Une nuit avec Jade Thirlwall
It Girl notable et dernière membre des Little Mix à se lancer en solo, elle s’amuse à détourner les codes de la diva pop, offrant à la communauté queer tout ce qu’elle espérait.
It Girl notable et dernière membre des Little Mix à se lancer en solo, elle s’amuse à détourner les codes de la diva pop, offrant à la communauté queer tout ce qu’elle espérait.
Notre It Girl du mois de janvier dévoile aujourd’hui son nouveau titre, It Girl (coïncidence ? Nous n’en sommes pas si sûrs). Quatrième extrait d’un album qui s’annonce déjà comme une véritable pépite angélique et pop-électrique, ce bop tourne déjà en boucle pour la 673ᵉ fois à la rédaction. À cette occasion, nous vous invitons à plonger dans l’ambiance survoltée de la crazy night out de Jade avec NYLON à Brooklyn.
« Je vais probablement monter sur scène et secouer mes petits seins, » plaisante Jade Thirlwall, ses boucles brunes volumineuses envahissant la banquette confortable d’un bar à cocktails de Bushwick. Il est presque minuit au Narrows, et la pop star britannique détaille notre programme pour les heures à venir : une apparition au 3 Dollar Bill, où des drag queens interpréteront ses chansons devant une foule de Brooklynites queer, stylés et en sueur. Le club avait organisé une soirée en son honneur il y a quelques mois, après que la star de Little Mix a sorti son premier single solo, Angel of My Dreams, et elle voulait montrer sa reconnaissance — cette fois en personne.
« Toute la promo américaine, je suis là : « Merci ! Merci ! Vous faites le travail du Seigneur ! » » confie Thirlwall, qui sort désormais de la musique sous son seul prénom. « Je ne pense pas avoir jamais été dans un bar gay à New York. J’ai fait le tour des bars gays aux États-Unis, mais pour une raison que je ne m’explique pas, pas encore ici. Ce soir, je vais boire, et je vais passer un bon moment. »
Même si vous ne connaissez pas son travail au sein de Little Mix, un rapide coup d’œil à Angel of My Dreams suffit pour comprendre que vous avez devant vous une véritable star des dancefloors queer internationaux. S’inspirant de la théâtralité déjantée des débuts de Lady Gaga et des commentaires métatextuels frénétiques de Gwen Stefani fraîchement lancée en solo, Angel of My Dreams est un récit audacieux et sans concessions sur la relation amour-haine de Thirlwall avec l’industrie musicale. Son clip, à l’humour sombre, condense en quatre minutes ce que The Idol a tenté de faire en une saison entière.
« Je vis et respire la musique pop. Je connais mon histoire. Je connais mes pop girls. Je passe mes week-ends à regarder des clips musicaux, » explique Thirlwall. « Toutes les grandes icônes pop que j’écoutais en grandissant, je me demande : qu’est-ce que j’aimais chez elles ? Qu’est-ce qui me donnait des papillons en achetant leurs albums ? »
Après avoir passé la première décennie de sa carrière dans un groupe de filles, elle savait qu’elle n’aurait qu’une seule chance de se réintroduire avec ce premier single. « Je me souviens de l’avoir jouée à ma mère, et elle m’a dit : ‘Ugh, c’est brutal !’ et je lui ai répondu : ‘Parfait !’ », se souvient Thirlwall en riant. « J’aurais bien plus préféré avoir cette réponse plutôt que ‘C’est une jolie chanson.’ Dans ma tête, je me suis dit : ‘Je vais mettre toute la gomme et tout donner. Et que ça vous plaise ou non, vous pouvez respecter le risque.’ »
Les fans ont réagi de manière prévisible, mais la réaction qui a le plus surpris Thirlwall est venue d’autres artistes. Taylor Swift l’a ajoutée à sa playlist avant-show lors de The Eras Tour. Camila Cabello l’a qualifiée d’exemple éclatant de « l’intégrité artistique » dans une interview radio. Thirlwall raconte que ses DM et commentaires se sont remplis de messages de soutien venant d’amis et d’inconnus, dont Stormzy, Raye, Florence Welch et Brooke Candy. « C’est la plus grande réponse que j’ai jamais eue », dit-elle.
Au-delà de ses choix esthétiques audacieux, ses paroles ont capturé la précarité de la lutte pour garder sa place sur le podium de la pop — et ont mis en mots ce que beaucoup d’artistes pensaient sans doute, mais qu’ils avaient peut-être peur d’exprimer. Comme Thirlwall le chante à un directeur de label imaginaire dans la chanson : « Si je ne gagne pas, je finis à la poubelle / Tu dis que tu ne me connaissais pas / Mais quand je décolle, tu me poursuis, alors poursuis-moi ! »
Lana Ja’Rae
Jupiter Genesis
Alors que nos boissons arrivent — Thirlwall est amusée de découvrir l’existence des Phony Negronis — elle me dit que, de nombreuses manières, Little Mix a défié les attentes. Après s’être formées sur X Factor en 2011, les membres ont surmonté une lutte difficile pour obtenir de la crédibilité, ont pris une place centrale dans l’écriture des chansons et la direction créative, ont enduré de nombreuses critiques des tabloïds, et ont même survécu au départ tumultueux de la membre originale Jesy Nelson en 2020. « Le fait que nous ayons duré plus de 10 ans — on n’entend pas beaucoup de groupes de filles qui durent aussi longtemps », dit Thirlwall.
Pourtant, même au sommet de leur succès, elle a toujours eu l’impression qu’ils étaient à un single sous-performant d’être « dans la zone de danger ». « En sortant de X Factor, tu es sur une chaîne de production. Tu vois d’autres personnes de l’émission, dès qu’elles ne sont pas dans le top 10, elles vont être éliminées, et tu te dis juste : ‘J’espère que ce n’est pas moi !’ »
Elle a écrit « Angel of My Dreams » pendant un autre moment important de sa carrière, lorsque le directeur de son label a quitté l’entreprise quelques mois après l’avoir signée en tant qu’artiste solo. Un secret peu glamour de l’industrie musicale, explique Thirlwall, c’est combien la carrière d’un artiste peut dépendre du fait que son « champion » au sein du label reste ou non. « Je flippais grave », dit-elle.
« Je me disais : ‘Oh mon Dieu, et si quelqu’un d’autre arrivait et qu’il ne comprenait pas ?’ Si tu tombes sur quelqu’un qui ne croit pas vraiment en ce que tu fais, ou que ce n’est pas son bébé parce qu’il n’a pas commencé [ton projet] avec toi, ça peut vraiment être néfaste. À ce moment-là, tu es coincé dans un contrat. »
Lana Ja’Rae
Jade pense qu’il devrait y avoir plus de chansons pop sur le travail, en fait. « Je suis dans une relation saine et heureuse — il n’y a rien de dramatique à écrire là-dessus ! » dit-elle à propos de son petit ami, le musicien et acteur Jordan Stephens, avec qui elle est depuis 2020. Le drame professionnel, en revanche, est largement identifiable.
« Surtout dans l’industrie créative, tu dois être obsédé par ton travail. Si tu n’es pas obsédé, tu te fais juste engloutir et recracher. Tu dois vivre et respirer ton job. Être une pop girlie, c’est ma vie. J’adore ça. Je suis amoureuse de l’industrie, de tous les bons côtés et les mauvais côtés. Donc quand je réfléchissais à ce que serait ma première chanson — ça a toujours été l’amour de ma vie. »
Jade and Beaujangless
Il est officiellement très tard maintenant, et Thirlwall boitille dans les rues désertes autour du bar en prenant quelques photos. « C’est la seule chose que je n’ai pas apprise des drag queens : comment marcher en talons », plaisante-t-elle tandis que les membres de son équipe la suivent. Bientôt, nous montons tous dans sa voiture, où Thirlwall retouche son maquillage et passe en revue les détails de notre prochaine étape avec l’un de ses managers. Le plan : Alors que l’artiste drag Jupiter Genesis termine une performance de « Angel of My Dreams », Thirlwall apparaîtra pendant le dernier refrain, dira quelques mots et dansera sur une nouvelle chanson, « It Girl », qui commence immédiatement à passer dans les haut-parleurs de la voiture.
« Ils ne s’attendent pas à une chorégraphie de type kat-kitty-kat-kat-kat ? » demande Thirlwall à la voiture, en faisant des gestes de vogue nonchalants. Elle confirme qu’elle peut improviser. « C’est OK si c’est un peu bordélique », dit-elle.
Lors de la soirée « It Girl » n’est pas encore sorti, mais les fans la connaissent déjà (sous son titre précédemment rapporté « That’s Showbiz Baby »). Thirlwall a posté un extrait du refrain percutant de la chanson en ligne, comme un petit œuf de Pâques, peu de temps après la sortie de « Angel », dans le but de tester la réaction du public. « Je me sens tellement harcelée par les fans que je n’ai pas d’autre choix que de la sortir maintenant », dit-elle.
La liberté de sortir des chansons quand et comme elle le souhaite est l’un des avantages de la célébrité solo. « J’ai passé des années et des années à être conditionnée : ‘Voici à quoi doit ressembler une sortie, voici comment ça doit se dérouler, voici le modèle de l’option super safe,’ » dit-elle, en reconnaissant le rythme bien huilé de Little Mix. (Les six albums studio du groupe sont tous sortis en novembre, un à deux ans d’écart). Cette fois, elle veut aussi s’amuser. « J’aime l’idée que personne ne sache ce qui va arriver ni quand ça va arriver. Je pourrais simplement lâcher une chanson, ou je ferai une montée en puissance vers une grande chanson. J’aime le chaos de cette campagne promo. »
Ce qui nous amène aux plugs anaux.
Pour promouvoir son nouveau single « Fantasy », un hymne à la libération sexuelle façon Diana Ross sous amphétamines, Thirlwall a contacté son ami Samuel Douek — réalisateur de clips et fondateur de la marque de bien-être sexuel et de la vie nocturne Howl — pour créer des produits dérivés comprenant des jouets sexuels, du lubrifiant et des bandanas aux code colorés. « Écoutez, qu’est-ce qu’un plug anal entre amis ? » dit Thirlwall d’un ton pince-sans-rire. « J’ai vu des gens se plaindre à ce sujet. Je suis en mode, ‘Mon Dieu, vous n’en avez clairement jamais utilisé’ — essayez ! Allez-y ! Prenez le pack ‘Fantasy’, my dear, vous serez surpris. »
C’est juste une autre manière pour elle de faire un clin d’œil à l’industrie du métier de pop star. « Premièrement, je sais qui sont mes fans, et deuxièmement, ce n’est rien que je ne fasse pas moi-même, » dit-elle en riant. « En fait, je voulais aller plus loin. Je me suis dit, ‘Des perles anales ! Du pegging !’ [Mon équipe] m’a répondu : ‘Je pense qu’on va se contenter des plugs anaux et des lubrifiants.’ On a aussi parlé des préservatifs, mais quand l’un d’eux craque, t’as des ennuis, donc en fait, c’est plus sûr d’opter pour un plug anal. »
Nous arrivons au lieu de l’événement. Les organisateurs l’accueillent à l’extérieur et la guident à travers le club, derrière le booth du DJ, et dans une petite salle verte où des go-go boys, des drag queens et du personnel de club viennent et repartent toute la nuit. Thirlwall chante quand un DJ passe « Hot to Go! » de Chappell Roan et mime « J’adore cette chanson ! » lorsqu’un remix de « Diet Pepsi » d’Addison Rae passe. Lorsque Thirlwall s’asseoie, je lui dis qu’elle ressemble au mème de Kandy Muse de RuPaul’s Drag Race assise seule dans le VIP, et elle plie immédiatement ses mains sur ses genoux et fixe droit devant elle pour recréer exactement la pose. (Plus tard, je repère une Kandy Muse en dehors de ses heures de travail dans la foule.)
La soirée ne semble pas si différente des sorties habituels de Thirlwall à Londres. « Je ne me souviens vraiment pas de la dernière fois où je suis allée dans un bar hétéro, » dit-elle. « Ça n’existe pas pour moi. Peut-être quand j’étais célibataire, il y a cinq ans ? » Contrairement aux États-Unis, les barmans au Royaume-Uni mesurent plus soigneusement les shots lorsqu’ils préparent des cocktails. « C’est très sophistiqué. Ici, je vais toujours trop loin parce qu’ils versent tout à la volée, » ajoute-t-elle. « Je me suis fait droguer deux fois aux États-Unis. Les deux fois dans un bar gay — à L.A. et à Miami. Mes amis et moi avons un peu pris ça à la rigolade : ‘J’ai sauvé un twink cette nuit-là !’ C’est ça une une bonne alliée. Mais j’ai eu tellement de bonnes soirées aux États-Unis. »
Jade et Luis Fernando, qui ont organisé l’événement.
Thirlwall arrive juste à temps pour assister à une performance étincelante de sa chanson « Midnight Cowboy » de Lana Ja’Rae — qui, quelques jours plus tard, susciterait une petite controverse dans le monde du drag en portant des talons plateformes avec des poissons rouges vivants à l’intérieur — et elle se perche sur le côté de la scène tandis que Beaujangless défile pour une version pleine de flips capillaires de « Fantasy ». Thirlwall va à des spectacles de drag depuis toujours. Lors des vacances familiales quand elle était enfant, elle regardait avec admiration les anciennes queens britanniques qui imitaient des icônes comme Shirley Bassey et Diana Ross. « J’ai toujours vu le drag et les divas pop comme étant inséparables, » dit-elle. En tant qu’adulte, elle a fait plusieurs apparitions dans les éditions britanniques de Drag Race et a même recruté certains des anciennes participantes de la franchise pour la soutenir dans les clips de Little Mix.
« Mon pire cauchemar, c’est de sembler performative ou opportuniste, » dit-elle. Elle est inspirée par la façon dont même les performeurs timides et introvertis peuvent libérer un alter ego puissante une fois sur scène. Et selon elle, elle est simplement là pour soutenir la communauté qui l’a toujours soutenue. « Certaines des queens m’ont littéralement aidée à devenir celle que je suis maintenant. Willam m’a vraiment prise sous son aile. Elle m’a stylée sur des shootings avant quand je n’avais pas de budget. Elle m’a dit, ‘Chérie, viens à mon studio, voici quelques looks, voici des perruques.’ Elles m’ont vraiment soutenue quand j’en avais besoin. »
Jade et Amanda Lepore
À un moment pendant la soirée, Amanda Lepore, une figure incontournable de la scène nocturne new-yorkaise, qui de près ressemble à une sculpture pop-art fragile devenue vivante, s’arrête pour dire bonjour. « On s’est croisées brièvement avant, mais c’était super de pouvoir discuter plus longuement — principalement de notre amour commun pour David ! » me raconte plus tard Thirlwall. Il s’agit du légendaire photographe David LaChapelle, un collaborateur de longue date de Lepore, qui a réalisé le clip de « Fantasy » pour Thirlwall. « On voulait [Lepore] dans le clip de ‘Fantasy’, mais ça n’a pas pu se faire, » dit-elle. « Elle est iconique et tellement gentille. J’espère qu’on pourra se retrouver tou.s.t.es les trois la prochaine fois qu’on sera à L.A. »
Le clip de « Fantasy » s’inspire de l’imagerie grotesque de « Angel of My Dreams » en plaçant Thirlwall au centre d’un hommage sanglant à Carrie. « Je ne pense pas avoir réalisé que je faisais ça avec toutes mes visuels jusqu’à ce que quelqu’un m’en parle : ‘Putain, t’es obsédée par le gore et l’horreur ?’ Et je me suis dit ‘Ah ! Oui c’est surement ça !’ » dit-elle.
Fan de Rocky Horror depuis toujours et actuellement « obsédée » par The Substance, Thirlwall pense que la musique pop est à son meilleur lorsqu’elle joue avec cette énergie WTF. « Que ce soit Madonna avec ‘Like a Prayer’, Gaga quand elle est arrivée ou Britney avec ‘Everytime’ — on se sentait mal à l’aise en regardant ce clip parce qu’on avait accès à sa vie et on jouait un rôle dans son ressenti, » dit-elle. « Tous ces moments pop ont ce fil conducteur ou tu te dis : « Oh mon Dieu, je ne sais pas trop ce que je dois penser de ça.»
Jade and Jupiter Genesis
Finalement, c’est l’heure. Tenant un petit ventilateur motorisé pour éviter que tout ne devienne trop humide, elle monte sur scène pour finir un playback de « Angel » avec Jupiter Genesis, tandis qu’une mer de mains et de téléphones se lève dans la foule en délire. Il y a un petit quiproquo avec la musique — le DJ met un remix d’Alex Chapman de « Fantasy » au lieu du nouveau morceau, mais Thirlwall continue avec un sourire et un haussement d’épaules comme pour dire « whatever ». Elle reste sur scène, dansant et posant tandis que les performeurs de la soirée la rejoignent, jusqu’à ce que « It Girl » passe enfin.
Elle s’éclipsera juste avant 2 heures du matin, mais pas avant de saisir un micro et de s’adresser à la foule : « Je veux remercier les queens. Et je veux vous remercier vous tous, parce que je veux dire que sans la communauté LGBTQ, je ne serais pas une Main Pop Girlie. » Le public rugit. « Je serai toujours avec vous ! Je secouerai toujours mes petits seins pour vous ! »