artiste drag la plus suivie du monde se livre à NYLON sur son amour de la culture brésilienne et son dévouement à la communauté LGBTQIA+
Impossible de mentionner Pabllo Vittar sans immédiatement évoquer la petite révolution qui l’accompagne. J’ai rencontré la star brésilienne lors de sa toute première visite en France, curieux de comprendre comment elle avait accédé au statut d’artiste drag la plus suivie et écoutée au monde.
Aujourd’hui, ce que représente Pabllo Vittar va bien au-delà d’une simple pop star ou d’une drag-queen : en combinant ces deux rôles iconiques, Pabllo est devenue ces cinq dernières années un véritable phénomène au cœur de sa culture, et est en passe de conquérir le monde.
Elle vient d’un pays à la fois célèbre pour sa gigantesque et vibrante communauté LGBTQIA+ et pour son taux de violence record envers cette même communauté. Sa représentation positive dans les médias brésiliens reste récente, et le fait de voir une drag-queen accéder à ce niveau de médiatisation est sans précédent.
Aujourd’hui, Pabllo est un nom bien établi en Amérique latine, suivant le chemin de la méga-pop star en devenir Anitta dans sa conquête du monde. Après une tournée mondiale qui a fait d’elle la première drag-queen à se produire à Coachella et l’a conduite en haut de l’affiche de l’édition latino-américaine du festival Lollapalooza et du Primavera Sound à Barcelone, nous avons rencontré la plus grande drag-queen du monde dans les coulisses de son concert à guichets fermés à Paris.
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Revenons au début, comment est née Pabblo Vittar ?
Pabllo est née quand j’avais environ 18 ans. Je chantais déjà à l’époque, mais le drag est arrivé à peu près au moment où RuPaul’s Drag Race commençait à devenir un phénomène et où la scène drag-queen au Brésil a commencé à se développer. Pour moi, le drag était un moyen de combiner tout ce que j’aimais faire et que j’absorbais à travers cette « nouvelle » scène, et aussi de chanter. La combinaison du drag et du chant a vraiment renforcé ma confiance en moi sur scène.
Comment cela ?
Vous savez, quand je suis en drag, il y a toute cette personnalité, cette ambiance « Je suis une diva » qui s’empare de moi. Je me sens vraiment plus mature face à un public et je peux vraiment exprimer ma voix.
C’était comment cette première tournée mondiale ?
Fatigant, très fatigant ! (Rire.) Mais aussi très cool parce que j’ai pu rencontrer beaucoup de gens sur la route et surtout tous.tes mes fans à travers le monde, ce que je n’avais jamais eu l’occasion de faire auparavant. Ici, à Paris, je viens d’arriver mais j’ai déjà pu en rencontrer beaucoup. Ce qui est triste, c’est qu’on n’a pas trop l’occasion de passer du temps ensemble, mais pour moi, c’est vraiment spécial d’être en contact avec tout le monde dans chaque pays où nous passons. La tournée, de manière générale, a été incroyable. Extrêmement intense mais vraiment incroyable. J’ai vraiment ressenti l’importance d’être bien préparée cette fois-ci, car nous avons commencé la tournée en mars au Chili et nous sommes allées jusqu’en Amérique du Nord – avec un concert très spécial à Coachella – pour la terminer ici en juin en Europe.
Qu’est-ce qui rend le concert d’I Am Pabblo si différent de tes concerts précédents ?
I Am Pabllo a été conçu comme un tour de manège à travers ma carrière, en mode Disneyland. Il s’est passé tellement de choses au cours de ces cinq années et ça fait plaisir de pouvoir regarder en arrière, de mes débuts à ma situation actuelle. C’est très spécial de voir à quel point j’ai changé, à quel point ma musique a évolué et comment j’assume tout cela lorsque je me produis en concert. Tout est beaucoup plus fluide et je suis plus confiante maintenant. C’est comme si j’avais besoin de la personnalité de drag pour me produire ; maintenant, j’ai juste l’impression d’être cette artiste. Je suis Pabllo !
Qu’est-ce que cela fait de partir en tournée internationale avec un album aussi riche en références brésiliennes que Batidão Tropical ?
J’adore ça parce qu’il est vraiment temps pour nous, Brésilien.ne.s, de faire bouger les choses et de célébrer internationalement notre propre langue et notre culture, et pas seulement des choses qui viennent de l’étranger. C’est vraiment cool de voir mes fans chanter les chansons en portugais avec leur propre accent. Bien sûr, je commence avec des chansons en espagnol et en anglais qui permettent au public de comprendre l’histoire que je raconte, mais j’ai l’impression que ce qu’ils aiment le plus, ce sont toujours les chansons en portugais ! (Rire.)
Mais to be honest, il n’y a vraiment rien de mieux que tes chansons en portugais !
Mais grave, meuf ! C’est si bon de les voir kiffer notre culture, de les voir la célébrer et faire la fête comme nous.
C’est très intéressant parce que, grâce à toi, une certaine frange du public découvre notre culture. Tu penses que ton public à l’international a l’esprit assez ouvert pour comprendre ce contenu et ces références ?
Tout à fait ! Je pense que nous avons maintenant la confirmation que le public international est attiré par les artistes brésilien.ne.s parce que nous faisons de l’art brésilien. C’est la même chose pour nous lorsque nous apprécions et célébrons les cultures d’artistes internationaux. Et je ressens la même chose lorsque je fais de la musique en anglais ou en espagnol. Je n’ai jamais eu l’impression que la réaction de mon public international était de dire « Ugh, elle essaie de s’assimiler et de s’américaniser ». Il s’agit vraiment pour moi d’étendre mon ADN et ma culture à un langage plus universel pour inclure tout le monde, surtout lorsque je me produis en dehors du Brésil.
Quelle a été la meilleure expérience de cette tournée jusqu’à présent ?
Jouer au Primavera Sound à Barcelone était incroyablement beau. Chaque show de cette tournée m’a marquée d’une certaine manière, mais Primavera était vraiment spécial. Il y avait tellement de gens qui sont venus nous voir et qui étaient à fond, ils ont tout donné pour faire partie du concert, il y avait plein de gens d’Amérique latine, des Brésiliens et des Européens, tous.tes ensemble, c’était juste dingue et incroyable.
Tu es une icône LGBTQIA+ et tu viens d’un pays qui est parfois très dur envers notre communauté. Comment tu te sens quand tu réfléchis à ton incroyable trajectoire en tant qu’artiste ?
C’est un grand honneur d’être l’une des voix qui se battent pour notre communauté au Brésil, car ce n’est pas toujours facile pour nous là-bas. Nous avons parcouru un long chemin, surtout au cours des quatre dernières années, durant lesquelles on avait l’impression de revenir en arrière – c’est là qu’on a réalisé qu’il y avait encore beaucoup de chemin à parcourir. Mais c’est pourquoi nous sommes toujours là, c’est pourquoi nous travaillons et c’est pourquoi nous amenons notre volonté politique partout où nous allons. Il est vraiment important pour moi de prendre la parole et de sensibiliser notre communauté au Brésil, mais aussi de préciser que nous devons prêter attention à toutes les lettres de nos communautés, et pas seulement aux G. J’ai l’impression que, parfois, lorsque nous mettons les problèmes de la communauté sur la table, nous laissons souvent certaines personnes de côté et ce sont souvent ces personnes qui ont le plus besoin de notre soutien.
Il est vraiment important pour moi de prendre la parole et de sensibiliser notre communauté au Brésil, mais aussi de préciser que nous devons prêter attention à toutes les lettres de nos communautés, et pas seulement aux G.
As-tu l’impression que tes concerts ont un poids politique, surtout en dehors du Brésil ?
Tout à fait ! Lorsque j’interprète “Rajadão”, je fais toujours référence à Lula [l’ex-président brésilien qui se présente à la prochaine élection] et c’est tellement drôle que même mon public international comprend la situation et chante avec moi. Hier à Amsterdam et au Primavera Sound de Barcelone, quelqu’un a lancé un drapeau avec le visage de Lula dessus et c’est vraiment cool. C’est cool de voir que tout le monde dans mon public comprend que le moment est grave et que nous devons agir et voter pour écarter Bolsonaro de la présidence.
Tu as déjà collaboré avec Gaga, Charli XCX, Anitta, Rina Sawayama, Thalía, Major Lazer et bien d’autres… Qui est ton prochain featuring de rêve ?
Rosalía !!! Elle est tellement mignonne ! Nous nous sommes rencontrées et nous nous parlons beaucoup via Instagram. Son dernier album ne quitte pas ma playlist, “Candy” est juste ma chanson préférée.
Qu’y a-t-il d’autre sur ta playlist en ce moment ?
J’écoute de la house en me maquillant pour me booster. J’écoute pas mal de musique brésilienne, évidemment. Et je suis vraiment à fond dans les groupes de rock du début et du milieu des années 2000 qui étaient si populaires quand j’étais petite, comme Los Hermanos, Charlie Brown Jr., O Surto, Caiçaras… Vraiment toutes ces chansons qu’on entendait partout dans notre enfance au Brésil. Toute cette phase a commencé quand j’ai entendu une chanson de Detonautas quelque part, je suis tombée dans ce rabbit hole et je ne peux plus en sortir. C’est tellement bon. Je crois que j’ai déjà un peu le mal du pays. (Rire.)
As-tu un message pour tes fans en France ?
Je suis tellement heureuse d’être ici. Je n’aurais jamais pensé que ma première visite en France serait pour un concert solo, à Paris ! Je suis tellement honorée, j’ai reçu tellement de bienveillance de la part de toutes celles et ceux que j’ai pu rencontrer avant le concert. J’espère vraiment revenir avec plus de temps pour sortir et rencontrer plus de fans et aussi voir Paris. Je suis tellement triste de ne pas avoir eu la chance de visiter la ville, je suis venue directement d’Amsterdam à la salle de concert, je n’ai pu sortir que cinq minutes et j’ai failli me faire écraser par une voiture ! (Rire.)
Mais pour de vrai, j’ai un amour spécial pour mes fans français et je veux leur dire encore une fois que je suis super honorée d’être ici aujourd’hui. Je prévois de revenir et j’apprends la langue pour être capable de parler à tout le monde un peu plus. On ira tous.tes faire un rolezinho (un petit tour, ndlr) à Paris.
Ton parcours est déjà dingue. Qu’est-ce qu’il reste à cocher sur ta to-do list ?
Oh, j’ai encore beaucoup de choses à réaliser ! Je veux tous les gros trucs, un Grammy Award, une chanson numéro 1 dans le monde entier… Anitta a vraiment ouvert la porte pour que nous, [artistes brésilien.ne.s], puissions rêver en grand et conquérir le monde, donc c’est ce que je veux aussi.
Quelle est la prochaine étape pour toi ?
Cette année, je travaille sur mon prochain album, qui sera déjà mon cinquième album studio, ce qui est fou ! Mais oui, il y a déjà beaucoup de choses prévues et d’autres qu’il reste à accomplir. J’ai vraiment profité de cette période de tournée pour travailler sur mes références, rencontrer de nouveaux artistes locaux (les festivals sont parfaits pour ça). J’en ressors avec de nouvelles compétences mentales pour améliorer mon art.
Aurons-nous droit à un deuxième chapitre de Batidão Tropical ?
Pas encore, mais je n’ai pas écarté l’idée, alors stay tuned !
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