J’ai l’impression que tu as voulu clarifier ton message avec ce nouvel album. Comment te sont venues ces paroles ? Avais-tu le désir d’être mieux compris ?
Pas vraiment mais c’est le classico : c’est souvent quand on arrête de chercher qu’on trouve. En vrai, j’ai radicalisé mon écriture pour m’approcher de quelque chose qui me correspond mieux. Je me suis surtout questionné sur mon ambition : être un performeur. J’aimerais être à la hauteur de votre déplacement, au service de vos émotions. Donc j’ai pensé au rock’n’roll, évidemment. En écoutant Led Zeppelin, j’ai compris qu’il me fallait capter l’énergie de la performance dès l’enregistrement. Tu sais, c’était comme un acte de résistance pour moi.
On sait comment certaines chansons sont composées aujourd’hui, et je comprends cette machinerie : six topliners dans une pièce à la recherche du hook parfait. C’est un composite génial, qui marche très bien… Mais n’est-ce pas un peu monstrueux ? Toutes les chansons de l’album, je les ai écrites en les chantant. Je pensais aux enregistrements des Stones – ces mecs qui composaient en s’enfermant dans une maison pendant une semaine. Les chansons deviennent alors des abandons. Aujourd’hui, je n’écris plus que de cette façon : d’un seul geste, à la recherche d’un instant de grâce absolu. Mais c’était déjà le cas parfois auparavant… Quand des chansons comme “Doesn’t Matter” ou “Goya ! Soda !” me sont arrivées, je ne pouvais que dire merci. Le rapport au texte et à la mélodie m’intéresse dans ce qu’il a de spontané. Et pour être honnête, je n’ai pas envie d’être intelligent.
Tu parles aussi beaucoup d’amour et de sexualité sur ce nouveau disque. Qu’est-ce qui relie ces trois thématiques selon toi ?
Tout s’articule autour de l’extase absolue de savoir que tu aimes. Ces derniers temps, j’ai beaucoup réfléchi à l’amour et à l’éternité… Ces grands mots qui – clairement – font que je parviens à me lever chaque matin. L’éternité, pour moi, c’est ce moment où tu te sens enfin prêt.e à accepter toutes les aspérités. Les tiennes et celles des autres. Tu te dis qu’on est tous.tes ensemble dans cette aventure, et tu pleures. Ah… éternité. C’est aussi quand tu es avec ton ou ta partenaire, que vous vous regardez dans les yeux alors que vous faites l’amour, et que vous acceptez de changer l’un pour l’autre. Il te genre au masculin parce qu’il voit que tu es en train de chercher qui tu es, et parce que vous vous aimez… Éternité. Je vais un peu plus à l’église. C’est ce sentiment que je recherche constamment et qui me donne envie de flexer quand je fais de la musique. J’aime être dans le surrender, c’est là que s’écrivent les meilleures chansons.
Quel a été l’élément déclencheur de ces réflexions sur l’amour ?
Je suis tombé très amoureux de quelqu’un. Une histoire agitée, mais une vraie histoire d’amour et d’altérité. C’était la première fois que je tombais passionnément amoureux d’un garçon. C’est marrant la vie, tu vois… J’ai toujours été fluide, je me suis cherché et j’ai eu des histoires avec pas mal de personnes mais cette histoire m’a fait réfléchir pour la première fois au regard de l’ange, celui qui aime vraiment. Soudain, tu as l’impression d’être vu par quelqu’un dans toutes tes imperfections. Tu te découvres, et l’autre aussi.
Comment définirais-tu l’amour véritable ?
L’amour véritable, c’est le geste répété, la profession de foi. Pour tout te dire, ce sont aussi la perte de ma mère et mon deuil qui m’ont éveillé à tout ça. C’était douloureux, mais c’était une vraie expérience de conversation, dans l’éther. Quand tu aimes, tu continues d’aimer : le truc ne part pas. En plus, moi, j’adore investiguer les questions qui n’ont aucun sens. J’étais en mode : “Where is she ??” J’ai fait des voyages chamaniques, et même le chaman était là : “Can you calm down ?” – “Nooo, I can’t !”. Oscar Wilde a été assez flex quand il a dit qu’il n’existait que des preuves d’amour. Mais je crois qu’il existe aussi des amours qui n’ont pas besoin d’être prouvées. En tout cas, lorsque je n’arrive pas à définir quelque chose, ça me donne envie de l’encercler dans mes chansons.